La crise du COVID-19 n’est pas que sanitaire. En mars, Pôle Emploi enregistre une hausse de 7,1% de demandeurs d’emploi. Selon la députée du Val-d’Oise Fiona Lazaar, les jeunes en situation de précarité seront les premiers touchés. Pour répondre à cette situation d’urgence, l’élue LREM nous explique sa proposition de loi : le RSA pour les moins de 25 ans.
Fiona Lazaar, députée de la 5ème circonscription du Val-d’Oise ; Crédits : TDR
Votre priorité en tant que députée de la 5ème circonscription du Val-d’Oise est la jeunesse précaire. Vous exprimez vos craintes dans une tribune du JDD publiée le 9 mai 2020, concernant le chômage des jeunes de banlieues de France. Pourquoi cela vous préoccupe tant ?
Mes craintes portent surtout sur la jeunesse car ce sont les premiers touchés : ils ont vu leurs stages et leurs contrats d’apprentissages annulés pour un tiers d’entre eux. Deux ans après la crise de 2008, on avait 75% en plus de chômeurs de longue durée de moins de 25 ans. C’est une donnée massive ! Je demande à mettre en place des fiscalités qui vont permettre d’éviter cette « casse sociale » qui va affecter les jeunes, surtout les moins qualifiés qui sont déjà dans des situations fragiles… Je suis arrivée sur le marché du travail en 2009, donc je suis tout à fait consciente des difficultés qu’ils vont rencontrer.
Quelle est votre stratégie politique pour éviter qu’ils soient découragés par la crise économique causée par le COVID-19 ?
Il faut un plan de relance qui s’appuie sur plusieurs piliers. Premièrement : un grand plan de raccrochage scolaire. En 2018 j’ai travaillé sur un rapport sur l’insertion des jeunes dans le cadre de la stratégie de lutte contre la pauvreté de la Ministre de la Santé. Le décrochage scolaire m’est apparu comme une évidence car c’est un facteur important d’inégalités sociales, scolaires et numériques. On estime que 15% des jeunes en voie professionnelle aurait décroché pendant le confinement, pour la plupart, issus de milieux précaires. Le second pilier est l’encadrement de la formation professionnelle. Avant la loi obligeait l’instruction jusqu’à 16 ans. Aujourd’hui, la proposition retenue est de rendre la formation obligatoire jusqu’à 18 ans minimum. A partir de septembre, tous les jeunes jusqu’à leur majorité seront accompagnés à l’école, par des centres de formations, des Ecoles de la 2e Chance… Il faut s’assurer que la jeunesse des zones prioritaires commence leur vie professionnelle de la bonne manière. Malheureusement, il y a encore 1 million de jeunes sans emplois, sans formation ou sans études (NEET) et on peut imaginer que ces chiffres vont monter.
Concernant votre projet de RSA pour les moins de 25 ans, que dire aux opposants qui pensent que l’élargir va conforter les jeunes dans « l’assistanat » ?
Je suis consciente que la question du RSA pour les moins de 25 ans n’est pas très populaire mais il est indispensable. Je pense qu’il ne faut pas voir ça comme de l’argent de poche distribué aux jeunes qui sont un peu fainéants. L’ouverture de cette aide s’inscrit dans un projet global pour la jeunesse, c’est une bouée de sauvetage.
Quelle sera votre stratégie politique pour atteindre les jeunes concernés par la précarité ?
Les NEET (jeunes sans emplois, sans formation ou sans études) sont hors des radars, il faut aller les chercher. Les instances d’aides sociales et professionnelles existent déjà comme les Missions locales par exemple, acteurs majeurs de lutte contre le décrochage. Il faut s’organiser et les faire travailler ensembles pour créer un réseau solide. Je pense aux assistantes sociales, aux programmes de réussites en lien avec l’Education nationale, aux aides sociales à l’enfance, aux associations de quartier ou sportives, aux éducateurs de rue…
Dans le Parisien le 20 mai dernier, vous dites qu’aucun parent n’aimerait voir son enfant bénéficier aussi jeune du RSA. Cette aide est-elle une honte pour les jeunes ?
Personne ne rêve de voir son enfant au RSA, donc oui ! Il peut y avoir des jeunes qui ne vont pas oser faire la demande. Mais pour un jeune dans le besoin, c’est quelque chose d’indispensable ! C’est pour cela qu’ils doivent être accompagnés. Si les aides sociales ou les travailleurs sociaux pensent qu’ils en ont besoin, ils leur en parleront. Il ne faut absolument pas les laisser s’installer dans la précarité.
Le RSA est-il une solution sur le long terme ? Ou est-ce une réponse urgente à une situation de crise ?
Il faut être capable d’agir sur le long terme, comme on l’a fait avec le dédoublement des classes de CP-CE1 qui portera ses fruits dans 15-20 ans. Également, il faut répondre à l’urgence de la crise sanitaire et sociale. Le RSA pour les jeunes n’est cependant pas l’objectif en soi : on veut que la jeunesse s’épanouisse et s’autonomise au travail ou en formation. Cependant, même avec toute la bonne volonté du monde j’ai peur qu’ils ne se retrouvent sans rien. Je pense surtout aux enfants qui sortent de foyers sociaux dont les contrats d’aide à l’enfance se terminent entre 18 et 21 ans. Ces jeunes sans parents sont livrés à eux-mêmes : un SDF sur trois vient de l’aide sociale à l’enfance. La crise va exacerber le chômage, il faut donc être prêt pour les aider, avant qu’il ne soit trop tard.