C’est avec la liste indépendante « 100 % citoyen » qu’Éric Lafond se présente pour les élections municipales 2020. Centriste libéral, il se présente comme une « boite à outils » de projets afin de « bousculer les vieilles habitudes » politiques. C’est en interview avec le LBB qu’il nous livre plus de détails sur la manière dont ses idées pourraient se mettre en place.
Qu’est-ce que signifie pour vous être indépendant ?
C’est d’abord cette logique de représenter pour un temps. Pour un mandat ou deux. Parce que c’est en ce sens là que de notre point de vue la démocratie doit évoluer. Or on constate que l’on a vraiment du mal à faire émerger une nouvelle génération d’hommes et de femmes pour gouverner.
On en a bien conscience, le fait d’être indépendant est certainement le chemin le plus difficile à suivre. Mais aujourd’hui, c’est celui qui nous paraît le plus nécessaire pour venir bousculer des habitudes qui sont en place et qui sont souvent devenues de mauvaises habitudes.
Pour construire une liste indépendante, à quoi vous êtes-vous confronté ?
Beaucoup de difficultés, on le voit déjà avec le traitement des médias. On a été miraculeusement intégré dès les premiers sondages sur la ville, mais pas sur la métropole. Le traitement médiatique se fait essentiellement sur la notoriété et les étiquettes de parti. C’est un premier obstacle, une sorte de premier plafond de verre qu’il faut franchir. Ensuite, de façon opérationnelle, on n’a pas de petite main.
Aujourd’hui, toutes les grandes familles politiques ont des personnes qui travaillent dans les collectivités et qui travaillent pour les candidatures. C’est vrai pour En Marche, pour la droite, pour la gauche, ils ont tous des collaborateurs qui travaillent pour le parti, donc pour la campagne. Ce qui d’ailleurs, en termes de fonctionnement est très limite sur le plan légal, mais c’est une réalité. Donc ça donne moins de moyens. Et puis, les personnes qui font campagne avec nous sont des gens qui ont une vie professionnelle, et qui font campagne sur leurs temps disponibles.
Préalablement à votre candidature, avez-vous discuté avec le modem, votre parti d’origine ?
J’en viens, mais je considère qu’il n’y a plus grand-chose ici du modem. Des gens en sont encore adhérents dans nos listes, voire dans d’autres partis. Mais je pense que l’enjeu de la campagne dépasse l’adhésion à un parti.
Donc, ceux qui sont dans votre liste, vous ne leur dites pas de rendre leur carte ?
Non, parce que ce que l’on a dit aux gens que ce qui comptait, c’est le projet que l’on portait, et ce que l’on voulait faire passer comme message sur la ville et la métropole. Après peut-être qu’il y a des formations politiques qui nous diront que ce que l’on veut faire ça correspond à ce qu’ils veulent faire, à leurs valeurs, etc. Mais on est aussi dans un environnement où il y a une telle méfiance des formations politiques, des institutions en général et des élus en particulier, qu’il nous parait nécessaire de faire autrement.
Et comment avez-vous désigné vos colistiers ?
On est allé voir des personnes que l’on sait que pour eux la politique a encore du sens, pour qui la politique est encore un levier qui permet de changer la société. Car il y a encore beaucoup de nos concitoyens qui considèrent que tout ça ne sert à rien.
Ensuite, on leur a proposé le projet. En fonction de leur adhésion à celui-ci, on leur a proposé de venir travailler avec nous. Un troisième critère, qui est plus subjectif, nous choisissons des gens qui pour nous seront de bons élus demain car ils partagent ce que l’on attend d’un élu d’aujourd’hui : l’exemplarité, la transparence.
Ce sont ces trois paramètres qui nous amènent à désigner nos colistiers.
Vous parlez d’exemplarité, comment cela s’exprimerait-il selon vous ?
