Ce jeudi 15 octobre à 14h, les acteurs du monde médico-social et de la santé se sont donné rendez-vous devant le siège de l’ADAPEI (Association métropolitaine et départementale de parents et amis de personnes handicapées mentales). Ils réclament une revalorisation équitable des salaires entre les différents secteurs et demandent plus d’effectifs et plus de moyens pour mener à bien leur mission.
Les accords de Ségur signés le 13 juillet 2020 ont prévu d’octroyer plus de 8 milliards d’euros aux personnel hospitaliers. Pourtant, rien n’a changé ou presque pour les soignants et en particulier pour le personnel issu du médico-social, du social et du handicap. Ces derniers n’ont pas reçu la revalorisation salariale de 183 euros contrairement aux agents hospitaliers.
Peu importe le secteur, le personnel tire la sonnette d’alarme sur le manque d’effectifs qui se fait de plus en plus sentir. Il en va de même pour le manque de lits dans les services de réanimation. Alors que la seconde vague pointe son nez, le personnel de santé et de l’action sociale se trouve épuisé et au bord de la rupture.
Les différents syndicats ne sont pas toujours d’accord, y compris sur les accords de Ségur (votés par la CFDT, FO et l’Unsa). Mais suite à l’appel de la CGT-Santé cet été, la CGT, SUD et la CFDT ont marché ensemble ce 15 octobre à Lyon en espérant faire entendre leurs revendications . La CFDT, signataire des accords de Ségur, souhaite les voir élargis au secteur du médico-social et réclame aussi un recrutement massif dans toutes les structures hospitalières. La CGT et SUD qui n’ont pas signé ces accords demandent toujours une revalorisation à hauteur de 300 euros pour l’ensemble des personnels de la santé et du médico-social, au lieu des 183 euros prévus. Ils demandent aussi un recrutement massif et des moyens supplémentaires.
Une délégation de syndicalistes devait être reçue à la Préfecture du Rhône à la fin de la manifestation, pourtant les syndicalistes disent ne pas avoir reçu de réponse de la part de la Préfecture.
Le Lyon Bondy Blog est allé à la rencontre des syndicats et des personnels soignants pendant ce rassemblement.
Pourquoi êtes-vous mobilisé aujourd’hui ?
Matthieu, infirmier au Vinatier et secrétaire de la CGT du Vinatier : Aujourd’hui on est mobilisé parce que le Ségur de la santé est passé et ça ne nous satisfait pas. On voulait 300 euros de revalorisation salariale on n’a eu que 183 euros et nos collègues du médico-social sont exclus de la revalorisation des salaires. Au Vinatier, nos collègues du médico-social ne perçoivent pas ces 183 euros alors qu’ils exercent exactement le même métier que nous. C’est dégueulasse ! On est face à une injustice.
Jessica, responsable publique CFDT et Roland, responsable sanitaire et sociale CFDT : La CFDT est signataire du Ségur, on est là pour rappeler au gouvernement qu’ils ont signé des engagements de négociation et qu’il ne faut pas oublier la branche médico-sociale. Ces engagements ne sont pas que pécuniaires, il y en avait sur les conditions de travail et notamment sur les recrutements. Que ce soit dans le privé ou dans le public, il y a besoin de personnel et de plus de lits en réanimation. Les revalorisations salariales sont déjà effectives dans le public et on veut que ce soit étendu au secteur médico-social et dans le privé. On veut une augmentation équitable pour tous ! On est tous dans le même bateau en ce moment. On voit pourtant qu’il y a des situations de dumping social à l’intérieur des établissements. Il faut rapidement une uniformisation !
Laurent, secrétaire départemental SUD Santé-sociaux du Rhône, travailleur dans le médico-social : Nous sommes mobilisés parce qu’on a profité de l’appel national pour faire une mobilisation dans notre structure, l’Adapei, puisqu’elle nous propose un accord d’entreprise en-dessous de ce qui existe déjà. Cette action a été organisée au niveau départemental par la CGT, la CFDT et SUD avec un appel spécifique au social et médico-social de notre secteur, le secteur privé à but non-lucratif. On reprend les revendications qui sont portées au niveau de la santé. Nous demandons plus d’effectifs, parce qu’on en a vraiment besoin actuellement. Nous revendiquons aussi des augmentations de salaire puisque rien n’a bougé depuis des années dans nos conventions. On demande surtout que cette revalorisation salariale soit étendu aux conventions collectives du secteur social et médico-social.
