Les médias commencent à faire un rapprochement entre la situation malienne et l’Afghanistan. Dans les deux cas, nous sommes en présence de milices armées réclamant un territoire au nom d’une idéologie. Nous sommes allés voir M. Alfadoulou, le président de l’association du Comité Malien du Rhône Alpes (CMRA). Cet organe a un rôle de médiateur et d’informateur sur ce sujet épineux qui implique la France et la diaspora malienne.
M. Alfadoulou nous donne son point de vue et les points clés de l’histoire de son pays d’origine pour nous permettre de comprendre cette crise malienne. Il nous décrit deux acteurs majeurs au sein de ce conflit : le MNLA (Mouvement National de Libération de l’Azzawad) et les djihadistes.
Selon lui, la base du problème est le MNLA, qui est un mouvement non majoritaire au sein du peuple Touareg. Cette communauté ne constitue que 2% de la population du Nord (avec 400 000 nomades), qui elle représente seulement 10% du peuple malien. Ces hommes armés revendiquent un Etat Touareg basé sur les terres sahariennes en utilisant l’argument selon lequel « les targui (Touaregs) ne sont pas pris en compte dans le contexte économique et politique malien » et l’indépendance malienne en 1960 n’a pas tenu compte du facteur culturel dans le tracé des frontières. « Ceci est largement discutable selon moi », nous affirme t il.
En effet, dans chacun des Etats qui faisaient parti du Soudan Français à l’époque coloniale, comme le Sénégal, ou le Burkina Faso, il y avait différentes cultures et populations, et les changements climatiques du Sahara qui ont engendré des bouleversements géopolitiques empêchent de faire un Etat basé sur une notion ethnique. De ce fait, « la zone qu’ils revendiquent aujourd’hui ne leur appartient pas historiquement ». « Les Touaregs ne sont même pas originaires du Nord du Mali », ils viennent en réalité du Nord de l’Afrique, du Cyrénaïque (ancienne Libye) puis sont passés par l’Algérie pour s’installer au Sahara. Ces mouvements de population sont dus à des conflits politiques, des persécutions d’ordre religieux et de graves difficultés économiques ayant pour origine des sécheresses principalement. Ces faits les ont poussé durant la colonisation à de nombreuses révoltes. Il faut aussi noter la division géopolitique entre le Nord et le Sud du Mali. Pour souligner cette situation, le président du CMRA nous donne l’exemple des transports entre Tombouctou et Bamako, « il fallait jusqu’à trois jours, et désormais, grâce à une nouvelle route, on ne met que 24 heures ». Ces faits empêchent le développement et la scolarisation par exemple.
Même après l’indépendance du Mali en 1960, la région du Nord n’est toujours pas intégrée au niveau économique, ce qui pousse une nouvelle fois à de nombreuses rébellions qui ont été réprimées dans le sang. Des survivants sont allés se réfugier en Libye pour intégrer la légion islamique de Kadhafi. « Ce dernier leur avait promis de les aider à obtenir la reconnaissance d’un Etat sahélien au Mali » nous explique M. Alfadoulou. Mais les Touaregs étaient surtout utilisés pour déstabiliser les régimes locaux peu dociles.
L’échec de accords algériens et l’influence des djihadistes
Suite à ces nombreuses révoltes, des accords ont été signés avec les différents partis, d’abord à Tamanrasset en Algérie en 1991 puis à Alger en 2006. « Ces accords avaient été mis en place pour résoudre la situation à l’origine du désordre social au Nord du Mali » nous affirme M. Alfadoulou. Ils contenaient l’intégration des ex-combattants de la rébellion au sein du gouvernement, des investissements de plusieurs milliards d’euros donnés par des ONG (Organisation Non Gouvernementale) pour moderniser, développer et effacer le fossé Nord-Sud. Il a également été prévu une démilitarisation du Nord, ce qui, selon le président du CMRA « a été une très grave erreur ». Ouvrir la zone frontalière avec l’Algérie, le Niger et la Mauritanie fait du « Nord du Mali un carrefour à libre circulation de drogues, d’armes et de personnes plus ou moins douteuses ».
Ces rebelles placés au sein du gouvernement « n’ont aucune crédibilité ». Le peuple a pu être témoin de la « dilapidation de l’argent donné par les ONG par ces Touaregs ».
Et lors du renversement du régime libyen en 2011, le MNLA a utilisé les ressources balistiques modernes de la Libye pour organiser le soulèvement.
Le président du CMRA nous décrit ensuite le deuxième groupe responsable des conflits du Mali. Les djihadistes sont composés de l’Aqmi (Al Qaida du Maghreb Islamique) et d’Ansar Dine (Défenseurs de la Religion, en arabe) ainsi que le MUJAO (Mouvement pour l’Unicité et le Djihad en Afrique de l’Ouest).
Le groupe de l’AQMI tire son origine du FIS (Front Islamique du Salut, parti Algérien qui a été renversé par un coup d’Etat en 1989) qui est ensuite devenu le GSPC (Groupe Salafiste Pour la Prédication et le Combat) pour prendre le nom d’Al Qaida en 2007. Ce groupe veut « islamiser le pays pour ensuite continuer le mouvement dans toute la région de l’Afrique de l’Ouest » nous précise le président du CMRA. Le mouvement djihadiste est dissous dans le monde entier et « s’appuie sur le narcotrafic et le terrorisme pour avoir des ressources financières ». Ceci est également le cas au niveau du Nord du Mali où les membres de l’Aqmi se sont réfugiés après avoir été chassé de l’Algérie. Il y a plusieurs ressources naturelles disponibles (comme l’uranium, l’aluminium, l’or (troisième producteur en Afrique) et le pétrole) et une agriculture développée (« une office du Niger a été construite par la France durant la colonisation et devait servir à nourrir la métropole en récoltes » nous indique M. Alfadoulou).
La situation au Mali est des plus complexes. La guerre qui se tient au Nord de ce pays met en jeu le MNLA et les djihadistes qui ont chacun leurs intérêts. Que ce soit économique ou politique, les deux partis y trouvent leur compte.