Sébastien Modenel : « Cette année, je ne parle pas de maintien ».

La saison dernière, L’ASUL VV Handball a failli descendre en Nationale 1. Avec un recrutement fait à la hâte en début de saison 23-24, la saison des “Lionnes” a été un peu compliquée. Au cours de cet entretien, l’entraîneur vaudais Sébastien Modenel dévoile son ambition pour la saison 24-25. Entretien.

LBB : On va rappeler le contexte de la saison dernière. Fin juillet 2023, vous n’étiez pas certain de rester en Seconde division. Trois joueuses majeures ont quitté le club comme la capitaine Lucile Roche pour le Havre, Mérédith Guidani, la petite fille du club, pour Bouillargues-Nîmes et la buteuse maison Lola Berrais pour Toulon.

Comment avez-vous débuté la saison dernière ?

S.B. : On a débuté la saison dernière avec un nouveau groupe, avec un recrutement très jeune. Comme Kenza Bouguerch notamment. Ce sont essentiellement des joueuses issues de centres de formation de grosses cylindrées de première division. On a essentiellement recruté des joueuses de Nationale 1, car recruter des filles de seconde division a été compliqué.

On a donc débuté la saison 23-24 avec des « jeunes potentiels » que je suis allé chercher. Pour moi, ça devait passer pour le début de saison en D2 dans l’année et on devait travailler jusqu’à Nöel, mais on a été vite dépassés.

Même si ça a été compliqué, c’est un petit peu ce qu’il s’est passé.

LBB : cette année, vous êtes dans la même configuration, mais avez-vous anticipé par rapport à l’année dernière ?

S.B. : Cette année, on est dans la même configuration. Sauf que cette année, hormis des faits administratifs et sportifs, et malgré une année compliquée, on aurait dû se maintenir.

On a fait plus que le taf avec ces jeunes potentiels et quelques arrivées à Noël qui nous ont permis de travailler et d’avoir un groupe plutôt cohérent pour le niveau de jeu de la D2 et pour se maintenir sportivement. 

Malgré notre travail élevé à l’entraînement, on n’a pas eu le droit à la régularité pour prendre les points qu’il nous fallait pour être à l’abri en fin d’année. On est arrivé à la même situation qu’à la fin de la saison dernière. 

On était assuré, entre guillemets, d’être repêché, parce que les conditions administratives et financières du handball féminin actuellement sont compliquées. Pour exemple, la descente administrative en Nationale 1 de Noisy et celle de Nantes qui passe de la 1ère division en seconde. Pour le coup, on a su anticiper notre recrutement avec des joueuses plus expérimentées et plus aguerries pour la saison qui nous attend.

Cependant, la volonté qu’on a eue de structurer le club financièrement, administrativement sur les deux années, un peu au détriment du sportif, fait que cela nous a donné raison aujourd’hui.

LBB : vous privilégiez le projet sportif au contrat de mercenaires ?

S.B. : Je n’aime pas le mot, mais c’est un peu ça. 

Je ne sais pas si on peut dire des mercenaires parce que ce n’est pas forcément des filles qui changent de club tous les ans. Mais ce qui est sûr, c’est qu’un contrat pro de plus ou un de moins, c’est en gros 30 000 euros et que 30 000 euros sur un budget, ça ne paraît pas grand-chose, mais il suffit qu’il y ait un partenaire qui se désengage ou deux, et ce contrat-là, c’est plus tranquille, mais c’est un déficit de 60 ou 70.

Et malheureusement, c’est un petit peu ce qui arrive.

Il faut savoir que quand on s’engage en début d’année, on a 80 à 85 % du budget validé à 100 %, mais il y a quand même un delta de 15 % qu’il faut appréhender parce qu’on n’est pas à la merci d’une entreprise qui s’était engagée et qui a de gros soucis financiers pour x raisons dans son domaine d’activité et qui, au final, ne va pas donner le sponsoring ou le mécénat qui était prévu.

Il faut l’anticiper un petit peu dans la construction.

LBB : On va revenir aux sportifs parce que vous avez recruté notamment Mathilde Cayez qui vient de Brest.

Avez-vous eu beaucoup de prêts de club de 1ère division ? Comment s’est passé le marché côté vaudais ?

