« Véninov » ? Vous en avez sans doute entendu parler. Depuis le mois de juillet, le leader européen de la toile cirée, situé à Vénissieux est en liquidation judiciaire. Prêt à se battre jusqu’au bout, les employés licenciés n’ont pas dit leur dernier mot. Rencontre avec quatre d’entre eux.
Véninov en quelques chiffres :
Création : 1874 par Eugène Maréchal.
Chiffre d’affaire : 20 millions d’Euros dont environ un tiers à l’export.
Production totale annuelle : 19 millions de mètres linéaires soit la moitié de la circonférence de la Terre.
Un site : 6 hectares, 65 000 m2.
Résumé de l’affaire :
Il y a plus de deux ans, Véninov est racheté par deux actionnaires allemands : Eilich, à la tête du groupe Alkor-Venilia dont faisait partie l’usine. Ces derniers ont contracté un prêt de 9.7 millions fin décembre 2010 auprès de Gordon Brothers (fond d’investissement américain) à des taux exorbitants. Gordon Brothers est devenu propriétaire des terrains de Venissieux pour un euro symbolique sans que les salariés soient au courant. Avec l’appui du préfet du Rhône, Jean-François Carenco, une action en justice a été lancée pour contester ce prêt.
Le tribunal de commerce de Nanterre tranchera le 30 novembre prochain sur la date de cessation de paiement de l’usine Veninov de Vénissieux.
Fructuoso Eric, 46 ans, salarié Véninov depuis le 19 février 1986.
« J’avais 20 ans quand je suis rentré à Véninov. C’était ma première embauche. Durant six mois, j’étais à l’essai. Au début, on m’a mis à la machine à découpeuse (permet l’emballage plastique), puis je suis passé à l’atelier impression avant d’être formé comme coloriste. C’était tout nouveau, je découvrais le travail. J’ai été à l’aise tout de suite. Il y avait une bonne ambiance. Aujourd’hui, c’est dur de se dire que c’est fini. Quand on a passé 25ans dans une entreprise… Ca va être difficile de tourner la page. Les machines marchaient bien, on avait des commandes de grands groupes tels que Auchan, Carrefour, Castorama, Leroy Merlin…Maintenant, c’est calme, triste, lugubre mais on continue et on va continuer à se battre. Tant qu’il y a un espoir… Si il faut partir, on partira en se disant qu’on aura tout essayé ».
Bertrand Marc, 46 ans, salarié Véninov depuis 1991.
« Avant, je travaillais dans une grande surface.A Véninov, j’ai été embauché comme responsable d’équipe dans l’impression. Quand je suis arrivé ici, c’était très cool contrairement à la grande surface. Ça m’a surpris ! Ca bossait mais dans un bon esprit. On a vécu plusieurs plans sociaux. L’effectif diminuait, mais ce sont les personnes en pré-retraite qui étaient avant tout visées donc on n’était pas inquiets. Aujourd’hui, je suis abattu mais je n’ai pas envie d’être le dindon de la farce. J’espère qu’au niveau de la préfecture, il y a une réelle envie de trouver un repreneur. J’espère qu’on ne sera pas oublié ! La cellule de reclassement a commencé mais je ne suis pas prêt à accepter n’importe quoi. D’ailleurs, je ne me sens pas licencié. Le redémarrage de cette société est notre premier objectif. »
Serge Bernal, 39 ans, travaille depuis 17 ans à Véninov.
« Je suis arrivé à Véninov par hasard. Avant d’intégrer l’usine, j’étais en intérim. A l’époque, il y avait 350 employés. Il y avait beaucoup de monde. Mon métier : agent de maitrise. Je collais le tissu qui se trouve derrière les toiles cirées. Véninov, c’est une bonne partie de ma vie. On ne va pas lâcher jusqu’au 30 novembre. Même si pour Pole emploi notre sort est joué. Pour eux, c’est déjà fini, on a plus aucune chance. Ils ne comprennent pas. Mon état d’esprit ? Je garde assez bien le moral. Mais au bout d’un moment, il va bien falloir mettre la pression à l’Etat pour qu’ils réagissent… Pour l’instant, tout est calme… »
Depuis quelques mois, les personnalités politiques se mobilisent pour venir en aide à Véninov : André Gerin, Michèle Picard, Guy Fisher, Manuel Walls, Bernard Thibault, (Président du Grand Lyon )
Prochaine étape : le ministère de l’industrie d’Eric Besson.