« 70 années de service et de sacrifice ». C’est par ce thème que l’Organisation des Nations Unies (ONU) a décidé d’honorer les Casques bleus, au palais des Nations, à Genève, lors de la Journée internationale des Casques bleus ce jeudi 31 mai. Une journée cérémoniale chargée de sens pour les militaires de l’Association internationale des soldats de la paix (AISP), basée à Lyon.
La force de maintien de la paix de l’Organisation des Nations unies n’est pas une armée ni une ONG humanitaire, mais bien un outil unique et essentiel au maintien de la paix, grâce à des actions de long terme, comme dans les 16 objectifs du développement. C’est une force qui se veut paritaire et qui est constituée de soldats de 124 pays différents.
La journée commence avec une première conférence donnée par Laurent Attar-Bayrou, ancien Casque bleu et fondateur de l’AISP, laquelle fête ses 30 ans. On salue l’arrivée du drapeau de l’ONU mais aussi celle du casque bleu, symbolisant tous les frères disparus. Ce casque suivra la délégation tout au long de la journée. M. Attar-Bayrou donne un discours sur le rôle de l’AISP, son organisation. Cette dernière fut créée pour rassembler d’anciens soldats de la paix, mais aussi pour apprendre les valeurs de la paix aux jeunes afin de ne plus revivre les horreurs de la guerre. Pour cela, l’association a mis en place 6 programmes de formation plus ou moins conséquents.
Le premier est environnemental : son objectif est de former d’anciens militaires au métier de gardes et gestionnaires d’espaces naturels.
L’AISP-Mines est le deuxième, qui forme au déminage depuis 2001 avec des actions pour permettre la réhabilitation d’espaces minés.
Le troisième est un programme humanitaire, qui mène des campagnes de vaccination – comme au Rwanda avec 50 000 enfants vaccinés – mais aussi de construction et restauration d’écoles et hôpitaux.
Le quatrième est l’ASSEO, pour l’accueil, le soutien, la solidarité, l’écoute et l’orientation d’anciens militaires. C’est un programme de soutien aux blessés physiques et psychiques.
Le cinquième, l’Académie internationale de la paix, est un programme de formation pour les décideurs et diplomates de demain, destiné aux acteurs de la paix, civils comme militaires. Elle a pour objectif de devenir un centre d’excellence en formant des élites à l’intégration d’organisations internationales.
Le dernier programme est celui des jeunes faiseurs de paix. Initié en Russie, il est maintenant aussi en place en Ukraine et Biélorussie. C’est un programme de formation de jeunes à la responsabilité avec des cours sur une durée d’un an.
Au terme de cette conférence donnée par M. Attar Bayrou, un casque bleu français est donné à la délégation tchèque pour le nouveau musée des Soldats de la paix en République Tchèque. Une équipe de l’ISCOM (Lyon) est remerciée pour son travail de communication en vue de l’expansion de ce programme.
La première cérémonie a lieu sur l’esplanade du palais des Nations. Le groupe de Casques bleus entre au pas, dirigé par un soldat de la paix sénégalais. On y décore quatre soldats du prix Nobel de la paix, donné aux Casque bleus en 1988. Une chorale de jeunes faiseurs de paix russes accompagne cette cérémonie par des chants traditionnels.
Ensuite, la délégation se déplace dans les jardins, afin de lever le drapeau de l’ONU, symbole de paix, et de déposer une gerbe pour les morts au combat. Corinne Momal-Vanian, directrice des conférences à l’ONU, donne un discours pour le Directeur général des Nations unies à Genève, Michael Møller. Elle souligne l’importance des Casques bleus dans le monde et leurs multiples facettes, notamment humanitaires. Laurent Attar-Bayrou délivre un message en l’honneur de ses frères disparus, après avoir observé une minute de silence. Il déclare : « [le rêve des Casques bleus] est l’utopie d’un monde où il n’y aurait pas besoin de soldats de la paix, celle d’un monde où leurs proches n’auraient pas à les pleurer, celle d’un monde où le mot paix n’aurait pas besoin d’exister ».
