La problématique du passage des frontières était une question secondaire dans l’esprit des Français, qui ne voyagent que très rarement « hors des clous », c’est-à-dire dans les pays à risques. Cependant les questions de sécurité intérieure poussent l’opinion publique à se pencher sur cette problématique. Le LBB a fait l’expérience du passage des frontières pour vous éclairer sur le sujet.
Nous sommes tous conscients que pour se rendre dans certains pays, il nous faut obtenir un visa. Et selon le pays, la procédure est plus ou moins longue et minutieuse.
Dans un souci d’ouverture au tourisme, des pays permettent d’effectuer la procédure à l’arrivée au sein même de l’aéroport pour faciliter les choses. C’est le cas de la Jordanie et de l’Iran. D’autres pays moins soucieux du tourisme que de leur sécurité intérieure effectuent une vérification préalable. Pour cela, il faut se rendre au consulat du pays en question et laisser votre passeport pendant quelques jours.
L’obtention du visa est une procédure. Le tampon d’entrée et de sortie en est une autre. C’est-à-dire que si le visa est parfois nécessaire, il ne suffit pas. Un tampon vous sera automatiquement apposé sur le passeport pour renseigner vos dates d’entrée et de sortie du territoire, notamment pour des soucis de durée de visa. Le système de tampon est le seul procédé par lequel les autorités peuvent avoir une trace du passage d’un individu à l’une de leurs frontières.
Par exemple, si un individu français envoie par courrier son passeport en Tunisie à un de ses amis tunisiens qui lui ressemblent physiquement et à qui le visa d’entrée en France est systématiquement refusé, l’ami ne peut simplement pas sortir du territoire tunisien avec le passeport de son ami, car il n’a pas de tampon d’entrée.
En effet, il existe beaucoup de spéculations et de légendes urbaines autour du prix du passeport français au marché noir, alors que celui-ci ne vaut rien sans tampon d’entrée ou de sortie.
Des usages douaniers
Une fois arrivé à une douane (sans parler des filtres de bagages), un agent contrôle dans un premier temps votre passeport et sa correspondance avec votre faciès. Et dans un second temps la cohérence des tampons de sortie et d’entrée (dates entrées/sorties). Des pays refusent l’accès à certaines nationalités ou aux personnes ayant séjourné au sein de pays avec lesquels les relations diplomatiques sont rompues.
En ce sens, le Liban, l’Iran ou d’autres pays refusent l’accès des personnes ayant un visa israélien sur leur passeport. Il faut interpréter cela dans le sens effectif, c’est-à-dire que si vous avez séjourné en Israël, mais que vous avez refait votre passeport entre temps, ou si vous avez pu faire apposer le visa israélien sur une feuille volante (pratique courante), vous pourrez accéder aux pays du fait qu’il n’existe plus de trace de votre passage en Israël sur votre passeport.
La notion de trace
La notion de trace prend ici tout son sens. Une fois ces informations récoltées, il existe un procédé très simple pour les vérifier. En effet, comme on a pu le voir précédemment, un passeport se change (suite à une perte, un vol ou une expiration). Dès lors, plus aucune trace de votre passage dans tel ou tel pays n’existe.
Les manifestes de vols permettent à certains services douaniers de vérifier où une personne s’est rendue par avion. En effet, la sécurité nationale peut contraindre les compagnies aériennes à communiquer leurs fichiers aux services douaniers. Les États-Unis en font un usage accru. En un seul clic, les services douaniers peuvent savoir dans quel pays vous vous êtes rendu. Mais seulement par avion.
En effet, si un individu se rend en Iran par la Turquie par voie terrestre, les services douaniers ne pourront pas avoir connaissance de son passage en Iran si ce dernier a changé son passeport entre-temps pour diverses raisons (expiration, perte, vol).
Finalement, dans un souci de sécurité intérieure, les services douaniers en collaboration avec la sécurité nationale redoublent d’imagination. Cela complexifie les systèmes de filtres aux frontières, les outils comme le tampon ne suffisant plus à garantir un filtre effectif.
Mobilité des djihadistes et carence du système français
Le djihad de ceux qui prônent une interprétation violente de l’Islam à l’image des guerres saintes qui ont orné le début de notre aire, est de nos jours orienté essentiellement vers la Syrie. Il existe d’autres destinations (Libye, Yémen, Afghanistan, Le Sahel), mais elles sont moins courues et plus difficiles d’accès par les djihadistes.
Le parcours de ces djihadistes est presque de notoriété publique. Ces individus prennent un vol pour Istanbul (Turquie), puis un vol interne d’Istanbul vers une ville près de la frontière Turquo-Syrienne dont nous ne communiquerons pas le nom pour éviter les déroutes.
Il est donc aisé pour les autorités françaises de connaître des personnes qui se rendent dans ces zones. En effet, dès lors que le tampon d’entrée en Turquie est présent sur les passeports et que les manifestes de vols fournis par les compagnies aériennes (généralement Turkish Airlines) montrent que ces individus se sont rendus dans une zone très peu touristique, les autorités ont tout de suite des soupçons. Un élagage doit ensuite être effectué par les autorités pour éliminer les journalistes et les humanitaires de la liste des vrais candidats au djihad, qui eux sont mis sous surveillance.
Cependant le nombre excessif de candidats et le peu de moyens opérationnels des services de la DGSE et DGSI permettent à certaines personnes de passer entre les mailles du filet… Mais ça, vous le savez déjà.
L’expérience du LBB
Nous avons donc décidé de nous rendre dans plusieurs pays afin de vérifier toutes ces exigences. Pour nous rendre en Inde, le visa est obligatoire. Nous avons donc fait la demande pour deux passeports. Le premier nous a été retourné au bout de deux semaines, le second au bout d’un mois. Preuve qu’un contrôle plus abouti a été pratiqué sur le second. Ensuite, nous avons décidé de tester un pays pour lequel la sécurité est censée être plus renforcée : Le Liban. Pour s’y rendre, la seule exigence particulière est qu’il ne doit pas y avoir de tampon israélien sur le passeport. Ce qui était notre cas. Le passage à la douane libanaise s’est effectué sans problème. De plus les citoyens français n’ont pas besoin de visa et sont donc exonérés de taxe de visa.
Pour l’Iran, nous avions cru que cela aurait été plus difficile, eu égard aux rumeurs que l’on peut entendre, notamment dans les films hollywoodiens. Eh bien non ! Le visa s’effectue à notre arrivée à l’aéroport et seulement dix petites minutes suffisent pour que le douanier vérifie le logement ou l’hôtel dans lequel nous nous rendons.
En ce qui concerne l’entrée au sein d’un pays en proie à une guerre civile, tout dépend généralement du degré d’anarchie et des zones tenu par les rebelles. L’exemple de la Syrie est un cas d’école. Les régions du nord, frontalières avec la Turquie, sont globalement tenues par les rebelles, qu’ils soient extrémistes ou modérés. Les frontières de ces zones sont de vrais gruyères. À l’exception de quelques blocus effectués par les autorités turques de temps à autre, tout le monde peut les emprunter pour passer en Syrie.
Les frontières du sud (Jordanie) et de l’ouest (Liban) sont encore tenues dans leur plus grande partie par le régime en place. Ce qui veut dire que le passage de ces frontières se fait selon les législations en vigueur. Le Visa est d’ailleurs difficile à obtenir. C’est comme ça que le LBB s’est frayé un chemin pour se rendre en Syrie en aout 2013. Mais ça, c’est une autre histoire.