Chronique judiciaire : Une commande qui tourne mal

C’est la sixième affaire des comparutions immédiates cet après-midi. Il commence à se faire tard et la salle commence à se vider. Malgré tout, des avocats et des civils passent leur temps à faire des va-et-vient incessants qui font faire à la porte un bruit très énervant.

 

Un jeune homme entre dans le box, calme, il ne laisse transparaître aucune émotion. Loris* est un Arménien originaire d’Azerbaïdjan qui vit en asile en France depuis 3 ans. Il ne parle pas français et est donc accompagné d’une interprète. Aujourd’hui, il est accusé de violence, menace avec arme de poing style pistolet à gaz, avoir entraîné une incapacité totale de travail de moins de six jours et destruction de bien.

Les deux victimes, Émilie* et Thibault*, sont là, assis face à la présidente.

 

On nous rappelle les faits. Dans la nuit du 5 au 6 avril dernier, Émilie et Thibault passent une commande par internet pour se faire livrer un repas à domicile. Après seulement 10 minutes d’attente, l’impatience prend le dessus. Perdre 10 minutes à attendre qu’on leur apporte à manger chez eux devait sûrement être une épreuve insurmontable… Ils décident alors d’aller dans le restaurant où la commande a été effectuée.

Arrivé sur le parking, Thibault trouve le livreur qui s’avère être Loris. Pendant ce temps, Émilie, qui travaille elle aussi en temps que livreuse, va récupérer une commande dans le restaurant. Dehors, le ton monte. Thibault réclame la commande mais Loris ne veut pas, il doit la livrer. La barrière de la langue rend les choses encore plus compliquées. Les insultes fusent et Thibault perd son sang-froid. Il va dans le coffre de sa voiture, récupère un vieil autoradio et le jette sur la voiture de Loris. Quelques témoins viennent calmer les esprits et les séparer.

Finalement, Émilie et Thibault repartent. A ce moment Loris prend une photo de leur voiture, monte dans la sienne et les poursuit. Arrivé à leur niveau, il prend son pistolet à gaz et tire dans la vitre de la voiture des deux jeunes qui explose. Effrayés, Émilie et Thibault se baissent, le jeune homme est blessé par des éclats de verre. La commande d’Émilie livrée, ils rentrent chez eux. Loris arrive peu de temps après avec leur commande et les livre, comme si de rien n’était.

Sur conseil de leur avocat, les deux victimes vont au commissariat pour raconter leur mésaventure. Recherché, Loris se rend à la police peu de temps après et reconnaît les faits.

L’histoire possède tout de même quelques zones obscures…

 

Pour se défendre, Loris ne peut s’empêcher de rappeler l’histoire en détails alors même que la présidente venait de le faire. Cette dernière commence d’ailleurs à s’agacer et demande à passer à l’essentiel. Le prévenu s’excuse auprès de Thibault et Émilie et affirme qu’il « n’avait pas l’intention de les blesser ». Il a pris peur lors de leur dispute car pour lui, Thibault était accompagné de deux hommes.

Les victimes répondent aux questions de la présidente en détails et de manière franche. Leur voix forte laisse deviner de l’anxiété. D’après eux, ils n’étaient pas accompagnés, se sont simplement des personnes qui ont assisté à la scène et qui sont venus les séparer.

 

Loris possède une mention dans son casier pour conduite d’un véhicule sans permis et quelques condamnations pénales pour vol, conduite sans permis et refus d’obtempérer.

 

Pour la partie civile, la réaction de Loris après la dispute est incompréhensible. « Il avait tous les éléments pour porter plainte. Ce n’est pas une attitude raisonnable ». L’avocat demande 1500 €de dommages et 1500 €de plus pour l’état d’anxiété qu’a subi Émilie.

La procureure rappelle que les torts sont des deux côtés, Thibault est convoqué pour un rappel à la loi pour le lancer de l’autoradio sur le véhicule de Loris. Pour elle aussi, la réaction du prévenu était disproportionnée et tout à fait réfléchie. Une demande de 8 mois de prison et d’interdiction de porter une arme pendant 5 ans est proposée.

 

L’avocat de Loris s’est ensuite lancé dans un plaidoyer de plus de 20 minutes, qui a fait s’endormir un autre avocat qui était dans la salle d’audience. Pour défendre son client, l’avocat explique que l’arme utilisée par Loris n’était pas létale et qu’il n’est pas agressif ou violent d’ordinaire.

Soudain, l’audience est interrompue par la présidente. En effet, une personne présente au fond de la salle aurait pris une photo. Après vérification, il n’en ai rien mais la présidente n’en revient pas. On l’entend même marmonner dans son micro « dommage qu’il n’y ait pas un policier dans la salle ». Cette intervention aura au moins permis de réveiller l’avocat endormi…

Retournons à nos moutons. Pour l’avocat, Loris s’est rendu, regrette et reconnaît les faits. Les condamnations qu’il a dans son casier sont « petites » et n’ont rien à voir avec cette affaire. Il se serait retrouvé dans cette situation car il « avait peur ».

 

Le prévenu aura le dernier mot et s’excusera une nouvelle fois auprès des victimes. Malgré cela, Loris sera sûrement condamné.

La prochaine fois, Émilie et Thibault seront peut-être plus patients…

 

*Prénoms modifiés

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