*Samia, aide-soignante en réanimation à l’hôpital Edouard-Herriot : On est là pour que nos revendications soient entendues. Que ce soit au niveau des effectifs, de la revalorisation salariale ou des moyens qu’on nous donne. On manque cruellement de matériel alors que cette pandémie va encore durer.
En termes de lits et de restructuration des services pour la crise sanitaire, l’Etat a-t-il tenu ses engagements ?
Matthieu : Pendant la première vague, ils ont réouverts des lits supplémentaires au niveau de la région et du département. Là, à ma connaissance il y a quelques lits supplémentaires qui ont été mis au niveau de la réanimation. Le problème ne date même pas du Covid, on n’a pas assez de lits de réanimations en France. Il faut que tout le monde prenne la mesure : lorsque l’on dit qu’il y a 37% de patients Covid en réanimation, c’est d’autres patients qui devraient être en réanimation pour d’autres raisons qui ne peuvent pas être acceptés. Je suis soignant et c’est inentendable.
Jessica et Roland : Les lits de réanimation sont déjà bien saturés sur le Rhône. On a effectivement une marée qui s’annonce devant. Le retour d’expérience de la première vague n’a pas été fait puisque la situation est presque pire qu’il y a six mois.
Laurent : Lorsque l’on prend les accords du SÉGUR, au départ il devait y avoir une revalorisation des salaires, une augmentation des effectifs et du matériel, ainsi qu’une réouverture des lits. En dehors de la revalorisation salariale, sur tous les autres points, rien n’a été octroyé au personnel hospitalier.
Samia : Actuellement on a 15 lits de réanimation mais au vu de la pandémie qui grandit je pense qu’il en faudra beaucoup plus. L’Etat ne donne pas de moyens suffisants.
Des moyens supplémentaires ont-ils été trouvés pour permettre au personnel de mieux se reposer, d’être moins sous pression ?
Matthieu : On n’a rien, zéro ! C’est pas compliqué, à l’hôpital pour qu’on ait de meilleures conditions de travail, pour que l’on puisse faire notre travail correctement, on a besoin d’embauches.
Jessica et Roland : C’est hétérogène en fonction des structures. On a des lieux comme les SSR (services soins et réanimations) qui sont à 22 toilettes par jour et par aide-soignant quand la moyenne est à peine de 10 d’habitude.
Laurent : Les soignants sont épuisés et c’est par pour autant qu’ils ont des moyens en plus. Ils arrivent au bout-du-bout et rien n’est fait, c’est désolant.
Samia : On n’a pas de temps supplémentaires de repos, il y en a qui reviennent sur leurs repos. On a même des heures supplémentaires. Je suis contre ! Cela va nous bloquer au niveau des effectifs et des salaires. Ce sont les HCL (hospices civiles lyonnais) qui ont mis ça en place. Les gens qui reviennent sur leurs repos vont arriver à un épuisement professionnel, ils ne seront pas aptes à prendre en charge les patients Covid, pour lesquels les charges de travail sont bien plus importantes.
Craignez-vous une vague de démission ?
Matthieu : C’est déjà le cas et de plus en plus. Les gens en ont tellement marre qu’ils démissionnent. On vient d’apprendre qu’à l’APHP, ils ont perdu leurs congés pour la Toussaint. On court à la catastrophe en faisant des choses pareilles. Les gens n’en peuvent plus, ils ne pensent qu’à une chose c’est se barrer ! S’il n’y a pas un geste du gouvernement, on va avoir des démissions massives. Je ne sais pas comment on va passer l’hiver. Il suffit de passer dans un service et discuter avec le personnel, ils sont épuisés et ils ont le moral au plus bas.
Jessica et Roland : Dans le secteur hospitalier les départs commencent, on a de plus en plus de demande de disponibilité et de plus en plus de départs ou des CDD qui ne renouvellent pas leur contrat. On a un vrai problème qui commence. Le secteur risque d’être sinistré si l’Etat ne prend pas vite les choses en main.
Laurent : C’est un risque ! C’est vraiment un risque actuellement. Ils travaillent plus qu’à flux tendu. C’est pas lié directement puisqu’il s’agit d’un conflit contre l’administration mais il y a trois semaines, une collègue adhérente de SUD s’est suicidé aux HCL à GHE (Groupement Hospitalier Est). Il y a un ras-le-bol et par dessus, il y a quand même des pressions des directions avec les méthodes de management qui sont mises en place.
Samia : Il y a un risque oui ! Ce qui est sûr, c’est que le personnel est en situation d’épuisement. Depuis le mois de mars on se bat contre le Covid et même s’il y a eu un moment d’accalmie, on assiste impuissants à une reprise.
*prénom modifié