Ce mercredi devant la Cour d’appel de Lyon, le mouvement citoyen Alternatiba ANV Rhône a organisé le procès climatique des 14 députés sortants du département. Quelques heures avant l’audience du militant Charles de Lacombe, cette action visait notamment à dénoncer « l’inaction de l’État face à l’urgence climatique et sociale ».
Faut-il condamner les auteurs d’inaction climatique plutôt que les activistes écologistes non-violents ? Pour le mouvement citoyen Alternatiba ANV Rhône, ça ne fait aucun doute. Mercredi après-midi, ils dénonçaient le jugement en appel de Charles de Lacombe, militant chez Alternatiba, au palais de justice de Lyon. Il avait été condamné par le même tribunal en mars 2021 pour avoir « détourné le portrait du président de sa fonction première », en le décrochant dans la mairie du 2ème arrondissement en 2019. Quelques heures avant l’audience, ses camarades ont organisé un contre-procès sur les marches du tribunal. En pleine période électorale, le mouvement a décidé d’appeler à la barre les députés sortants du Rhône qu’il considère comme coupables de « sabotage climatique et social ».
Le procès climatique s’est décliné en plusieurs étapes avec la prise de parole de plusieurs invités. Tatiana Guille, porte-parole d’Alternatiba ANV Rhône, a d’abord dressé le bilan climatique du quinquennat d’Emmanuel Macron. « 5 années de perdues pour le climat », a insisté la militante à de maintes reprises. William Aucant, un des 150 citoyens tirés au sort dans le cadre de la Convention Citoyenne pour le Climat, tire lui-aussi un constat d’échec : « Macron n’est sincère que quand il ment », a-t-il glissé. Charlotte Brasse, de l’association juridique Notre Affaire à Tous, est revenue sur l’Affaire du siècle.Elle a plaidé pour la reconnaissance juridique du décrochage de portrait, en soutien à Charles de Lacombe et ses camarades. Le prévenu du jour est lui aussi intervenu, quelques minutes avant son audience. Il a appelé les juges à « prendre leurs responsabilités pour combler ce qui fait défaut à l’État », c’est-à-dire l’inaction climatique et sociale. La mobilisation s’est conclue par le jugement de chacun des 14 députés du Rhône et de deux attachés parlementaires, Sarah Peillon et Sarah Tanzilli. La majorité des députés ont été « mis en examen ». Seulement 3 ont été considérés comme « témoin assisté ».
« On attend d’un député qu’il prenne des mesures qui soient en phase avec l’urgence climatique et sociale »
Adrien Montagut, coordinateur de l’action, explique que l’un des objectifs de ce contre-procès était de juger les « vrais coupables » d. D’autre part, c’est aussi un moyen de commencer à faire pression sur ces députés, c’est-à-dire leur montrer qu’on les observe, qu’on scrute leur travail et qu’ils doivent rendre des comptes. Le problème, c’est qu’il y a trop de flou sur le travail des députés qui est fait à l’Assemblée », soutient le militant engagé depuis 2018 chez Alternatiba ANV Rhône.
Pour les militants d’Alternatiba ANV, un député doit aujourd’hui prendre en considération les questions environnementales et sociales dans toutes leurs décisions. « On attend d’un député qu’il prenne des mesures qui soient en phase avec l’urgence climatique et sociale. Aujourd’hui, force est de constater que toutes les mesures qui ont été prises dans le précédent quinquennat ne s’inscrivent pas dans cette logique. On attend d’eux du courage », affirme Adrien. Une exigence que partagent certains candidats aux législatives, présents pour soutenir Charles de Lacombe. « On ne veut pas de députés qui ne sont pas en phase avec les enjeux environnementaux. Les députés sortants du Rhône n’ont pas agi pour le climat. C’est un de nos arguments pour notre campagne », explique Benjamin Badouard, candidat NUPES de la 4ème circonscription, accompagné de Marie-Charlotte Garin, candidate de la coalition dans la 3ème circonscription.
La justice comme garante ou bourreau de l’action militante
Le procès climatique avait un double-enjeu. Mettre en lumière « le sabotage climatique et social » du gouvernement aux yeux des citoyens, mais aussi se servir de la justice pour légitimer ces revendications « officiellement ». Charles de Lacombe a d’ailleurs insisté sur la symbolique de son geste : « On sait parfaitement que le fait de décrocher un portrait dans une mairie, c’est un délit. Mais ce n’est pas ça le sujet. On n’est pas des délinquants. C’est une action à valeur symbolique et non-violente. On se donne juste les garanties que l’action devienne un symbole fort afin d’alerter ».
Pour Marie-Charlotte Garin et Benjamin Badouard, Charles et ses camarades sont des lanceurs d’alerte, pas des hors-la-loi. « Nous, on protège les lanceurs d’alerte donc on soutient Charles. On appelle les juges à aller voir plus loin », déclare le candidat. « La réponse de l’État n’est pas proportionnée, donc ça légitime l’action des lanceurs d’alertes sur ces questions. Il y a des cas où la justice donne raison à l’action de ces lanceurs d’alerte », ajoute son homologue de la 3ème circonscription. Aurélie Gries, candidate NUPES dans la 1ère circonscription et ancienne militante chez Alternatiba, ainsi que Warren Dalle, candidat suppléant dans la 10ème et Gilet Jaune, étaient aussi présents. Ils partagent le point de vue de leurs confrères. « On espère qu’il sera relaxé. Ça risque d’être compliqué mais c’est ce qu’on lui souhaite. Dans les autres régions en France, les décrocheurs de portrait ont été pour la plupart relaxés donc on attend la même chose », confie Aurélie Gries. Charles de Lacombe rejoint la candidate de la NUPES en soulignant que cette étape juridique donne de l’ampleur à l’action : « On a vu que l’État avait été condamné à plusieurs reprises pour inaction face au dérèglement climatique, face à la pollution de l’air. Cela contribue à légitimer notre action ».
S’il faudra attendre pour savoir si le contre-procès, aux multiples enjeux, aura l’effet escompté, Charles de Lacombe atteste qu’il est possible de faire évoluer la justice : « J’ai deux camarades qui ont été relaxés au titre de l’état de nécessité. C’était le procès du 2 septembre 2019 de Fanny et Pierre à Lyon. Ils avaient été relaxés le 16. On voit que juridiquement, un juge est capable de relaxer des militants », argumente le prévenu.
Finalement, les espoirs de Charles et des militants ont été déçus : le procureur de Lyon a rendu le même verdict qu’en mars 2021. À l’issue de l’audience, le procureur a requis 500 euros d’amende à l’encontre du militant. La reconnaissance de la légitimité de ces actions écologistes non-violentes semble dépendre de chaque procureur et de son interprétation des lois face à l’urgence climatique. Le travail de réveil des consciences n’est donc pas terminé pour Alternatiba ANV.
Rémi Capra-Brocard