Zoom sur Les Dérouilleurs, un réseau de jeunes diplômés issus de la banlieue. Après son succès en région parisienne, le réseau débarque à Lyon.
Suite au succès du réseau des « Dérouilleurs » en région parisienne, fondé il y a 5 ans par Zoubeir Ben Terdey et qui compte aujourd’hui un réseau riche de 4000 membres, Hajar, Mounaïme et Saïda ont pris l’initiative, il y a quelques mois, de faire profiter les jeunes lyonnais de ce réseau d’entraide. Suivant le modèle parisien, le réseau permet de mettre en relation les diplômés des quartiers populaires issus de l’immigration avec les cadres de grandes entreprises. Une façon de pallier la panne de l’ascenseur social ? Peut-être mais pas seulement.
7 février 2009. C’est dans une ambiance gourmande dans une crêperie du 6e arrondissement de Lyon que les« dérouilleurs » lyonnais se réunissent pour la deuxième fois.
Chronique de cette journée.
Je suis tout d’abord très agréablement surprise par l’ambiance de cette rencontre. Convivialité, ambiance chaleureuse, une vingtaine de minutes et voilà que l’on bavarde tels de vieux amis de longue date. On se présente, on discute de notre parcours scolaire et professionnel,de nos éventuelles difficultés, de la conjoncture économique hostile à l’emploi, de notre activité professionnelle, si activité il y’a, ou de notre recherche d’emploi.
La majorité des membres du réseau avec lesquels je m’entretiens sont victimes d’instabilité dans leur travail. Diplômés, cela ne les empêche pas de vivre dans la précarité. Saïda en est l’exemple vivant. A 34 ans, elle est titulaire d’une maitrise AES (Administration économique et sociale), d’un master Pro Consultant Management et d’un master de gestion socio-économique. Pourtant, 9 ans se sont écoulés depuis la fin de ses études, et aujourd’hui encore elle continue de jongler entre CDD, intérims et travail à temps partiel. En effet, après deux années de recherches actives d’emploi, elle entame sa vie professionnelle en travaillant pendant 4 ans à temps partiel, puis elle décroche un CDD de 6 mois, suivi d’uncontrat intérimaire de 3 mois et enfin d’un remplacement de congé parental d’unmois. Elle est actuellement en CDD d’un an chez Handicap International. En 9ans, Saïda est passée par tous les stades de la précarité.
Sofien me fait également part de son parcours. Avec une maitrise en économie, il obtient un CDD de 1 an en tant que chargé de mission sur le compte des fonds européens et recherche activement un autre emploi.
Pour beaucoup, cela est évident, ces difficultés sont dues à l’immobilité sociale et à l’absence de réseaux pour la communauté arabo-musulmane ainsi qu’aux discriminations à l’embauche. Ainsi, Saïda déclare : « Les diplômés issus de l’immigration ont cinq fois moins de chances de trouver un emploi stable que les autres. 40% des jeunes diplômés sont au chômage ! ». Lorsque je demande si selon euxon pourrait qualifier l’ascenseur social comme étant assurément en panne, Harem, étudiante en école desavocats et diplômé en droit pénal proteste : « L’ascenseur social n’est pas en panne. Il n’a jamais existé ! »
La création d’un réseau pour les jeunes diplômés endifficulté s’avère donc indispensable selon eux et sera très bénéfique à lacommunauté arabo-musulmane. En effet, beaucoup sont présents pour participer audéveloppement de ce réseau et n’attendent pas forcément d’aide concrète dansleur recherche d’emploi. Sofien l’explique : « Si je suis là,c’est avant tout pour développer le réseau, contribuer à son agrandissement. Je pense vraiment que la clé de la réussite dans le contexte actuel est le réseaurelationnel. Et puis on a tous un réseau et aussi petit soit il, pourquoi pas le partager ?». Pour ce qui de trouver du travail par l’intermédiaire des Dérouilleurs, il déclare : « Cela pourrait m’aider pourquoipas ? Mais à la marge ». Nouredine quand à lui pense que ça pourrait l’aider mais pas dans la branche qu’il souhaiterait. Ainsi, les attentes desmembres du réseau ne sont pas exclusivement centrées sur l’acquisition d’unemploi. Myriam, diplômée d’ingénierie de production et également diplômée deMarketing déclare : « C’est aussi la rencontre d’autrespersonnes qui sont dans la même situation que nous qui nous aide. Cela fait un an que je cherche un emploi et cela m’a rassuré de voir que certains comme Saïda avaient mis deux ans avant d’avoir leur premier emploi. Les espoirs renaissent et l’on se sent moins seuls ».
On tisse également des liens d’amitié. Selon Assia,étudiante en école de notariat : « Ces rencontres m’ont permis de faire la connaissance d’Harem qui est devenue une très bonne copine. Et puis, cela fait plaisir de rencontrer des jeunes issus de quartiers populaires et notamment de la communauté arabo-musulmane qui réussissent. »
Aussi, on peut participer aux soirées des Dérouilleurs mêmesi l’on ne cherche pas d’emploi. Rien ne nous empêche de participer à cette entraide. Harem l’explique : « Lorsque l’on a un certain niveau scolaire, on peut toujours proposer son aide ! Me concernant je propose toute aide juridique, conseil pour des démarches à suivre, etc. »
Cette deuxième rencontre aura permis à Hajar Marzougui d’en connaitre plus sur les attentes des membres du réseau. Ainsi, il en ressort principalement que les membres estiment qu’une rencontre par mois s’avère nécessaire pour le maintien du réseau. De ce fait, trois autres rencontres sont déjà prévues pour les deux mois à venir .
Pour en savoir plus :
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Souhir Abbar