La passion de la scène peut parfois venir de manière étrange. C’est un peu le cas d’Alicia Tambou, comédienne lyonnaise. Entre ses débuts pour faire rire ses amis, ses pertes dans le temps, sa double-culture et son autodérision de la loose, le Lyon Bondy Blog l’a rencontrée.
C’est à l’Industrie Café Comptoir que nous avons retrouvé Alicia, en fin d’après-midi d’un samedi pluvieux. Avec sa valise à la main, la jeune comédienne s’apprêtait à monter sur scène, plus tard dans la soirée. Car oui, Alicia Tambou est un des jeunes talents du stand-up à Lyon. Avec ses imitations, son auto-dérision et son humour efficace, elle a su conquérir le cœur de son public.
Une carrière à l’improviste
C’est au collège qu’Alicia découvre l’univers de l’humour. Elle passe alors beaucoup de temps à imiter ses professeurs. Celle qui ne se définit pas comme une fille très populaire raconte qu’elle faisait uniquement ça pour faire rire sa bande de copains et copines. Jusqu’au jour où une intervenante la prend à part, et lui dit qu’elle peut peut-être «faire quelque chose de ça». Alicia garde alors cette idée dans un coin de sa tête, et continue ses études. C’est au lycée qu’elle se lance dans le théâtre et l’improvisation en amatrice, à la MJC d’Oullins, où elle habite. Au départ, Alicia ne fait ça que pour s’amuser et se détendre après l’intensité des cours « C’est vraiment ça qui a été formateur ». Là-bas, elle testait ses vannes.
C’est il y a plus d’un an et demi que le monde du stand-up s’est ouvert à la jeune comique. Elle s’est fait approcher par un des membres de Graine de Star, un café-théâtre à la recherche de nouveaux talents, pour lui proposer d’intégrer une web-série. Le speech du projet était de produire un script à partir d’improvisation, ce qui lui a tout de suite plu. La web-série n’a pu aboutir, mais Alicia a alors fait part à l’équipe de Graine de Star de son envie d’écrire des sketchs depuis sa jeunesse. Elle se fait alors inviter à une « battle du rire », l’occasion idéale pour s’essayer sur les planches de la scène. C’est une réussite, et Alicia devient résidente au café-théâtre. Elle participe alors au festival « A vous de jouer », qu’elle avait déjà essayé à 17 ans : « J’avais fait la démarche, j’avais testé mais j’étais pas drôle, j’étais jeune ».
Pendant notre rencontre, Alicia se perd alors dans les dates, n’arrivant plus à se resituer dans le temps. Elle s’embrouille, n’arrivant plus à se retrouver entre 2017, 2018 et 2019. Quelques hésitations plus tard, elle s’y retrouve enfin. Ainsi, après avoir remporté le festival, c’est donc en mars 2018 qu’elle se voit alors programmer une date au Graine de Star. Elle y teste son spectacle pendant une heure, et tout se passe bien. Et c’est pour cette année qu’on lui propose de rejouer son show au Nombril du Monde, pour printemps 2020.
Double-culture, deux fois plus de blagues à faire
À côté de sa vie sur scène, il faut bien qu’Alicia travaille. Professeure d’anglais entre 2016 et 2017, elle travaille aujourd’hui dans une mutuelle de l’éducation nationale.
À la maison, l’humour n’a jamais été trop une passion pour le reste de la famille. Les parents d’Alicia n’ont pas réellement servi de cobayes pour ses vannes, même si elle et une de ses sœurs se sont trouvé le défi de trouver de nouvelles blagues à chaque fois qu’elles se voient. Pourtant, l’héritage familial est présent dans l’humour d’Alicia. Ses parents sont originaires d’Inde, bien qu’elle soit née en France. Et toute cette seconde culture, elle la récupère et la retransmet à sa sauce quand elle monte sur scène « Je parle des clichés que les gens ont sur l’origine indienne. Mais j’ai observé que j’avais de vieux clichés sur les Indiens. Quand je suis parti en Inde, ou quand je suis juste sur Internet, je vois que ça a vachement évolué ». Dans son spectacle, elle pose la question de savoir si sa vie aurait été différente si elle était née là-bas. Mais elle est heureuse d’être française, et rigole sur le saucisson et le vin, qui est la parfaite représentation de la France et qu’elle aime tant.
Parmi ses imitations dans son spectacle, Alicia reprend des faits et gestes de gens qu’elle croise, mais aussi différents accents, québécois ou caribéen, mais également l’accent indien. Elle imite et exagère des traits de sa famille, et confronte également sa vie chez sa famille et à l’extérieure. Chez elle, elle et sa mère regardent les drames bollywoodiens surexagérés et haut en couleur, jusqu’à qu’elle doive changer d’univers en passant un coup de fil à un collègue prof, avant de « reswitcher sur un truc indien ». Et là, son cerveau bug : « Tu viens de voir un film pourri avec de gens qui voltigent et après il y a une réunion super sérieuse au travail. C’est vrai que c’est bizarre, c’est un grand écart ». Il lui arrive de réaliser son fort héritage indien avec ses parents, mais en Inde, elle se sent bien plus française. Et jamais elle ne l’a mal vécu. La preuve, elle en rigole et le partage sur scène.
L’humour et la loose
Elle fait aussi des blagues sur elle-même, aimant beaucoup l’autodérision. Elle se joue de sa « loose », en exagérant ses propres faits et gestes, trop bien des fois. Elle mêle dans son spectacle ses origines, mais aussi sa vie sentimentale et professionnelle. Elle parle de cette société basée sur le paraître et la trop grande importance de la réussite sociale, des préjugées autour de ça ou d’elle-même. Plusieurs fois, après ses spectacles, des gens sont venus la voir. Ils lui ont demandé si tout ce qu’elle raconte est vrai, si elle avait vécu tout ça. Alicia leur explique alors que tout n’est qu’amplifié et parodié : c’est de l’humour. Il est arrivé qu’une femme vienne la voir, après qu’Alicia est tournée en autodérision sa propre rondeur « C’est peut-être un peu méchant pour vous? ». Mais comme lui répond Alicia, ce n’est que l’exagération d’un trait. Ici, elle cherche à dénoncer le fait que l’on peut être malveillant avec soi-même, en allant trop loin. Amplifier des propos pour en rire et faire rire, voilà l’art du sketch.
Mélange atypique de l’humour indien et à la française, Alicia Tambou reprend ses racines et les cuisine avec sa culture et son éducation à son goût, et présente un spectacle haut en couleur et très fort en autodérision. La « loose », comme elle le dit, c’est une manière de vivre, pas une source de problème. Une tambouille agréable, à retrouver avec son show « La Pondi Chérie » au Nombril du Monde tous les jeudi, vendredi et samedi soir de Novembre.