À la rencontre de l’animateur fédéral des jeunes socialistes du Rhône, Rayane Guerboub. L’occasion d’évoquer l’avenir du PS et les idées qui circulent en son sein.
En 2017 vous soutenez Benoit Hamon à la présidentielle. Il était en faveur d’un revenu universel, est-ce toujours votre cas ?
Aujourd’hui c’est toujours le cas, après je pense qu’ils se sont perdus. Benoît Hamon lui-même, ne savait plus expliquer, pendant la campagne présidentielle, comment il allait mettre en place le revenu universel. Actuellement, les jeunes de Génération.s y travaillent comme nous chez les jeunes socialistes. Ce n’est pas forcément un revenu universel, on peut appeler ça un salaire à vie, il y a pleins de dénominations.
Ce ne sont pas les mêmes idées entre un revenu universel et un salaire à vie?
C’est sûr. Le revenu universel défendu par les jeunes de Génération.s qui est de 60% du revenu médian en France, c’est non. Je ne le défends plus ni les MJS. On veut une alternative.
Que représente l’Europe pour vous ? De nombreuses personnalités à gauche, notamment Jean Luc Mélenchon, sont en faveur d’une renégociation des traités européens, qu’en pensez-vous ? Même François Hollande en 2012 avait annoncé vouloir renégocier les traités et il n’en fût rien. M. Benoit Hamon, que vous avez soutenu était en faveur d’une renégociation. Où vous situez-vous ?
Moi, comme la plupart des MJS on se sent européens, nous sommes des européens convaincus. Cependant, on rejette cette Europe libérale. Aujourd’hui, les traités ne s’appliquent plus, il ne s’agit pas de les renégocier, il s’agira de repartir de la base. L’UE est un excellent outil, on le voit avec le plan de relance post-Covid. Mais les traités sur la concurrence ne s’appliquent plus qu’à moitié ou plus comme les textes le prévoyaient. Pareil pour les traités économiques, les 3% aujourd’hui c’est complétement désuet. Alors oui, je pense qu’il faut renégocier, ça peut être une priorité de renégocier les contrats, mais pas comme Jean-Luc Mélenchon nous le dit « on renégocie sinon on ferme la porte ». La France a une place importante dans cette UE, on doit avoir le pouvoir de renégocier les traités. Vous me parlez de François Hollande, et oui, c’est une promesse non-tenue encore une fois.
Vous citez Jean Jaurès, quel est la place du socialisme au 21ème siècle ? Et est-ce que le parti socialiste actuel est réellement socialiste ?
Je pense qu’aujourd’hui le socialisme se résume approximativement à la justice sociale. C’est ce qui manque cruellement à la politique d’Emmanuel Macron. Actuellement, il y a 10 millions de pauvres en France. On va toujours vers plus de réduction des aides, vers plus d’austérité et en même temps on donne toujours plus aux plus riches. Le socialisme aujourd’hui doit s’appliquer dans un cadre qui est essentiel, c’est l’écologie. L’écologie doit être la colonne vertébrale de toute action socialiste.
Le PS a perdu les liens avec ce pourquoi il est né. Il y a un moment déjà… Je pense que le quinquennat Hollande a fait beaucoup de mal au PS. Aujourd’hui on est amené à plus d’humilité, à plus de travail. Ce qui ne peut être que positif. Je vois des travaux de qualité tous les jours au PS. Je vous invite à lire le plan de relance « pour le monde d’après » qui est très intéressant. Le PS doit renouer avec les classes populaires comme il a pu le faire dans le passé. Il doit surtout redevenir le parti des travailleurs.
En politique, nous avons vu dans les dernières années plusieurs groupes se targuer de faire partie du camp des progressistes. Quel sens donnez-vous à ce terme ? Que pensez-vous de son utilisation par La REM, qui l’a abondamment revendiqué dans son opposition au Rassemblement National lors des élections européennes ?