S.B. : en prêts, on a seulement Cassidy Chambonnier qui vient de Nice, qui est une jeune fille, enfin jeune, qui a 22 ans, qui aspire à être professionnelle à 100 %, qui a fait toute la France. Jeune, comme Mathilde Cahiers qui, elle, est sortie du centre de formation parce que chez nous, elle a signé son premier contrat pro. 

Ce sont deux filles qui ont l’expérience du niveau au-dessus parce qu’elles étaient dans des LBE où elles apparaissent régulièrement.

Et après, à côté de ça, on est allé chercher quelques filles qui sortent de Pôle Espoir, tout simplement, et qui viennent faire leurs études ici. Elles vont nous amener de la vitesse, de la jeunesse, du nombre, tout simplement. Parce que pendant deux ans, j’ai travaillé avec des groupes très restreints.

Où tous les autres sont à 14, nous manquons tout simplement de filles. Cette année, je pense que même si tout n’était pas parfait, on aurait eu un peu plus de possibilités.

Et le fait d’avoir du nombre, ça nous amène des possibilités et une concurrence interne qui valorise encore plus.

LBB : On va revenir sur les Olympiques de Paris qui apportent nombre de licenciés dans les clubs de handball français. Est-ce que la finale des handballeuses, est-ce que cela apporte un peu plus de licences dans les clubs ou pas ?

S.B: Clairement ! Tous les ans, à chaque fois qu’il y a une sortie des handballeuses dans une compétition internationale où nos équipes fanions se mettent en avant, en général, il y a une recrudescence derrière.

Après, là où je suis un peu mitigé cette année, c’est que, jusqu’à ces dernières années, c’était vraiment le handball et que, cette année, on a vu que tous les sports collectifs avaient bien tiré leur épingle du jeu.

Cette arrivée, on va dire un peu massive par rapport aux années antérieures, je pense qu’elle va être un petit peu moindre, parce que le basket a été très bon, le volley a été très bon, le handball a été présent, les sports individuels ont été très bons aussi.

Je pense qu’il va y avoir un afflux de jeunes licenciés, mais qui sera diluable dans toutes les structures.

LBB : Vous tablez sur combien de licenciés pour cette année ?

Nous, de toute façon, on essaiera d’avoir le plus de licenciés, mais après, on ne peut pas les accueillir dans de bonnes conditions. Parce qu’un sport collectif, il faut s’entraîner au-delà de 30 et c’est compliqué. Comme tous les sports, on manque de créneaux pour accueillir plus. Aujourd’hui, notre capacité d’accueil n’est qu’au-delà de 200, entre 220 et 250 licenciés grand maximum, en comptant les bénévoles, les dirigeants. Je pense qu’on n’a pas la capacité de faire plus.

LBB : Vous gardez une ossature assez compétitive pour l’année prochaine avec notamment Charlène Servant qui prolonge et toutes les titulaires de l’année dernière restent.

Justement, cette ossature va-t-elle permettre à cette équipe de grandir, sur votre troisième année de coaching ?

S.B. : Le fait de s’appuyer sur des joueuses qui, pendant deux ans, ont appris ici et sont passées de rôle de numéro 2 à rôle de cadre nous amène, je pense, une certaine stabilité.

C’est une force qui va être renforcée par des arrivées de belles personnes avec des vraies dynamiques et des vrais objectifs.

Je ne vous cache pas que les petites blessures de début, et pour moi, il nous manquera encore une ou deux filles, voire deux ou trois, quand on parle des deux collectifs, parce qu’à chaque fois, c’est la gestion de l’équipe première, mais aussi de l’équipe réserve, ce qui fait que ce sera sympa, je pense.

LBB : Pour expliquer à nos lecteurs, il faut une équipe première et une équipe réserve, mais il faut aussi une concurrence au sein d’un effectif.

C’est-à-dire que pour que les jeunes, pour que les filles travaillent bien, il faut qu’il y ait une concurrence saine au sein de ces deux équipes, c’est ça ?

S.B. : Ce n’est pas forcément au sein des deux équipes, mais c’est au sein des groupes de compétition.

Un groupe de compétition où l’entraîneur a du mal à faire des choix, ça veut dire que ça travaille, mais il n’y a pas l’intensité nécessaire liée à la concurrence interne.

