Hôpital Femme-mère-enfant de Bron, le 17 septembre 2010. Service d’Orthogénie. Sous ce mot étrange se cache des hommes, des femmes, voués à la cause de l’interruption volontaire de grossesse. Laura est allée à leur rencontre.
L’HFME de Bron c’est 1304 IVG (interruption volontaire de grossesse) en 2009, et environ 125 par mois en 2010. Chaque jour, des femmes âgées de 12 à 50 ans viennent en consultation dialoguer (toutes les femmes ne décident pas forcément d’interrompre leur grossesse, mais viennent confier leur doutes), ou avorter. Six lits sont en permanence réservés aux patientes, les IVG ne prennent en général qu’une demi journée d’alitement, environ 12 personnes par jour occupent le service. Anne Marie, le chef de service, souligne que les activités ont sensiblement augmenté.
Cette femme travaille depuis plus de 20 ans aux HCL de Lyon ; certains diraient qu’elle est une ‘faiseuse d’anges’, d’autres affirment qu’elle sauve des milliers de femmes de situations abracadabrantesques.
En effet, une bonne partie (environ 70% selon le personnel du service) connaissent mal les moyens de contraception, doivent se cacher pour les prendre, subissent des pressions familiales, ou sont en dépression. Pour certaines, l’IVG est une manière de passer une étape de leur vie, lorsqu’une pression est trop forte dans un foyer, la jeune femme rompt sa vie d’enfant par cet acte, nous confie Claudine, la conseillère conjugale et familiale.
Son métier : créer les conditions propices pour que les personnes (les femmes viennent souvent accompagnées de leurs mari/copain…) se sentent assez libres de décrire la manière dont elles vivent la situation complexe de l’IVG. Cette profession est née en 1975 avec la loi Veil, comprenant une formation d’écoute et des notions de psychologie, Claudine sait se positionner dans le non jugement et tente de résoudre les problèmes familiaux, conjugaux, psychologiques avec les patientes.
C’est une consultation qui est obligatoire pour une mineure, mais qui ne l’est plus depuis quelques années pour une majeure, indice révélateur de la politique de l’Etat à l’égard des hôpitaux publics. La situation est plus complexe que l’ambiance douce et de cocon que l’on décèle dans ce service : en Ile-de-France, des services entiers d’orthogénie (méthode de planification et de régulation des naissance) ont disparu, la place dédiée à ce service dans les hôpitaux s’amenuise,en même temps que les droits des femmes françaises.
A Bron, on n’a pas constaté d’amincissement du budget ou de sacrifice de place. Mais les patientes ont augmenté, et les politiques de préventions tombent en quenouilles. Les causes ? Une IVG sera totalement remboursée par la sécurité sociale, ce qui n’est pas très intéressant pour le gouvernement actuel, qui préfère faire avancer la recherche sur la procréation médicalement assistée.
Selon Myriam, infirmière dans ce service : ‘’Il faut défendre l’acte, et nous savons tout autant qu’il s’agit d’un acte difficile. Nous sommes là pour accompagner les patientes et avoir les orienter s’il le faut vers des structures sociales, des médecins, des psychologues.’’
Et Claudine d’ajouter : ‘’Ici nous ne sommes pas des militantes d’associations de défenses des droits des femmes, mais je considère que le fait de travailler ici est déjà un engagement politique de soutien envers les femmes’’.
Cependant, de nouvelles avancées ont vu le jour ces dernières années : l’implant contraceptif (bande de 7 cm, épaisse d’un milimètre, introduite dans le bras, très discret, il permet une contraception cachée pendant trois ans maximum) et le stérilet (il n’est maintenant plus réservé aux femmes ayant déjà eu des enfants et possède la même discrétion que l’implant).
Donc la France est un pays dans lequel la possibilité d’avorter est exceptionnelle, où les droits des femmes sont bien plus respectés et défendus que dans bien d’autres pays, mais, ces femmes nous le rappellent, il ne s’agit pas d’acquis, en témoigne la lutte des conseillères conjugales pour faire reconnaître leur diplôme comme diplôme d’Etat. Rappelons que les centres IVG de Tenon, Rothschild, Armand Trousseau et Saint-‐Antoine ont fermé en 2009. A eux seuls, ils pratiquaient près de 1 900 opérations par an, soit 15% des 12 400 avortements réalisées par l’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris.
Laura Tangre