Quand le hip-hop et le Ballet National Algérien se rencontrent…

Critique du spectacle Nya, créée par Abou et Nawel Lagraa, dans le cadre de la Biennale de la danse.

C’est en entrant dans un Transbordeur plein à craquer et spécialement mis en place que l’on peut se rendre compte de l’ambiance très spéciale de la Biennale de la danse. C’est aussi en voyant tous ces quinquagénaires hurler de plaisir et applaudir pendant de longues minutes que l’on se dit qu’Abou Lagraa parle aux gens, leur donne du plaisir à travers ses tentatives de mélange des genres. Quelle réussite!

Loin des projecteurs que l’on réserve à un (extraordinaire) Prejlocaj, ou à un Merzouki en pleine possession de ses moyens créatifs, le spectacle Nya, produit de la (toute nouvelle) cellule contemporaine du Ballet National Algérien, créée par Abou et Nawel Lagraa cette année, offre une vision intéressante de ce que pourrait devenir le hip-hop.

En quelque sorte, ce chorégraphe (fondateur de la compagnie la Baraka à Lyon) lui donne ses lettres de noblesse. Comme un art à qui on permettrait de s’élever d’un rang. En effet, ce dernier mélange le hip-hop a la danse contemporaine, dans un premier temps, fusion d’ailleurs parfaitement réussie et pleinement portée par ses danseurs, mais aussi et surtout à de la musique qui sort le hip hop de la rue, de son champ d’action habituel pour lui offrir un autre souffle: celui du Boléro de Ravel, et celui des chants lyriques et profonds d’Houria Aïchi, chanteuse méconnue en France mais très importante en Algérie.

 

Deux parties distinctes, donc, et appréciées différemment comme le résume Patricia, spectatrice envoutée: « Tenter ces mélanges à plusieurs niveaux était très risqué, et, en France, il est normal de s’identifier plus clairement au Boléro. ». Mais un résultat surprenant et touchant, grâce à l’interprétation des danseurs, tous différents dans leur style et leur qualités « hip-hopiennes ». Par duos ou trios, ils emportent le spectateur dans une balade, une réinterprétation moderne de musiques rangées dans les classiques. Il est étonnant, en vérité, d’assister à la fusion de mouvements saccadés comme le hip-hop en raffole, mais également gracieux comme seule la danse contemporaine en propose. Dans un premier temps sobre, à l’écoute de Ravel, la mise en scène préserve le côté « street » du hip-hop en laissant les protagonistes se costumer comme ils le font en répétition, avec quelques jeux d’ombre malins et une énorme énergie. La seconde partie arrive en opposition à la première, par son côté spirituel et humble (les seconds costumes expriment cela également).

 

Mounir, lui aussi conquis, m’a déclaré à la fin du spectacle: « Le fait d’avoir fusionné une danse classique et une danse moderne, ainsi qu’une musique importante pour les européens et une artiste importante pour les algériens est un défi qu’il a très bien relevé, ça ouvre des perspectives intéressantes et va aider au rapprochement des deux cultures.. » Car dans ces tentatives il s’agit bien de cela. La première de Nya a eu lieu sous un triomphe à Alger samedi dernier, la première en Europe, à Lyon pour cette biennale, peu après, également très applaudie, confirme que, derrière le projet de ce spectacle se cache une belle envie de savoir rendre les deux cultures complémentaires. Et cela m’amène à un autre constat: même si l’on sait que la danse a tristement un public restreint, il y avait une véritable volonté, de la part des spectateurs, d’être fiers de ce projet et de ce qu’il tente. Il serait stupide de trop en faire, mais on ne peut nier qu’un spectacle du Ballet National Algérien, en France (pays qui a tellement participé à la noblesse de cet art), est soumis à un certain regard critique, et Abou Lagraa ne doit pas être étranger à cette pensée. Mais, c’est l’inverse qui est apparu ce soir-là, c’est un réel enthousiasme qui émanait de cette salle, à juste titre, car la représentation n’a pas dû déplaire à beaucoup.

Seuls regrets tout de même, quelques femmes dans la troupe, et une mise en scène accompagnée de décor (seuls deux ou trois tapis suspendus dans la deuxième partie) auraient participé à cette belle réussite.

 

Pour plus de renseignements ou une réservation (vous avez jusqu’au 2 Octobre), rendez-vous sur le site de la biennale: http://www.biennaledeladanse.com/fr/lm/part1/spectacles/cellule-contemporaine-ballet-national-algerien,38.html

Paolo Kahn

La rédaction

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