Les 27 et 28 septembre 2025, Lutte ouvrière à organisé sa fête à Saint-Fons (Rhône). Nathalie Arthaud est venue ce dimanche prononcer un discours. Le Lyon Bondy Blog en a profité pour lui poser quelques questions avec cette rentrée marquée par plusieurs mobilisations. L’interview à été enregistrée ce dimanche 28 septembre. Entretien.
Lyon Bondy Blog : Lundi 22 septembre 2025, Emmanuel Macron a reconnu officiellement l’état palestinien à l’ONU. Quelle a été votre réaction?
Nathalie Arthaud : c’était une reconnaissance qui avait un sacré goût d’enterrement parce qu’évidemment tout le monde trouve normal que le peuple palestinien accède à un état, ceci est vrai pour tous les peuples opprimés. Mais qu’a t il reconnu Emmanuel Macron ? Un champ de ruines, il a reconnu un cimetière qui ne fait que s’agrandir. Il a fait tout son numéro à l’ONU, peut-être qu’il cherchait son jour de gloire. Mais en sachant pertinemment qu’il n’arrêtera pas la main du bourreau, que ça ne changerait absolument rien aux dizaines, centaines de milliers d’enfants, de femmes, d’hommes palestiniens qui sont aujourd’hui affamés. C’est d’autant plus choquant qu’il a fait son numéro sans changer d’un iota sa politique vis-à-vis de l’état israelien qui consiste à continuer de commercer avec lui y compris de lui livrer des armes. Personnellement j’ai trouvé cette séquence tout à fait écœurante.
L.B.B : Que pensez-vous des conditions posées par Emmanuel Macron pour la reconnaissance de l’état palestinien?
N.A : De toute façon, quand les puissances impérialistes accordent un droit de vie aux uns ou aux autres, c’est toujours aux conditions de l’impérialisme. Et là c’est évident que même pour faire ce geste tout symbolique, Macron a demandé aux Palestiniens de se mettre à genoux. Ceci est vraiment significatif que dans cet ordre impérialiste là, quelle que soit la nation, le pays, il est voué de toute façon à se soumettre aux plus puissants. Et c’est aussi pour ça que nous, Luttes Ouvrière, nous pensons qu’il faut avoir comme perspective non seulement une perspective nationale de fonder un état palestinien, mais il faut aller plus loin avec pour ambition de renverser l’ordre impérialiste en fait. À quoi pourrait ressembler demain un état palestinien ? Avec quelles frontières ? ça serait un état croupion, complètement dépendant économiquement comme l’autorité palestinienne l’est aujourd’hui. En fait ça ne pourrait pas sortir de la misère et offrir un avenir aux masses palestiniennes. Nous, nous ne voyons pas d’autre solution dans la région qu’un ébranlement profond de l’ordre impérialiste. Et c’est la raison pour laquelle nous pensons qu’il est nécessaire d’être solidaire avec le peuple palestinien. Dénoncer le massacre, le génocide bien sûr, mais on peut faire plus nous ici, parce qu’on est dans les citadels impérialistes et ce sont nos dirigeants qui finalement sont non seulement les complices, mais les instigateurs de ce piège mortel. Notre combat contre nos propres dirigeants et l’ordre impérialiste fera avancer également le combat des Palestiniens.

L.B.B : Depuis la nomination de Sébastien Lecornu au poste de premier ministre le 9 septembre 2025. Il peine à former une coalition gouvernementale. Pensez-vous que c’est à cause des clivages causés par la réforme des retraites que le gouvernement a du mal à se former
N.A : On sait très bien que depuis le début, tous les gouvernements qui se forment sont voués à tomber. Il n’y a donc absolument aucun scoop là-dedans. Nous, ce qui nous distingue, c’est que cette agitation politicienne ne nous intéresse que très peu. Parce qu’on est convaincus que quel que soit le prochain gouvernement qui sortira de ces négociations ou même des élections anticipées, cela donnera au final la même chose. C’est-à-dire un gouvernement qui va obtempérer face aux pressions et aux contraintes imposées par le grand patronat.