Dans tous les sports, la concurrence interne quand on se bat pour jouer dans un niveau de jeu fait que c’est la petite plus-value que l’entraîneur ne peut pas gérer. C’est pour ça que je préfère avoir de l’effectif, parce que cette concurrence, je trouve qu’elle est très importante.

LBB : On va revenir sur les ambitions du club de l’ASUL VV. Quelle va être la première ambition ? 

S.B. : La première ambition, ça va être le maintien. Même si la D2 continue à évoluer, le niveau de jeu de cette année sera encore supérieur à l’année dernière, parce que tous les clubs se professionnalisent. C’est la logique !

Aujourd’hui, je ne parle pas de maintien. On est sur une dynamique où la première année était compliquée, on parlait de maintien. L’année dernière aussi, mais dans le coin de la tête, un club plus structuré, donc on espérait un peu mieux. 

On aurait pu aller chercher si on avait été un petit peu plus lucide, je pense. Cette année, moi, je ne parle pas de maintien ! Bien sûr que c’est le niveau minimum, mais j’espère pouvoir travailler en groupe et aller chercher autre chose que le maintien et passer une fin d’année beaucoup plus tranquille.

Quand on est libéré dans la tête du résultat d’un maintien, je pense que ce n’est pas pareil.

Le poids d’un maintien et le poids de jouer pour essayer d’aller chercher une place supérieure. On joue plus libéré et du coup, on joue moins de contraintes, moins de stress et on joue mieux intrinsèquement. On est sur une dynamique où la première année était compliquée, on parlait de maintien.

L’année dernière aussi, mais dans le coin de la tête, un club plus structuré, donc on espérait un peu mieux.

LBB : Quel est le programme de cette reprise, vous reprenez la compétition mi-septembre avec la Coupe de France ?

S.B. : L’ASUL a repris l’entraînement, tranquillement. Non, on reprend la compétition le premier week-end du septembre avec la Coupe de France. Il y a de très fortes chances qu’on reçoive un club de LBE (1ère Division). Je ne vais pas vous en dire plus pour le moment, cela va sortir d’ici 2-3 jours, mais bon, la formule de la Coupe de France chez nous, c’est ça.

Ensuite, on attaque le 14, le championnat, et après, ça déroule. Après, ça fait déjà un mois qu’on travaille. (NDLR : Interview enregistrée le 14 août)

Là, cette semaine, on est à fond dans le handball. On part en Sardaigne, on fait un tournoi international en Sardaigne et on va faire 4 matchs en 3 jours.

LBB : C’est contre quelles équipes ?

S.B. : 

C’est plutôt Européen. Il y aura une équipe turque je crois et deux équipes italiennes. Ces équipes ont un niveau de jeu équivalent au nôtre. Contre une équipe du tournoi, ça va être compliqué. Quand on veut avoir des objectifs, il faut être capable de se confronter à ces objectifs-là.

LBB : Justement, c’est quoi l’objectif du tournoi ?

C’est de souder l’équipe, qu’elle tourne bien, et qu’il y ait une belle ossature qui se mette en place.   L’objectif, c’est de travailler sur le projet de jeu, l’intégration, la performance, pour que, sur le premier match du championnat, on soit en meilleure condition possible. Ça nous permettra de nous étalonner. Ce sont des matchs de travail. En rentrant du tournoi, les joueuses auront 3-4 jours de récupération active et de cohésion.

LBB : On a pu voir sur vos réseaux sociaux votre rentrée sportive, notamment avec les tests VMA. Certaines joueuses étaient en souffrance, est-ce normal ?

S.B. : Alors, c’est normal, c’est le début de saison, et d’un autre côté, ce n’est pas normal. Parce que quand on est normalement professionnel, on ne peut pas arriver à zéro. Il y en a qui ont fait le taf, mais comme dans tous les métiers, il y en a qui n’ont pas fait le taf.

Donc oui, en souffrance, il y en a qui sont plus en souffrance que d’autres, mais on commence à rentrer dans un rythme à peu près cohérent pour tout le monde.

LBB : On va revenir sur les victoires que vous avez eues contre des grosses équipes l’année dernière et notamment sur le public.

