Son premier roman « Sursis sans frontières », édité chez Edilivre, apparaît comme un véritable exercice de style et de rhétorique. L’essai est transformé pour le jeune chef d’entreprise passionné du Mexique. Sami Kdhir livre un tableau sombre, mais réaliste d’une jeunesse fragile maniée par le trafic de drogue. Découverte.
Livre-nous la quatrième de couv’ » de ton roman…
C’est l’histoire de Belgacem, un jeune des Minguettes qui rentre dans l’illégalité sans se poser plus de questions sur son environnement. Il choisit toujours la facilité au point d’être pris dans un enchaînement d’évènements. On ne sait pas tout de suite qui est vraiment le personnage principal. Celui-ci se révèle au bout de quelques chapitres. C’est important de créer un environnement avec des interactions et toutes sortes de personnages qui interviennent même à différentes époques. Il y a d’abord le chef, Lotfi, qui est turbulent et martyrise les autres depuis son adolescence. Puis arrive Belgacem, son lieutenant qu’on isole donc un peu au début avant de le faire évoluer dans un monde qui lui est totalement étranger après un voyage forcé. Il va avoir à faire à un monde nouveau.
« J’ai trouvé ma place ailleurs »
Quels sont tes liens avec la banlieue ?
Paradoxalement, je n’ai jamais vraiment vécu dans la périphérie lyonnaise, mais à la place du Pont (Lyon 3ème) qui subit finalement le même genre de problèmes et donc les mêmes clichés. J’étais trop jeune pour vivre les émeutes de 1983 aux Minguettes et j’ai les souvenirs des émeutes de 1991 à Vaulx-en-Velin. On grandit dans la désinformation. Les médias reprennent certaines informations et on sait que ce n’est pas exact. Au final, on se marginalise à cause de cet intermédiaire qui montre le reste de la population comme des sauvages. J’ai vécu ce qui s’est passé en 2005 à Clichy-sous-Bois comme de la surenchère. Après, cela provoque une compétition malsaine entre les quartiers.
Le thème du voyage prend une grande place dans ce roman…
C’est symbolique, un réflexe personnel. Je n’ai pas le même parcours que Belgacem, car j’ai fait des études et j’ai été éloigné de tout cela. Mais je n’ai jamais vraiment trouvé ma place en France. C’est en partant à l’étranger que j’ai eu l’impression que l’on se rendait compte de mes capacités. Le changement est brutal pour Belgacem avec son voyage vers le Mexique. Autant en France, il monte dans l’illégalité, autant là bas il va vers une prise de conscience.
« J’ai écrit ce roman en quinze jours »
Tu n’as pas écrit ce roman en France…
Je l’ai écrit à Acapulco au Mexique où je me suis isolé pendant quinze jours. L’idée d’écrire ce livre m’était venue en mars 2011 et je l’ai laissé germer jusqu’en mai 2013. J’y étais allé pour quelques mois et je me souviens qu’il pleuvait alors j’en ai profité pour me donner à fond. J’ai étudié en Espagne, je suis parti au Mexique dans le cadre d’un échange pendant un an et j’ai joué au football dans une équipe universitaire. Depuis j’y retourne dès que je peux. La ville de mon cœur demeure Acapulco, car elle dégage beaucoup de dynamisme et d’énergie. Elle est très populaire. J’essaie de la décrire le mieux possible dans ce livre.
Quel cahier des charges as-tu suivi pour écrire « Sursis sans frontière » ?
Je ne suis pas très littéraire et dans l’écriture de mon livre j’ai essayé de casser les codes. J’ai volontiers utilisé l’argot. Il y a des insultes aussi. C’est du franc-parler, un argot plutôt local avec un peu de verlan et ça donne plus de sincérité pour décrire les situations, alors j’y suis allé avec insouciance. Mais face à la critique, je me suis dit que très peu de gens font la démarche d’écrire.
Il y a aussi un lexique plutôt altruiste pour tous les lecteurs…
Oui. Au tout début, il y a ce lexique qui explique les arabismes et même une sorte de bande originale qui répertorie les musiques citées dans le texte (Kerry James, Cheb Hasni…). Je me suis inspiré de la manière de faire de l’écrivain Rachid Santaki (auteur de « La petite cité dans la prairie » et « Flic ou Caillera »). Cela ne m’empêche pas d’utiliser le langage soutenu aussi. Le lexique est là pour les gens qui ont un langage plus soutenu et qui ne sont pas habitués à « la rhétorique de la rue ».
Pour quel public ce roman est-il destiné ?
Le meilleur public, ce serait les jeunes pour qu’à travers ces lignes, ils aient l’occasion de voir autre chose, d’étudier. Le parcours de Belgacem peut inspirer, car les degrés de l’environnement influent également sur la personne. La jeunesse veut tout, tout de suite. Elle est impatiente. Mon but c’est de faire évoluer ce personnage totalement perdu à travers cela. Il y a des problèmes qui sont ouvertement soulevés.
Celui de l’utra-libéralisme en est un…
À travers le trafic. Belgacem a des qualités de gestions qui lui sont plus ou moins utiles dans une société capitaliste. En banlieue, les gens consomment sans vraiment épargner, comme les classes moyennes. Cet ultralibéralisme, on le retrouve aussi au Mexique. Aux feux rouges, il y a des vendeurs à la sauvette. C’est bien plus probant qu’en France !
Ce n’est que le Tome 1. Et le Tome 2 ?
Le Tome 2 s’intitulera Le Champ des narcos. Il y aura un retour en France, d’autres personnages qui vont interférer et le Mexique sera toujours une scène principale. Il sera livré en février 2015. Je vais partir à l’étranger au Mexique pour l’écrire, car j’ai besoin de ça.
Vidéo : bande annonce de « Sursis sans frontière »