Pour moi, le progressisme c’est de permettre aux citoyens d’avoir une vie meilleure, c’est-à-dire, vivre mieux avec les avancées qu’elles soient technologiques, humanistes, sociales ou politiques. C’est vrai que je n’utilise plus beaucoup le terme « progressisme », même plus du tout… Il a été utilisé par la majorité et aujourd’hui c’est devenu un mot fourre-tout. Sous prétexte que c’est du progressisme, il faut y adhérer… Pour encore une fois mettre une opposition entre lui et Marine Le Pen. Le progrès que Macron nous a vendu c’est du Sarkozy. Lorsqu’on regarde les deux quinquennats, ça reste deux présidents de droite néolibérale qui sont confrontés à deux crises mondiales, celles-là même qui ont remise en question tous les fondements de leur politique. C’est la même chose avec le plan de relance, il y a les 35 milliards pour l’écologie mais c’était une promesse de campagne de Macron. Ça se fait encore une fois dans un élan de réaction. Le crédit d’impôt se fait dans des conditions qui ne sont pas acceptables pour nous car il n’y a aucune contrepartie pour les entreprises que ce soit pour de la création d’emploi ou de la relocalisation. Aujourd’hui, toutes les entreprises vont encore bénéficier de ce crédit d’impôt que ce soit Total, Amazon ou les petites TPE qui sont amenées à mourir avec la crise qu’on vient de vivre. Le progressisme, ça lui a permis de mettre en place sa politique néolibérale. En refaisant le parallèle avec Sarkozy, c’était une crise mondiale et puis il rustine. Il s’était inventé Keynésien après la crise de 2009. Pareil pour Macron, on est dans la réaction.
Que préconisez-vous pour les quartiers populaires d’une grande ville comme Lyon ?
Je suis originaire d’un quartier de Vienne, l’Estressin. Au niveau des quartiers populaires autour de Lyon c’est un des objectifs de cette année pour les jeunes Socialistes. Cet été j’ai travaillé en tant qu’animateur avec des jeunes plus ou moins en difficulté où j’ai pu observer certaines problématiques à mon humble niveau. Donc l’objectif de cette année c’est de ne pas rester à Lyon, dans le moule universitaire. Aujourd’hui on a des jeunes qui viennent d’enseignement professionnels et c’est très important pour nous. On prévoit dans deux semaines d’aller au lycée à la Duchère, de s’excentrer. Ne pas avoir peur de faire de « l’associatif ». On a aussi un projet de faire de l’aide aux devoirs. C’est des petits pas où on peut apporter un peu plus.
Et si vous deviez trouver quelque chose pour que la vie des habitants de ces quartiers s’améliore ?
Je pense à l’actualité, renouer le lien entre la police et ces quartiers populaires. Renouer le lien avec de la police de proximité comme ça avait été fait sous Jospin. En 2017 on avait défendu le récépissé pour les contrôles au faciès, ce à quoi on nous a répondu que le contrôle au faciès n’existait pas. Aujourd’hui c’est le moment de ressortir la question et de ne plus s’attarder sur des polémiques. On voit le ministre de l’intérieur parler d’ensauvagement. Ce terme je le déteste et surtout il est inutile. C’est de la provocation de la part du 1er policier de France. Aussi sur « j’étouffe », je pense aux familles des victimes de violence policière. Je pense qu’il y a un gros dossier à ouvrir concernant la police de proximité.
Comment le pouvoir aurait dû répondre à la crise des gilets jaunes en 2018, 2019 et même encore maintenant ?
La crise des gilets jaunes n’est pas finie. Ils sont encore là et je pense qu’ils n’ont jamais arrêté d’être là. Il fallait répondre par des vraies mesures sociales que les gens attendaient. C’est simplement un appel de gens qui sont dans la pauvreté. Ce dont je suis sûr c’est que le Grand Débat n’a pas apporté grand-chose, j’y ai pourtant participé de bonne foi. Au final c’était les jeunes avec Macron qui venaient défendre une entrée de mandat catastrophique. Il y a eu des propositions des Gilets Jaunes, je pense au Referendum d’initiative citoyenne (RIC) à mettre en place. Il faut arrêter avec ce mépris en pensant que ce qui ne va pas aux gens c’est l’essence et les 80km/h. Il y a pleins de gens qui vivent en milieu péri-urbain qui vont au travail et qui ont des crédits sur le dos, on les a vus. On doit les écouter. C’est ce manque d’écoute qui a perdu l’alternance classique PS/LR.
Une dernière question pour vous connaître un peu plus, quel est le sujet social, politique ou économique qui vous tient le plus à cœur ?
Il y en a beaucoup mais si je dois en choisir un seul, ce serait la question du féminisme. J’ai grandi entouré de femmes. J’ai vu à quel point elles étaient confrontées à des souffrances, à des discriminations qu’en tant qu’homme je ne vivais pas. J’essaie de pousser un peu les jeunes socialistes sur des questions de féminisme. On a eu un débat très intéressant sur l’universalisme ou l’intersectionnalité. Aujourd’hui il faut se pencher sur la place de la femme dans tous les pans de la société, que ce soit l’égalité salariale, l’émancipation en générale. Je pense à un sujet très peu traité, les violences gynécologiques. J’aimerais plus m’y pencher.