Est-ce qu’il y aura un appel qui sera fait au public pour les grandes affiches ?

S.B. : Ça dépend aussi, à Lyon on a quand même beaucoup d’activités et quand le foot, le rugby, le basket se jouent en même temps que nous, c’est aussi compliqué. 

En général, les publics sont sportifs et ils choisissent en fonction de ce qu’il y a. Globalement, nous, le club, on est plutôt content parce qu’on est passé d’une jauge à une centaine de personnes à plutôt une jauge à 400-500 personnes en moyenne. J’espère que les résultats vont nous permettre de faire ça.

On a travaillé sur des matchs le vendredi aussi pour pouvoir ouvrir et être moins en concurrence avec d’autres manifestations sportives. On va continuer à travailler là-dessus. 

Et oui, bien sûr, qu’on a besoin du public. Et notre objectif, c’est d’essayer de remplir le Palais des sports Jean Capievic le plus souvent possible.

LBB : Est-ce qu’il y aura des délocalisations comme la saison dernière, notamment à Villeurbanne ?

Aujourd’hui, ça ne fait pas partie du jeu, parce que le VHA, comme vous le savez, est en reconstruction sur la partie associative. Sur la partie Garçon, honnêtement, je ne sais pas trop où ils en sont. Je ne sais pas s’ils sont plus répartis en N1 ou s’ils sont en N2, vu le niveau de leur équipe réserve de l’année dernière.

Je dirais qu’on partira pour Villeurbanne s’ils veulent nous accueillir. Mais sinon, je ne vois pas pourquoi on irait là-bas, hormis pour faire de la promotion du secteur féminin, parce que je pense qu’il y a une très grosse capacité féminine, et que, jusqu’à maintenant, le choix a été fait de faire plutôt des garçons et d’envoyer les filles sur les côtés. Est-ce qu’ils vont continuer à garder ce choix-là ? Mais nous, on a besoin d’avoir des alliés.

Quand je parle d’alliés, ce sont des clubs limitrophes, parce que nous, comme on n’est pas en capacité d’accueillir pour faire la formation. Il faut qu’on travaille tous ensemble si on veut voir un jour émerger du très haut niveau sur le bassin lyonnais.

LBB : Vous faites appel au club de la région lyonnaise ?

S.B. : Tout à fait. Ça fait déjà deux ans que je suis là. Deux ans qu’on fait appel à eux. Comment travailler ensemble pour orienter les jeunes filles en fonction des niveaux de jeu de chaque club pour que tout le monde s’y retrouve, le club, mais aussi la jeune fille. Nous, on n’a pas d’U16 région. Il y a des filles qui ont absolument besoin de jouer à ce niveau-là pour s’exprimer. Moi, ça ne me dérange pas qu’une vaudaise aile en U16 régions, à Saint-Génis, à Bron, à Lyon 9ème, enfin voilà, pour qu’elle puisse s’estimer pendant un an et la récupérer si elle peut rentrer dans le cadre du haut niveau dans la continuité.

De toute façon, il faut qu’on arrive à tous travailler ensemble dans ce sens-là.

LBB : Alors justement, on arrive à la fin de l’interview. Est-ce que vous avez un mot à rajouter ?

S.B. : Je crois à un projet de haut niveau sur le bassin lyonnais, mais Vaulx-en-Velin n’y arrivera pas seul. Par contre, Vaulx-en-Velin, La Métropole, avec une dynamique de club, je pense que c’est tout à fait possible. C’est quand même la deuxième métropole française. Il n’y a pas de haut niveau garçon ou fille dans l’activité handball qui est multiple championne du monde et médaillée aux JO. Je pense que ce serait quand même assez logique. 

On arrive à construire un projet. Par contre, ça ne passera que par des échanges et du travail en commun parce que, par le passé, on a vu que tout ce qui avait été individuel avait eu du mal à persister.

Les dirigeants ont commencé à faire avec l’équipe LMH, les U17 de chez nous qui rassemblent 12 clubs de la métropole, pour rassembler les meilleures joueuses de la métropole des clubs et du coup nous permettre d’avoir un entonnoir pour cibler les filles qui seront en capacité d’intégrer des niveaux supérieurs.

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