La préfecture a livré en début de semaine les détails du plan hivernal 2020-2021, lancé au mois d’octobre. Avec, en toile de fond, la poursuite de la dynamique “zéro remise à la rue” entamée en mai dernier.
L’ampleur de l’effort revêt un caractère inédit. Depuis 2014, le nombre de places d’hébergement ouvertes à l’année a doublé (passant de 3 095 à 6 557). Le parc hivernal s’est lui aussi étoffé : de 955 places il y a six ans, l’objectif est fixé cette année à 1 058 places à la mi-décembre, dont 320 dans des gymnases à Lyon, Oullins, Caluire et Meyzieu, a annoncé la préfecture en début de semaine.
Ce plan de renforcement a été lancé, au même titre la trêve hivernale, le 18 octobre dernier selon un calendrier anticipé lié au couvre-feu. A compter de cette date, 698 places d’hébergement ont déjà été créées dans le département. À l’auberge de jeunesse du 5e arrondissement, qui a ouvert ses portes cette semaine pour un total de 156 places, s’ajoutent plusieurs autres lieux d’accueil à l’envergure plus modeste. L’hôpital Charial de Francheville, qui accueille 84 personnes depuis la semaine dernière, devrait voir sa capacité d’accueil augmenter à plus de 130 places d’ici le début de l’année prochaine. A Tassin-la-Demi-Lune, sept chalets accueillent des femmes seules avec enfants depuis le 10 novembre pour une capacité d’accueil qui devrait rapidement atteindre les 30 places. Un autre centre, pourvu de 24 places, a récemment ouvert pour recevoir des femmes victimes de violences. Sur le terrain, l’effort de création de places repose largement sur l’action du monde associatif lyonnais : Le Mas, l’Entraide Pierre Valdo, la Fondation Armée du Salut, l’association de l’Hôtel Social, Habitat et Humanisme ou encore la Fondation Notre-Dame des Sans-Abris seront en charge du pilotage de ces différents centres.
Aussi, une partie des places ouvertes dans le cadre des précédents plans de renforcement hivernal sont remises à disposition cet hiver : c’est le cas pour 116 places de l’ancienne caserne militaire CHABAL, à Saint-Priest, mais aussi au Conservatoire du 9e arrondissement qui accueille 100 personnes depuis deux ans. Dans son dossier de présentation du plan froid, la préfecture cite aussi le foyer de 60 places ouvert début 2018 à Alix, sur la route de Villefranche-sur-Saône. A toutes ces places en centre s’ajoutent 369 réservations de places dans des hôtels du département, dont 149 sont créées cet hiver.
L’État s’engage pour mettre à l’abri les plus fragiles dans une logique d’insertion. Ici à l’auberge de jeunesse de @Mairie5Lyon.
Merci à @villedelyon et à l’Entraide P.Valdo pour leur mobilisation qui a permis l’ouverture de 156 places dans ce site au cœur de #Lyon. pic.twitter.com/tPLvaMo67u— Préfet de région Auvergne-Rhône-Alpes et du Rhône (@prefetrhone) November 18, 2020
“Zéro remise à la rue” : une dynamique inédite
Le plan froid de l’année dernière n’a pas été interrompu au printemps, comme il en est d’habitude. Au contraire, 534 places avaient même été ajoutées au dispositif en urgence, alors que le confinement généralisé pointait le bout de son nez. Dans le Rhône, la dynamique “Zéro remise à la rue”, née en mai dernier et portée conjointement par l’État et la métropole a amorcé un virage bienvenu dans la politique d’hébergement d’urgence : plutôt que de remettre à la rue les personnes hébergées, au gré de la remontée du mercure ou de la baisse du taux d’incidence de la Covid-19, il a été défini que les efforts seraient réunis pour ne renvoyer personne dehors passé la période hivernale -comme ce fut le cas dès le mois de juillet dans d’autres départements. Une manière inédite de s’atteler au problème du sans-abrisme avec une approche structurelle, à l’aide d’une mobilisation conjointe de l’État, de la métropole, des bailleurs sociaux et des associations.