Maintenant vous entendez hurler, le grand patronat, les Bernard Arnault, les Bolloré, les Mulliez. Alors qu’on ne leur a même pas touché un de leurs cheveux, ils hurlent déjà comme s’ils étaient écartelés. Ce sont eux qui ont le pouvoir. Ce sont eux qui exercent une pression sur le gouvernement. Si Bayrou a conçu ce budget, c’est parce que le grand patronat le demandait. Un budget avec toujours plus d’exonération, toujours plus d’aide de la part de l’État, surtout en cette période de crise. Donc il demandait que ce soient les travailleurs, les
malades, les retraités qui fassent l’essentiel des sacrifices. Et ça, vous savez, le patronat va
continuer de le demander quel que soit le gouvernement. Macron peut disparaître, peut débarrasser le plancher, mais le grand patronat, lui, il sera là avec son pouvoir, avec ses moyens de pression et de chantage sur les politiciens et sur toute la société.
L.B.B : Depuis la rentrée en septembre, plusieurs mobilisations ont eu lieu. Pour vous est-ce une réussite?
N.A : Non, elle n’a pas réussi. Pour l’instant, les travailleurs n’ont absolument rien obtenu.
Je sais que certains, peut-être emportés dans leur élan ont expliqué que la chute de Bayrou
était liée à la menace du 10 septembre. La réalité, c’est que les travailleurs ne font que commencé à s’inscrire dans un bras de fer, mais ce n’est vraiment que le commencement. Il faut réaliser ça et c’est quelque chose que vraiment la plupart des travailleurs n’ont pas en tête, il faut mesurer la force des travailleurs quand vraiment ils sont décidés de se mettre en grève.
Cela veut dire des millions de travailleurs en grève qui décident d’arrêter de produire leurs
richesses, de produire leurs profits, qui de ce fait bloquent toute la société. Ça fait longtemps qu’on n’a pas vu la classe ouvrière en action à ce niveau-là et qu’on n’a pas vu la force du monde du travail. Mais cette force-là, il faut se souvenir de ce qu’elle a été en 68 ou en 1936, quand justement les patrons ont tellement eu peur qu’ils ont couru derrière les ministres pour obtenir un Grenelle ou pour obtenir un Matignon,c’est-à-dire pour qu’il y ait des négociations et pour qu’ils lâchent un certain nombre de choses au monde du travail. C’est cette force-là qui passe forcément, oui, par la grève en réalité, que les travailleurs doivent retrouver et doivent avoir cette conscience de ce qu’ils peuvent faire. Ils doivent avoir conscience de ce qu’ils représentent pour la société, c’est-à-dire que ce sont eux qui font tout, qui font tourner, eux qui sont les indispensables à la société. Et c’est cette force-là qu’il faut absolument jouer.
L.B.B : Les élections municipales arrivent à grands pas. Comment allez-vous attirer de nouveaux camarades, notamment envers les jeunes, quel sera votre message ?
N.A : Moi, ce que j’ai envie d’expliquer et de dire aux jeunes qui sont révoltés par ce qui se passe à Gaza, qui sont révoltés par le sexisme, par la misogynie, par les inégalités, qui sont révoltés par cette pollution, le fait qu’on ravage la planète. Il faut qu’ils fassent le lien entre ça et la société capitaliste. Parce que la révolte ne suffira pas. Proposer des mesures contre le sexisme, contre le racisme, dans le cadre de cette société-là, ça ne suffira pas. On est dans une société qui produit des inégalités, qui produit les guerres, qui produit les divisions, qui produit le racisme, qui produit le nationalisme.
Il faut donc prendre le mal à la racine et j’ai envie de dire à ces jeunes, bah oui, il faut se politiser. Il faut essayer de comprendre d’où viennent les problèmes. Et ce sont les racines qu’il faut enlever. Et ça, ça passe en effet par les perspectives révolutionnaires. Donc moi, à tous ces jeunes-là qui sont révoltés par un tas de choses, des fois différentes, j’ai envie de leur dire, regardez du côté des idées révolutionnaires.

Interview et photos réalisé par Luna Letartre-Puig