Ce que l’on dit aujourd’hui, c’est que quand l’on est élu, à la ville de Lyon ou à la métropole, quand l’on est par exemple adjoint à la ville, on ne peut pas faire autre chose. Adjoint à la ville de Lyon, qui possède 530.000 habitants, c’est plus qu’un temps plein. Donc on ne peut pas le cumuler avec un autre mandat. C’est un mensonge constitutionnel de laisser penser que l’on peut faire ça.
Aujourd’hui, on a besoin de restaurer de la confiance entre les représentants et les habitants. Il faut que les élus comprennent la nécessité d’être extrêmement transparents, par exemple avec l’utilisation des fonds publics. Il est normal qu’un élu ait des frais de déplacement, de représentation, de déjeuner. Mais ces frais-là, ils doivent être publiés. Le soir même, il faut le mettre en ligne. Donc, il faut avoir des élus demain qui soient particulièrement attentif à cette dimension-là pour refabriquer cette confiance entre la population et la personnelle.
Et dans cette perspective, ce n’est pas difficile de trouver des volontaires ?
Non, et je trouve que ça se comprend bien dans le sens où l’on est dans une époque où l’on entend dire que beaucoup de gens disent que professionnellement ils sont en cherche de sens. Et, cette mission, être au service de la collectivité, ça donne du sens, beaucoup. Peut être qu’effectivement ces gens auront une carrière un peu différente, mais je suis convaincu que dans une carrière professionnelle, un passage par la responsabilité élective est extrêmement enrichissant. Cela permet d’enrichir son réseau et c’est utile professionnellement. Donc on peut repartir après dans la vie professionnelle.
Quel est le profil de vos colistiers ?
Ce sont des gens qui ont une activité professionnelle qui constitue leur quotidien. Ils ne se sont le plus souvent jamais engagés en politique, ou ont été engagés comme simples adhérant d’un parti et qui n’ont, à un moment donné, pas trouvé dans le fonctionnement de ce parti des sources de satisfaction ou la concrétisation des promesses pour lesquels ils étaient venus. Des gens qui étaient aux Modem, chez les écolos, chez LREM par exemple.
Pensez-vous faire des alliances au second tour ?
Nous notre objectif, c’est le projet. En fonction de ceux qui sont bien placés au second tour et qui de ce qu’ils voudront reprendre dans notre projet, avec les hommes et femmes qui pourront le mettre en œuvre, notre partenariat fonctionnera autour de ça.
Pour la ville de Lyon, quels sont les chantiers prioritaires ?
L’école. Je trouve ici que l’école est dans un piteux état. Nous avons eu des informations qui nous disent que construire une classe à Lyon coûte 20 à 30 % de plus qu’à Bordeaux par exemple. Quand on regarde les difficultés avec lesquels les enfants rentrent au collège ou le taux de décrochage à Lyon, on ne fait pas mieux qu’ailleurs. Mais, quand on regarde les moyens qui sont les nôtres, c’est inacceptable.
Ça veut dire qu’on a continué à faire ce qui se fait dans d’autres villes, c’est-à-dire la machinerie classique. Il y a quelque exemple flagrant : comme la cantine scolaire par exemple. Vous savez, à Lyon, on adore les palmarès. Au classement de la cantine scolaire, nous avons la cantine scolaire la plus chère de France. Pourtant, le repas n’est pas bon, les enfants mangent mal, et il y a un peu près un tiers de la nourriture qui est jetée. C’est un gaspillage alimentaire considérable. Ce temps méridien de cantine dure 2 h 15, c’est-à-dire que les enfants reviennent dans un état de surexcitation tout à fait impropre aux cadres de travail des instituteurs. Donc, améliorer le cadre scolaire c’est aussi ça : que la cantine se passe bien, que les enfants mangent bien, qu’elle soit assez courte, et que les enfants puissent reprendre dans de bonnes conditions.
Et concrètement aujourd’hui, on a un périscolaire qui est au mieux un moment sympa, au pire une garderie. Et nous on considère que ce temps-là doit être mis à profit pour enrichir l’horizon des enfants, faire venir dans les écoles les multitudes de talents que l’on a dans le territoire : des scientifiques, des auteurs, des artistes, des gens qui peuvent venir transmettre leur passion, leurs intérêts. Cela permettrait de transmettre aux enfants une culture générale qui l’on sait, fait cruellement défaut, tout en étant gratuit.
