Le jeune directeur artistique d’origine syrienne construit depuis deux ans une carrière sur fond d’engagement. Son association Moonsaif trace sa notoriété avec des spectacles marquants, au-delà des frontières hexagonales. Rencontre exceptionnelle.
« Pourquoi nous ne prospérerions pas et pourquoi nous ne construirions pas ? » C’est la dernière ligne de l’hymne nationale syrien Homat El Dyar (Les Défenseurs de la Patrie) écrite et composée en 1936 par Khalil Mardam Bey et Mohammed Flayfel. La douleur provoquée par la guerre ou l’injustice est à elle seule un vivier artistique. Même si elle affaiblit, elle inspire jusqu’aux nouvelles générations. Il faut croire qu’au milieu de la folie du multimédia, l’inspiration émerge encore pour faire passer le message. Et ranimer les consciences.
Rami Hassoun (24 ans) est de la trempe des « guerriers de la paix ». Au point d’aller courir le semi-marathon du Run in Lyon en octobre dernier avec une pancarte de deux kilos portant les inscriptions : « Syrie : 150 000 morts, si c’est pas chimique, c’est pas grave ? » sur un côté et : « Syrie : on court pour le plaisir, ils courent pour éviter les bombes » sur l’autre.
Il se désole que « les quelques actifs que je connais sont majoritairement des jeunes d’origine Syrienne. Les autres sont touchés par l’ampleur des évènements vécus par les Syriens, mais demeurent passifs. »
Des chorégraphies marquantes et symboliques de Lyon à Bruxelles
L’oxymore va parfaitement à ce licencié en chimie, directeur artistique de la compagnie de danse Moonsaif depuis février, qui cible lui même sa thématique sur la cause syrienne.
En mars 2012, il s’illustrait en organisant un grand défilé organisé avec l’association vaudaise Free Syria Lyon sur la rue de La République et une chorégraphie originale ponctuée par des simulations de tirs de mitraillettes. Celles-ci avaient été interprétées par cent soixante danseurs et figurants.
Une prestation qui n’a pas laissé indifférents les médias lyonnais. Cet autodidacte qui est tout de même passé par des stages avec des grands chorégraphes comme le chantre de l’acrobatie Alexandre Del Perugia ou une coopération avec le fondateur de la compagnie Käfig Mourad Merzouki compte plusieurs apparitions à la Biennale de la Danse.
Engagé, il le demeure manifestement et revendique « un lien entre mes activités artistiques et mon engagement qui se créent naturellement. L’essence reste l’expression. J’ai pu aborder à travers mes différentes créations, sous support de court-métrage ou de scène vivante, des sujets très bien conceptuels que engagés : le vertige, la révolution syrienne, la sensibilité viscérale, la folie interne et la réalité, le flux et les limites. »
Comme le 29 mars dernier, où il se produisait à Bruxelles dans un spectacle solo de vingt minutes accompagné par le Med Orchestra dans le cadre du festival Sounds of Révolution. Le message de Moonsaif prendrait-il une ampleur au delà des frontières ?
Réalisateur, une autre facette de l’artiste engagé
« Je ne compte plus les vidéos filmées par des portables et postées sur Youtube de morts jeunes et vieux, bombardés, décapités, ou même gazés. Je ne peux pas rester passif face à cette injustice. »
L’audiovisuel fait parti de l’œuvre de Rami Hassoun. Réalisé en avril 2012, son film « You don’t Fit for Freedom » (Traduction : Vous n’êtes pas faits pour la liberté) est un court-métrage filmé en France, en Inde, en Tunisie et en Roumanie et teinté de musique électronique contemporaine et de création animée.
Diffusé par la télévision Orient News, il avait été présenté lors du 30eme festival de cinéma « Tous-Courts » ou le festival de danse « Auteur de Trouble ».
Dans un article lui étant consacré dans 20Minutes.fr, Rami expliquait qu’à travers ce projet, il désirait « prendre une place objective me permettant d’aborder ce sujet (…) J’ai voulu sensibiliser, réveiller les foules et rendre compte de la réalité vécue par des hommes, des femmes et des enfants qui contre la barbarie n’expriment plus rien : ni joie, ni peur, ni tristesse. »
Pour aller plus loin
http://www.messagetosyria.com/
http://creative.arte.tv/fr/users/rami-hassoun
Biographie de Rami Hassoun :
Né le 8 Juillet 1989 à Villeurbanne
2011 : Directeur musical, chorégraphe et danseur d’un solo de quinze minutes, « Conciencia », abordant la thématique de la sensibilité viscérale et accompagné du guitariste Andreas Boos et de la violoniste Mathilde Larose. Interprétés en Espagne au Centro Cívico Albaicín à Grenade.
2012 : Réalisateur, chorégraphe, directeur musical, et danseur du film chorégraphique « You don’t Fit for Freedom », abordant la révolution Syrienne, formé de neuf artistes et techniciens et une cinquantaine de figurants.
2012 : Réalisateur, Chorégraphe, et Danseur du film chorégraphique « Abraxa », abordant les thématiques de Folie et Réalité, et formé d’une équipe de sept artistes et techniciens. Diffusés sur Arte Créative, Fubiz, et au 30ème festival de cinéma « Tous-Courts ».
7 Février 2013 : Danseur interprète pour la création « Pixel », née d’une collaboration entre le chorégraphe Mourad Merzouki et la compagnie d’Art numérique « Adrien M. & Claire B. ». Interprété à l’Espace Albert Camus Bron dans le cadre du festival « RVBn ».
16 Mars 2013 : « Hommage au peuple Syrien », évènement culturel et politique organisé par la compagnie MoonSaif en collaboration avec l’association Free Syria Lyon. Intégrant une « Marche pour la Syrie », interprété par 160 danseurs et figurants sur deux kilomètres en centre-ville Lyonnais.
29 mars 2013 : Directeur musical, Chorégraphe et Danseur d’un solo de 20 minutes accompagné par The MED Orchestra, et interprété au Flagey de Bruxelles dans le cadre du festival « Sounds Of (R)evolutions ». Organisé par la Maison Des Cultures et de la Cohésion Sociale de Molenbeek et les Halles de Schaerbeek.
24 octobre 2013 : Réalisateur, Chorégraphe, Directeur Musical, et Interprète du court-métrage « Vertige » abordant la thématique de l’amour obsessionnel dans le vertige. Formé d’une équipe de huit artistes et techniciens.
Bravo Rami pour ce combat pour la dignité et la liberté du peuple syrien