La journée se termine par une dernière conférence officielle. António Guterres, Secrétaire général des Nations unies, délivre un message vidéo dans lequel il exprime sa solidarité envers l’ensemble des Casques bleus, en soulignant leur récent travail, dans les zones où ils sont affectés, contre les attaques et le harcèlement sexuel. Michael Møller s’exprime ensuite, rappelant la première mission des Casques bleus, le 29 mai 1948, pour observer la trêve entre Israël et ses voisins. Il rend hommage aux 3 733 soldats de la paix morts sur le terrain, et explique que les Casques bleus sont indispensables à la paix, à la défense des citoyens, des droits humains et parfois des élections. En effet il dit que les Soldats de la paix sont de plus en plus ciblés et on compte 37 soldats morts au combat depuis le début de l’année 2018.
Après lui, M. Attar-Bayrou s’exprime pour expliquer que la Journée internationale des Casques bleus est en l’honneur des 3 733 disparus. Selon lui, « la poursuite de la paix et du progrès […] ne peut jamais être paisible ni abandonnée ». Le service et le sacrifice des soldats de la paix sont donc bien une réalité : depuis 1948, les Casques bleus ont aidé de nombreux pays à passer de la guerre à la paix dans ce qui est pour lui l’idéal kantien de paix perpétuelle Les missions sont certes de plus en plus dangereuses et complexes de part la présence d’un ennemi non-défini et il faut donc réformer l’organisation. L’ONU ayant été créée pour préserver les générations futures du fléau de la guerre, l’action des Casques bleus en est digne, nous dit M. Attar-Bayrou. Les anciens Casques bleus membres de l’AISP se veulent d’honorables représentants de tous leurs frères.
Le général Baillaud, ancien commandant adjoint de la Mission de l’Organisation des Nations unies pour la stabilisation en République démocratique du Congo (MONUSCO) est le dernier à s’exprimer. Lui qui a servi la France, l’OTAN et l’ONU, et a commandé 20 000 Casques bleus au Congo il y a deux ans avant de rendre les armes en prenant sa retraite, tient à préciser, depuis son expérience du terrain, que la composante militaire n’est pas la seule chez les soldats de la paix. En effet, il lui est arrivé de voir repartir un hélicoptère de secours des Casques bleus prenant en charge des blessés tant chez les soldats de la paix que chez les rebelles et les forces congolaises Sur place, nous dit-il, ils ont aussi aidé à l’accès aux zones enclavées toujours en s’entretenant avec les locaux. Leur travail est félicité par les ambassadeurs maliens et qui témoignent leur gratitude envers cette organisation qui a aidé à la stabilisation de leur pays. L’ambassadeur du Congo, présent, ne s’est pas exprimé.
La conférence s’achève sur une question d’un ancien Casque bleu de 1983, qui demande une réforme pour donner plus souvent des mandats offensifs aux soldats de la paix. Le général Baillaud lui répond avec son expérience auprès de la MONUSCO, la seule mission ayant reçu un mandat offensif de neutralisation d’un groupe armé, sur une durée de neuf jours. Il souligne le fait qu’un mandat offensif doit être limité dans le temps, car l’action au Congo dure toujours et que le but reste de protéger les civils et d’atteindre une paix durable : il faut commencer et terminer le processus. D’ailleurs, selon lui, les soldats de la paix restent une force multilatérale composée de membres de 124 pays différents, il faut donc une réforme, mais le sujet des mandats offensifs est ardu. La journée se finit par des chants de la chorale de jeunes Russes faiseurs de paix.
Avec les différentes allocutions d’anciens soldats, on peut voir que le travail continu des Casques bleus depuis 70 ans est, selon eux, bénéfique et indispensable aux régions dans lequel il a lieu. Cette cérémonie annuelle des Casques bleus est d’une grande importance pour les vétérans, qui entendent ainsi le témoignage de personnages importants de l’organisation et observent un recueillement pour leurs frères, leurs amis disparus. C’est aussi pour cette raison que M. Jérôme Samuel, ancien soldat de la paix, a effectué une marche de près de 600 kilomètres entre le 1er et le 22 juin, reliant le palais des Nations de Genève à l’UNESCO, en l’honneur de la fonction de Casque bleu.