Le break dance bientôt dans l’arène des Jeux olympiques (1/2) : rencontre entre deux univers

Le 7 décembre dernier, le comité international des Jeux olympiques (CIO) annonçait l’entrée de 4 nouvelles disciplines pour les Jeux de Paris 2024. Parmi elles, le break dance ou plus exactement le « breaking ». Une reconnaissance pour la discipline, un défi pour les danseurs, mais aussi la rencontre de deux univers : la danse urbaine et l’olympisme.

Yann Abidi (à gauche) référent Rhône Alpes pour le breaking à la fédération de danse avec les Ambassadeurs Génération 2024 et Maïssa Barouche, coordinatrice du projet (à droite). Crédit Léa Bouvet

Histoire du breaking : une passerelle à construire jusqu’aux J.O

Le breaking naît dans les années 1970 dans le quartier du Bronx aux Etats-Unis. Pilier de la culture hip-hop, il regroupe une grande diversité de styles et de pratiques, mélangeant sport, technique et créativité. Une discipline de rue, un art des quartiers et l’expression d’un univers parfois mal connu qui souffre encore de certains stéréotypes.

L’entrée du breaking au Jeux Olympique signe donc la rencontre entre deux mondes. Sous la direction du COJO (comité d’organisation des jeux olympiques) et grâce à l’engagement de danseurs et d’acteurs locaux, cette passerelle se dessine peu à peu. Parmi eux, les « Ambassadeurs Génération 2024 » de l’UFOLEP, une fédération multisport affinitaire en partenariat avec le COJO. Onze jeunes en service civique pour l’antenne de l’UFOLEP AURA sont ainsi en mission pour 7 mois sur la métropole de Lyon. Un partenariat axé sur la dimension d’héritage, pour laisser une trace des Jeux au-delà de l’évènement en lui-même.

Ce jeudi 11 février, les sept jeunes présents dans les locaux de l’organisme,  nous racontent leur rôle d’ambassadeur. « On est là pour promouvoir la culture hip-hop, auprès de plusieurs publics, explique Roxane. C’est une mission de transmission par des ateliers, des démonstrations, des initiations, dans les écoles, les MJC, les maisons de quartier ». Maïssa Barouche, tutrice des ambassadeurs des JO de Paris 2024, coordonne le projet au sein d’UFOLEP. Elle-même danseuse, enseignante et chorégraphe hip-hop, Maïssa joue un rôle d’intermédiaire entre les jeunes et les institutions : « Je les prépare à leurs missions, les accompagne dans leurs actions. L’idée est de partager sa passion et d’encourager une pratique sportive et artistique sur des publics isolés ».  Eux-mêmes danseurs, salariés ou étudiants, ces ambassadeurs ont tous en commun d’avoir adhéré aux valeurs de cette mission et à ce projet.

Deux parcours : deux regards

Pour accompagner les jeunes ambassadeurs dans leur mission, Maïssa leur propose ce jour-là de faire la rencontre de deux intervenants venus échanger sur les valeurs du breaking et de l’olympisme. Dans la salle de réunion de l’UFOLEP, l’ambiance est studieuse. Pendant que Mehdi Bensafi s’installe, chacun sort une feuille ou part en quête d’un stylo. Loin de faire un cours magistral, l’ancien coach olympique de Taekwondo est venu partager sa passion. Un univers qu’il connaît bien et dans lequel il travaille aujourd’hui en qualité de Directeur Technique Adjoint de la Fédération Française de Taekwondo (FFDTA).

Mehdi Bensafi tient à faire de cette rencontre un échange et les questionne sur ce qui motive leur engagement en tant qu’ambassadeurs. Son but est aussi de les situer dans cette grande organisation que sont les Jeux Olympiques, des clubs locaux au comité international en passant par tous les échelons : « Je veux que vous soyez en phase avec votre mission. Vous êtes là pour faire partager les JO à toute la population, que tout le monde se sente concerné ». Car l’enjeu pour l’organisation, c’est aussi de faire rayonner les Jeux jusque dans les quartiers, d’attirer les jeunes et de leur montrer que le sport est une opportunité. « Il faut déconstruire ce truc de t’es de Vaulx-en-Velin et t’en sortira pas », insiste Mehdi, lui-même originaire de ce quartier.

