Un débat était organisé le 3 juin dernier autour des rapports entre jeunes et policiers, deux camps qui ne se connaissent guère. Invité du jour : Mohamed Douhane, auteur du livre « Les tabous de la police ».
Venu parler avec les habitants du quartier Jacques Monod à Villeurbanne, Mohamed Douhane était présent la semaine dernière au Local Commun Résidentiel. Auteur des « Tabous de la Police, itinéraire d’un flic français », l’homme est commandant de police et également Conseiller Technique à Synergie, principal syndicat des officiers de police.
Après une brève présentation, place au débat. Les questions fusent de toute part. « Pourquoi a-t-on droit à un contrôle d’identité alors que nous sommes accompagnés de notre éducateur ? » ; « Mon fils s’est fait verbalisé trois fois par le même agent, est-ce normal ? » ; « Les policiers créent leur propre scénario pour nous faire inculper ! N’y a-t-il pas un problème de formation au sein de la police nationale ? »… Le ton monte, si bien que la tension se fait rapidement sentir dans la salle. Le commandant de police rappelle à l’ordre, « il faut être respectable pour se faire respecter », avant qu’un participant intervienne pour rappeler à l’assemblée que la venue de M. Douhane a avant tout pour objectif de permettre un dialogue avec les jeunes.
Le message de M. Douhane est quant à lui assez clair : « Je veux transmettre un message d’espoir. Notre jeunesse a besoin de valeurs, elle traverse une crise morale au-delà d’une crise économique et sociale, mais aussi une crise du respect et du vivre ensemble. La police est avant tout un service public, elle ne doit pas être perçue comme une bande rivale ; les premières victimes de l’insécurité sont les populations issues des quartiers qui souffrent déjà d’une crise économique car la violence conduit immanquablement à stigmatiser un peu plus les populations de ces quartiers »
Au cours du débat, certains souhaitent avoir son avis sur la question identitaire. « La question identitaire est fondamentale car on ne peut pas vivre dans une société dans laquelle on ne sait pas où on va et surtout d’où on vient. La sécurité concerne tout le monde et c’est ce que j’ai voulu montrer dans ce livre », livre Mohamed Douane.
D’autres le questionnent sur ses motivations à écrire un livre sur cette question des tabous de la police. « C’est un témoignage après 17 ans d’activité dans la police. C’était pour moi un moyen de montrer qu’en France il n’y a pas de fatalité : on peut réussir si on s’en donne les moyens. C’est un métier très souvent caricaturé et entouré de fantasmes, j’ai donc fait le pari de décrypter, raconter mon expérience professionnelle et aborder sans tabou la délinquance des mineurs, les violences urbaines et la prévention de la délinquance ; c’est ce qui a motivé l’écriture de ce livre il y a un an. Quant au titre « Les tabous de la police », ce sont avant tout les tabous de la France ».
Plus tard, dans la salle, un habitant du quartier prendra la parole. Son témoignage sera écouté avec attention et bienveillance pour être finalement applaudi chaleureusement. « Depuis l’enfance, on a droit à un harcèlement psychologique lorsqu’on nous traite de bourricot à l’école et cela se poursuit tout au long de nos études. Même ceux qui ne cèdent pas à ce harcèlement et obtiennent de gros diplômes ne réussissent pas, à cause de leur patronyme à consonance exotique ou encore leur couleur de peau. Il faut donc comprendre les jeunes qui se tournent vers la drogue pour s’offrir un bon train de vie en voyant qu’avec des diplômes il n’auraient pas le même statut ! Les jeunes je m’adresse à vous : ne lâchez rien et c’est comme ça que vous obtiendrez des postes clefs comme M. Douhane et que vous finirez par faire changer les choses de « là-haut » ! ».
Ryzlen Bouguessa