« Interdiction de mêler l’inspection du travail à la dénonciation de travailleurs sans papiers » Voilà la recommandation récemment émise par le BIT (bureau international du travail). Les inspecteurs du travail du Rhône entendent bien la faire respecter. Et cela, quelles que soient les directives de l’Etat.
« On n’est pas là pour faire la chasse aux sans-papiers ! Ce n’est pas notre rôle. » Ce lundi, d’une même voix, les représentants des syndicats (CGT, FSU, SUD) ont alerté les médias lyonnais sur les missions particulières que les inspecteurs du travail se sont vus confier ces derniers mois. En effet, via de nouveaux outils, le Ministère du travail implique l’inspection du travail dans des actions prioritaires de lutte contre le travail illégal et la recherche de travailleurs sans papiers.
« Ce que l’on dénonce, entre autre, ce sont les actions du COLTI (comité opérationnel de lutte contre le travail illégal). Elles permettent à la gendarmerie et à la police de faire des opérations de grande ampleur dans les entreprises, en général sur des chantiers. L’inspection du travail les accompagne dans le cadre de sa mission de protection des salariés. Car, sans nous, la police n’a pas le droit de rentrer dans une entreprise. Mais, au final, sur le terrain, si un travailleur immigré sans papier est repéré, il est directement envoyé en centre de rétention et ses droits ne peuvent pas du tout être respectés. Nous ne pouvons rien faire pour lui ! », expliquent les représentants syndicaux.
Ces derniers nous assurent que deux opérations d’envergure, en général sur de grands chantiers de l’agglomération, seraient réalisées chaque semestre. « Une collègue d’un autre département m’a même raconté, qu’une fois, dans sa commune (ndlr :dont elle taiera le nom), une opération du COLTI a été menée tôt le matin sur un marché. Comme par hasard, les policiers n’ont contrôlé que les commerçants typés. Tout le monde était en règle ! Les policiers ont quand même embarqué un jeune immigré sans papier qui se trouvait dans le secteur à ce moment-là ! »
Pas de chance pour lui, diront certains…
Les inspecteurs du travail présents lors de la conférence de presse nous expliquent alors que dans leur rapport, l’admistration parle de Pak, de Bul, de Cong… Pour ceux qui n’auraient pas saisi : de Pakistanais, de Bulgares, de Congolais…
Mais si la grande majorité des inspecteurs du Rhône dénoncent ces pratiques, qui les respectent ?
Pour faire face à ce problème d’impopularité, l’inspection du travail du Rhône compte, depuis le 1er septembre 2008, une section spéciale représentée par deux agents, la SDAAC (section d’appui aux agents de contrôle). C’est elle qui est chargée de participer aux opérations de lutte contre les travailleurs sans papiers. Et cela, quel que soit le secteur d’intervention.
L’un des inspecteurs présents nous rappellent que lors de la création du ministère de l’immigration, le gouvernement avait tenté de mettre en place un projet visant à intégrer les inspecteurs du travail au ministère. « Aujourd’hui, on essaie encore de nous instrumentaliser dans le cadre d’objectif chiffré de reconduite à la frontière. »
Et les employeurs dans tout ça ? Sont-ils fortement réprimandés par les autorités ?
« J’ai travaillé près de deux avec de faux papiers. Mon employeur profitait de la situation bien sûr mais il était réglo. Un jour j’ai été dénoncé, et du coup, lui aussi s’est retrouvé accusé. Mais il n’a pas eu de problème. Il a joué l’innocent en disant ne rien savoir de ma situation. Aujourd’hui, il travaille toujours pour le compte de grosse société. », confie Jean (*), un ancien travailleur illégal.
Pascale Lagahe