Pour cela il veut leur faire sentir l’esprit et la symbolique des Jeux : « C’est la compétition ultime pour de nombreuses disciplines. Les Jeux ça brille, ce sont des expériences, des émotions. Votre but c’est de créer cette émotion, de faire briller les yeux des jeunes que vous aurez en face de vous ». Il insiste sur les trois piliers de cet univers que sont « l’excellence, le respect  et l’amitié. »

Mehdi Bensafi, ancien coach olympique de Taekwondo et directeur technique adjoint de la FFDTA. Crédit Léa Bouvet

Des valeurs qui font écho au monde du hip-hop, où la pratique rime aussi avec dépassement de soi, exigence et discipline. C’est ce que souligne Yann Abidi, second intervenant, référent Rhône-Alpes breaking pour la fédération française de danse, mais aussi et surtout danseur et chorégraphe de renom. Lui aussi présente aux jeunes son parcours et revient sur les enjeux pour le breaking d’entrer ainsi aux J.O : « Cette danse restera toujours un art mais a tout à fait sa place dans le milieu du sport. La pratique compétitive hip hop est moins cadrée et deviendra plus structurée dans un circuit fédéral. On ne veut pas vendre notre art aux institutions mais le train est en marche et il est important que des acteurs du milieu soit présent ».

Originaire de Vénissieux, Yann le dit lui-même, son parcours de jeunesse est un « cliché ». Jeune de quartier issu d’une famille modeste, il explique que la danse l’a « sauvé ». D’abord membre du collectif Hip-Hop zone, fondateur du Pokemon Crew puis à l’initiative de nombreux projets, nationaux et internationaux et de compagnies de danse, il est maintenant responsable au sein de la fédération. Son but en plus d’exercer et de transmettre sa passion est de changer l’image du breaking. Or tout est à construire, car pour tout le monde, de la fédération au CIO, c’est une nouveauté. « Il faut changer cette image de danse du ghetto qui ne l’est plus depuis de nombreuses années ».

Pour lui comme pour Mehdi Bensafi, les enjeux autour de ce sport sont multiples: « le sport est un outil de société » et que « les JO sont un instant T qui permet de mettre ça en lumière. C’est pour ça que c’est important d’avoir l’échange qu’on a là. » conclue l’ancien coach. 

Une mission entre les mains des jeunes ambassadeurs

Après les deux interventions, les jeunes se rassemblent pour la pause de midi et échangent leurs impressions sur ces rencontres. « On m’aurait tenu ce discours plus jeune, ça aurait changé certaines choses », confie Roxane. « Le but, c’est vraiment qu’on soit capable de transmettre ça aux gamins ».

Quant au rôle qui est le leur : « c’est plus clair, ça a mis un cadre, on sait où on se situe », expliquent-ils. Mission accomplie donc, mais c’est bien la dimension humaine de cette rencontre qui semble aussi marquer les esprits : « c’est limite plus enrichissant personnellement », ajoute Patricio. « Il y a un gros contraste entre les deux, mais ils ont tous les deux un parcours de fou, tu t’identifies parce qu’ils parlent de leur passion et le font avec le cœur ». 

La mission qui est la leur jusqu’au mois de juin est donc de participer à raccrocher les wagons de ces deux univers. Ce en amenant l’esprit des J.O jusqu’aux jeunes des quartiers et en profitant de cette entrée de la discipline dans les Jeux pour la faire connaître, en expliquer la culture et les valeurs et déconstruire ainsi certains clichés. Une aventure qui sera racontée dans un documentaire réalisé par l’UFOLEP. Un travail de transmission et d’information qui prépare l’arrivée du breaking dans l’arène des Jeux olympiques et qui aspire à fédérer autour du sport des jeunes de tous horizons.

Léa Bouvet

La rédaction

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