“C’est un mouvement très important, se réjouit le sous-préfet Clément Vivès. Cela permet de libérer des places au bénéfice de personnes vulnérables, soit sans-abris, soit logées de manière très précaire”. L’effort a d’ores et déjà permis de faire sortir plus de 400 personnes des centres d’hébergement d’urgence, leur permettant d’intégrer des logements sociaux, voire le parc privé dans une moindre mesure. Selon le sous-préfet Vivès, l’objectif est de mettre à disposition 80 logements chaque mois. “C’est positif de se dire qu’on garde les personnes jusqu’à ce qu’il y ait une autre solution, confirme Maud Bigot, directrice opérationnelle du pôle urgence d’Alynea, en charge du SAMU Social. Tant mieux qu’il y ait ces orientations là, il faut effectivement qu’il y ait une énergie et de l’argent. On rentre vraiment dans quelque chose ou on se dit qu’on est pas dans une politique d’affichage, et on essaie de travailler ensemble à mettre fin au sans-abrisme”. Un dispositif qui fait écho au plan “Logement d’abord”, lancé fin 2017 par le gouvernement, qui vise à changer la logique de la réinsertion par le logement en hébergeant, lorsque cela est possible, dans des logements classiques plutôt que dans des centres. “D’habitude on accueillait des personnes dans des centres d’hébergement d’urgence et le logement était un but en soi, l’aboutissement de tout un processus d’accompagnement, explique Sébastien Guth, de Notre-Dame des Sans-Abri. Le logement est devenu un support : une fois qu’une personne a un logement, on peut travailler sur la santé, l’emploi, les ressources…”
Près de 1500 appels aux 115 finissent sans solution
Si ces nouvelles approches sont saluées par les acteurs associatifs, le problème du logement demeure massif dans la métropole. Les centres d’hébergement sont pleins. Chaque semaine dans le Rhône, près de 1500 personnes appellent le 115 et ne peuvent, faute de place, être redirigées pour être abritées par la Maison de la veille sociale (MVS) du Rhône qui gère le numéro d’urgence. D’autant qu’un grand nombre de personnes à la rue n’ont pas recours à cette solution téléphonique, mais se trouvent dans une situation de précarité similaire. Aujourd’hui encore, le collectif Jamais Sans Toit recensait 240 enfants sans-abri dans la métropole : “On ne peut pas dire que rien n’a été fait, mais le problème est de taille, prévient Maud Bigot. Se retrouvent à la rue des personnes qui sont le fruit du dysfonctionnement d’autres politiques publiques, et le secteur du sans-abrisme ne peut pas tout traiter non plus. Cela concerne des lits d’hôpitaux psychiatriques, des formes de prise en charge de la protection de l’enfance, ce genre de choses”.
Sur les dix dernières années, le nombre de places en hébergement a quadruplé sur le département alors que dans le même temps, la demande d’hébergement a été multipliée… par dix, d’après les données du Service Intégré d’Accueil et d’Orientation (SIAO) du 115. Au-delà de la volonté politique de combattre le phénomène, celle-ci se heurte à une difficulté évidente à trouver des lieux propices à l’accueil d’urgence à un rythme suffisant. Si la Métropole a elle aussi agi, notamment via des subventions exceptionnelles envers une partie des associations qui œuvrent aux côtés des personnes vulnérables (396 000 euros pour Alynea, 650 000 euros pour Le Mas, et une enveloppe de 260 000 euros répartie entre Gaelis, le Secours Catholique, la Croix-Rouge, les Restaurants du Cœur, le Secours Populaire et la Banque alimentaire), la plupart d’entre elles manquent toujours de moyens, humains comme financiers. Autre motif d’inquiétude : la hausse de la précarité liée à la pandémie de Covid-19, déjà observable dans la hausse de la demande d’aide alimentaire d’urgence, pourrait accentuer le problème dans les mois et années qui viennent ; notamment au retour des expulsions locatives.