Journalisme et précarité : deux mots difficiles à associer. Pourtant, travailler dans le fabuleux monde de la presse n’est pas toujours évident. Bienvenue dans un monde d’hommes pressés et parfois fauchés…
L’habit ne fait pas forcément le moine et travailler dans la presse ne veut pas dire que l’on est journaliste. D’ailleurs, le sujet est un peu tabou dans le milieu. Très peu osent aborder le problème de la précarité dans le monde de la presse. Journaux, télé, radios ou sites Internet : aucun média n’y échappe. Trop souvent, derrière les grands principes de la liberté de la presse, on cache aux yeux du grand public des situations professionnelles parfois très difficiles.
Pigistes, correspondants, auto-entrepreneur : ils sont nombreux dans le monde de la presse écrite. Journaliste en pratique, ces derniers ne sont pourtant pas toujours considérés comme tel. En effet, en France, on définit le journaliste comme étant détenteur de la carte de presse mais, selon certaines estimations, un grand nombre de rédacteurs ne la posséderait pas.
Il aura fallu beaucoup de temps à William (prénom d’emprunt) avant d’obtenir sa carte de presse. « Je suis entré dans la presse à l’âge de 22 ans » explique-t-il. « J’étais correspondant pour un grand quotidien régional. C’était pas mal, j’étais étudiant. Je me suis orienté vers le journalisme. Mais après mon DEA en communication, j’ai pas mal ramé. Je suis devenu pigiste et j’ai dû cumuler les articles. J’ai écrit pour trois titres en même temps. Le travail était stressant et répétitif. Je ne comptais pas mes heures et je réalisais des semaines de plus de 60 heures. Le salaire était mince :près de 900 euros par mois pour mes piges. Le plus dur est de décrocher son premier contrat. Pour y parvenir, je suis parti dans le centre de la France. Aujourd’hui, j’ai 28 ans et je suis journaliste depuis un an. Je suis en CDD et je touche 1400 euros. Ce n’est pas grand chose compte tenu du travail fourni. Les fins de mois sont encore difficiles mais c’est vraiment le métier qui me plait ».
Beaucoup de passion pour exercer le métier mais aussi beaucoup de patience. Les concours qui mènent à la voie royale et aux écoles parisiennes sont difficiles d’accès. Et même si la presse régionale recrute encore un peu plus facilement, le parcours est long, très long. Et les situations difficiles pour les correspondants de presse quotidienne régionale. Parmi eux, beaucoup sont étudiants ou retraités. D’ailleurs, ce n’est pas un métier mais une activité rémunérée. On ne parle pas de salaires mais d’honoraires. Enfin, dans de nombreux titres, tout est fait pour que le nombre de correspondants soit plafonné et que ces derniers ne puissent justifier l’essentiel de leur revenu comme venant de la presse afin de demander la fameuse carte de presse et par la même occasion, une embauche.
Pour ma part, cela fait trois ans que je suis correspondant. Je suis récemment passé pigiste en plus de mon activité pour un autre journal mais je n’arrive toujours pas à pouvoir vivre de ma prose. Rame, rame, rame matelot… La route est encore longue.
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Rochdi Chaabnia