Quel est votre discours sur la semaine de quatre jours et demi ?
Nous pensons qu’il faut rester sur la semaine de quatre jours. Ça faisant vingt ans que l’on était dessus sur Lyon, et c’est revenu à quatre, et c’est très bien. Le mercredi quand l’on est passé de quatre jours à quatre jours et demi, ça a mis en difficulté beaucoup de clubs, d’associations.
Dans les médias vous avez dit vouloir « mettre l’écologie au cœur de l’identité de la ville », concrètement comment ça se réaliserait ?
C’est évidemment un sujet transversal, qui va toucher plusieurs compétences de la ville et de la métropole. C’est d’ailleurs plus des compétences de la métropole, que de la ville. Le contexte, il est établi. Nous sommes en période de réchauffement climatique. La contribution d’un territoire urbain, c’est tous faire pour préserver la qualité de vie des habitants, et nous on parle d’une ville tempérée. Pour avoir cette ville tempérée, il faut intervenir sur l’urbanisme et sur les mobilités. Demain, à Lyon, parce que cela sera inscrit sur le PLU, on ne pourra plus construire de bâtiment qui n’auront pas prévu sur la partie haute, voir sur la partie en façade, de la végétation. Et ça, quand on voit les derniers logements qui ont été construits dans le 7ème, ce sont des blocs en béton, bien carrés, bien blancs, mais sans aucune végétalisation. Donc demain, l’immeuble qui se construira devra avoir a minima une toiture végétalisée ou arborée. Là c’est une réglementaire que l’on peut mettre en place.
En parallèle de ça, il faut que l’acteur public assume sa responsabilité et qu’il montre l’exemple pour entraîner après, et cela manque aujourd’hui.
Vous seriez prêt à donner des aides aux propriétaires qui voudraient transformer leur bâtiment ?
Alors, pour les nouveaux, ça serait réglementaire. Ça deviendrait obligatoire. Pour les anciens bâtiments, comme on a un enjeu de densification urbaine à traiter, et que l’on a besoin de créer de nouveaux logements, nous ce que l’on dit c’est que l’on va permettre aux propriétaires ou copropriétaires d’immeuble existant de surélever, d’un niveau au deux, pour créer du logement, en contrepartie de quoi, on les aidera à financer la végétalisation.
Pour compléter le propos sur l’environnement, par rapport à l’école, nous, on dit que les cours d’école doivent devenir des îlots de fraîcheur. Il y a déjà des villes qui ont fait ça : Paris l’a déjà fait. Ça veut dire que vous dé-bitumé la cour de l’école, vous changer le sol, vous avez des arbres et un point d’eau dans la cour. On s’est rendu compte, cet été en juin, que les écoles n’étaient pas du tout en capacité de gérer les canicules. Avant, ce n’était jamais arrivé en juin. Ce n’est pas grave les écoles sont fermées. Mais là les écoles ne sont pas adaptées. Puis il y a un autre aspect qui est intéressant c’est de blanchir les toits des immeubles. New York s’est lancé là-dedans il y a quelques années avec un projet qui s’appelle « cool roof », qui commence à émerger un peu en France. Et ça, on a mesuré à quel point sur le plan thermique c’est efficace, combien ça réduisait la perdition de chaleur l’hiver et isole l’été. C’est nos cours de physique de première.
On a une approche qui consiste à faire en sorte que la préservation du climat s’accompagne de l’amélioration du quotidien. Et je crois que si l’on veut amener les gens sur ces sujets là, même si l’on voit aujourd’hui qu’il y a une prise de conscience avec des intentions de vote écologiste assez forte, beaucoup de gens perçoivent que ces mesures sont encore uniquement coercitives et régressives. On veut convaincre les gens que l’on peut préserver le climat et améliorer le quotidien parce que l’on amène des outils différents. Et c’est important pour nous de cet équilibre-là.