Chronique judiciaire : pas de week-end pour les agresseurs

Tribunal de grande instance de Lyon, comparution immédiate du 02 août

Lorsque la deuxième affaire débute, ce n’est pas un mais trois prévenus qui entrent dans le box. La présidente leur demande de confirmer leur identité : Pierre, 20 ans ; Paul, 30 ans et Jacques, 19 ans*. Les chefs d’accusation sont ensuite rappelés aux prévenus.

 

Un triathlon de violence

Le triathlon commence le vendredi 26 juillet. Pierre, Paul et Jacques auraient d’abord soustrait son téléphone à une jeune femme. Le vol aurait été accompagné de violences entraînant 2 jours d’incapacité de travail à la victime. Plus tard dans la journée, les prévenus auraient soustrait des chaises de jardin à une seconde victime, et l’auraient giflée. Après une nuit de repos bien méritée, les trois hommes s’en seraient pris à une troisième victime, entraînant pour elle une incapacité totale de travail de 15 jours.

La présidente rappelle alors que les prévenus ont le choix d’être jugés maintenant ou qu’ils peuvent bénéficier d’un délai. Les trois hommes demandent le renvoi de leur affaire à une date ultérieure afin de pouvoir préparer leur défense.

Le procureur souligne le trouble local provoqué par les prévenus. Il demande la détention provisoire des trois hommes jusqu’au report de l’audience. Cette détention apporterait selon lui un certain apaisement aux victimes et éviterait la réitération des faits, compte tenu de l’enchaînement de ceux-ci. Le procureur évoque les casiers judiciaires des prévenus pour justifier sa requête. Jacques est le seul à ne pas avoir d’antécédents judiciaires. Toutefois, ses acolytes n’en sont pas à leur coup d’essai. Pierre a été condamné le 10 mai à un an d’emprisonnement avec sursis pour violence avec arme. De plus, il a été arrêté le 02 juillet pour conduite sans permis, dans un état alcoolique et sous l’emprise de stupéfiants. Paul est lui aussi en cas de récidive légale. Il avait été condamné à 4 ans de prison avec sursis. Entre 2015 et 2016, le prévenu a en effet été reconnu coupable de violence avec arme, dégradation, conduite sans assurance et refus d’obtempérer. Le procureur sollicite donc un mandat de dépôt.

 

Insertion ou punition ?

La présidente reprend alors la parole pour faire le point sur la situation sociale et familiale des prévenus. Pierre a 20 ans, il est célibataire et travaille actuellement en tant qu’intérimaire. Paul a 30 ans, est célibataire et a un enfant de 5 ans et demi dont il partage la garde avec son ex-compagne. Il est inscrit en agence d’intérim mais n’a pas de mission actuellement, il est donc au chômage. Le prévenu affirme alors : « je me consacre entièrement à mon fils ». Jacques quant à lui, a 19 ans. Il est en couple, père d’un enfant de 2 ans et vit chez ses parents. Il est à ce jour demandeur d’emploi. Une des juges l’interroge alors : « Vous avez le même nom de famille que la seconde victime, avez-vous un lien de parenté ? ». La réponse de Jacques est alors surprenante. « Non, on n’a pas de lien de parenté. Enfin, c’est mon oncle mais on ne se voit pas. » La juge lui fait alors remarquer que le lien de parenté n’est pas une question d’entente mais d’appartenance familiale. La seconde victime étant son oncle, il a donc bien un lien de parenté avec elle.

La parole est désormais donnée aux avocats des prévenus. L’avocate de Jacques rappelle son jeune âge avant d’évoquer son parcours difficile. Le jeune homme est déscolarisé depuis la troisième. En mai 2019 il a malgré tout obtenu le statut d’auto-entrepreneur. « Il va enfin pouvoir s’intégrer » assure-t-elle. L’avocate rappelle ensuite que son client n’a pas d’antécédents. Qui plus est, le jeune homme nie tout acte violent dans cette affaire. Compte tenu de ces éléments et de la présomption d’innocence, la détention provisoire est à ses yeux disproportionnée, un contrôle judiciaire serait davantage adapté.

 

Quelques zones d’ombre

L’avocate de Pierre commence son plaidoyer en reconnaissant que les faits dont son client est accusé sont très graves. Cependant, elle affirme que cette affaire soulève une interrogation. Il y aurait un hiatus entre les dépositions des victimes et celles des prévenus. Le dossier nécessite pour elle une investigation. L’avocate évoque ensuite l’histoire familiale compliquée de Pierre. Sa sœur a été victime d’une agression sexuelle et sa mère est malade. Celle-ci ne sera bientôt plus en capacité de travailler. C’est donc Pierre qui devra soutenir financièrement la famille. Le jeune homme travaille malgré son absence de formation et sa mission d’intérimaire va certainement aboutir à un CDI souligne-t-elle. « Une détention mettrait à mal tous ses efforts ». L’avocate requiert qu’il n’y ait pas de condamnation à l’égard de son client mais un contrôle judiciaire avec des obligations strictes.

Enfin, l’avocat de Paul prend la parole. Il reconnaît que son client est en situation de récidive mais il fait remarquer à la cour que les faits pour lesquels il a été condamnés datent de 2016. Ce n’est pas si récent que cela. De plus, à cette période, Paul était en train de se séparer de la mère de son enfant. « Le jugement lui a rendu une sérénité » assure l’avocat avant de poursuivre : « Monsieur n’est pas un marginalisé. » Paul est en recherche active de travail, il assiste régulièrement à des réunions. L’avocat poursuit alors son argumentaire par le prisme de la corde sensible. Jacques est père d’un enfant de 5 ans et demi, c’est un papa investi. Pour le prouver, il évoque des photos prises ces dernières semaines. Jacques y figure avec son fils à la piscine et au parc. « Au moment où je vous parle, son fils est chez lui et l’attend » scande l’avocat. La vie de Jacques est un combat qu’il a mené pour son fils. De plus, le domicile fixe du prévenu est situé en face d’une gendarmerie. Cela montre que « Monsieur n’est pas en conflit avec l’autorité judiciaire ». L’avocat termine son plaidoyer en avançant lui aussi qu’il existe des zones d’ombre dans cette affaire. Certains témoins ont rapporté que Jacques était en retrait des agressions alors que d’autres assurent qu’il y a participé en bousculant des victimes et en leur mettant la pression. L’avocat demande donc une confrontation afin de prouver que son client n’est pas lié à cette affaire. Tant que le doute subsiste, la détention, même provisoire, ne peut être envisagée conclut l’avocat. Il demande donc le placement de son client sous contrôle judiciaire.

La présidente demande alors aux prévenus s’ils veulent s’exprimer. Pierre et Jacques, peut-être intimidés par leur jeune âge, ne souhaitent rien ajouter. Paul quant à lui, confie simplement : « J’ai une certaine stabilité aujourd’hui et je souhaiterais la garder ».

Le tribunal ne s’est finalement pas laissé attendrir…ou duper ? Les trois prévenus ont été placés en détention provisoire jusqu’au report de l’audience, le 08 octobre.

 

Affaire suivante !

 

*Pour garantir leur anonymat, les prénoms ont été modifiés.

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