« Osons une autre Afrique »

Aminata Dramane Traoré, ancienne ministre de la culture malienne, livre dans L’Afrique Mutilée un réquisitoire poético-politique sur le néolibéralisme « mutilant ». La fervente militante altermondialiste s’interroge sur la place des femmes dans les sociétés africaines.

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« Clarifier les malentendus » sur la situation endémique de ces pays laissés pour compte par la mondialisation, c’est l’objectif ambitieux que s’est donnée Aminata Dramane Traoré dans L’Afrique Mutilée. Après la fête de l’Humanité à Paris et la fête altermondialiste de Mâcon, elle est revenue sur son livre à La Bourse du Travail à Lyon. Devant une centaine de personnes, elle a voulu partager sa lecture de la crise malienne et africaine qui touche continuellement le continent depuis une trentaine d’années.
Au cœur de son nouvel ouvrage, publié dans la continuité de L’Afrique Humiliée (Fayard, 2008), « les politiques néolibérales assassines » et la nature mutilante du régime mondial. Le Mali dont la partie nord est contrôlée par les islamistes radicaux est ainsi amputée géographiquement. Selon elle « l’Afrique humiliée est d’abord une Afrique mutilée pour ses immenses ressources naturelles (uranium, or, ressources agricoles) dont l’économie mondiale a cruellement besoin. Les politiques de pillage de nos économies avec la complicité de dirigeants « démocratiquement » élus mais corrompus, ainsi que les réformes structurelles non concertées et non conformes aux besoins vitaux des populations sont mutilantes ».
Les femmes comme moteur d’une nouvelle Afrique
Dans ce réquisitoire à charge contre les politiques libérales qui organisent la prédation du continent, L’Afrique mutilée se veut une lecture féminine, maternelle et matricielle de la crise africaine postcoloniale. Aminata Dramane Traoré veut en finir avec  le discours misérabiliste et condescendant sur la situation des femmes. Démographiquement la composante la plus importante de la population africaine, c’est sans aucun doute celle qui a le moins de poids politiquement.
Pour elle, le problème réside dans le fait que les femmes sont enfermées dans des problématiques qui, même si elles sont bien réelles, ne sont spécifiques à aucun pays. La question de l’excision, de la polygamie, des difficultés liées au rôle domestique sont autant de problèmes à combattre. Mais dans un pays où les femmes sont les grandes oubliées de la société civile, celles-ci doivent pleinement jouer leur rôle pour la refondation de la nation. Et cela passerait par le droit de s’occuper des questions politiques, économiques ou encore géostratégiques
Pour tenter de contrebalancer ce problème structurel, elle a mis en place le réseau « Femmes Maaya et citoyenneté ». Le but, renforcer le dialogue en parlant aux gens dans leur langue et ainsi faire référence à des valeurs qui leur sont familières. Tout ça pour leur donner la possibilité et les moyens de décider, de juger et de contrôler.
Lors du Forum pour un autre Mali (FORAM) qui s’est tenu à Bamako la militante altermondialiste a appelé à recentrer le dialogue sur les femmes pour lesquelles elle se veut être la porte-parole. Délivrant un message d’espoir, elle a invité les femmes africaines de sortir de l’obscurantisme pour prendre leur responsabilité afin qu’elles jouent pleinement leur rôle dans la refondation de la démocratie africaine.
Pour faire émerger de nouveaux modèles politiques adaptés à leur réalité, les pays africains se doivent de réfléchir ensemble. L’émancipation vis-à-vis « des parrains autoproclamées de la démocratie » – à savoir les pays du Nord – est à ce prix.

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