La fête de l’Humanité organisée samedi dernier à Vaulx-en-Velin était l’occasion de faire le point sur la situation du quotidien fondé par Jean Jaurès. Depuis le 7 février il fait face à une procédure de redressement judiciaire . Comment le journal de Jean Jaurès peut-il remonter la pente ?
Depuis le début de la décennie le quotidien communiste l’Humanité a vacillé à plusieurs reprises. En 2013, le président de la République a annulé une dette contractée onze ans plus tôt. En 2010, l’Etat avait déjà déboursé 12 millions d’euros pour racheter le siège social du journal. « Je dirige ce journal depuis 9 ans et je n’ai vécu que dans l’angoisse, le tribunal de commerce c’est nouveau » déclare Patrick le Hyaric, député européen et directeur de la publication. Le groupe de presse a réalisé un chiffre d’affaires de 28 millions d’Euros dont 17 millions sont directement issus des ventes du journal et du magazine hebdomadaire l’Humanité dimanche.
« Le journal comptabilise 62 000 abonnés / lecteurs quotidiens, nous vendons 5600 journaux via les marchands de journaux. Notre magazine hebdomadaire se vend à 3500 exemplaires en kiosque et autant via des vendeurs militants » détaille notre interlocuteur.
A quelle hauteur est subventionné le journal ?
En 2016, le journal a touché un total de 3 399 647€ d’aides directes de l’Etat. Avec les autres aides le montant s’élevait à 3 689 447€ soit la deuxième plus importante derrière La Croix. Les derniers chiffres disponible sont ceux pour l’année 2017. Les aides directes et indirectes accordées au journal s’élèvent à 4 191 650€. Des sommes auxquelles il faut ajouter les cagnottes de solidarités lancées auprès des lecteurs et militants du PCF. Depuis l’annonce du placement en redressement judiciaire 1,5 million d’euros a été récolté et 2,5 millions depuis novembre. « C’est de la trésorerie mais nous cherchons à faire des économies pour atteindre l’équilibre d’exploitation. »
La question du modèle économique de la presse
C’est justement le montant de ces subventions qui cristallise les reproches de Patick le Hyaric : « Nous devons augmenter nos recettes de ventes et d’abonnements ainsi que nos publicités. Ensuite nous demandons publiquement à l’Etat de revenir sur les 1,5 m€ qu’ils nous ont supprimés fin 2009. » « Ce sont des sommes qui ne sont pas contraires au modèle de la presse qui est celui de la pluralité. On veut nous imposer un modèle comptable. Il n’existe pas dans les industries culturelles particulières comme le théâtre ou la presse. Même comme cela la presse est trop chère pour certains ». « Nous devons défendre ce modèle de la presse assise en partie sur l’aide publique. L’aide globale à la presse c’est 250 millions, ce n’est rien ».
Il rappelle qu’en 1944, le conseil national de la résistance a fait inscrire dans la constitution que l’Etat est garant du pluralisme de la presse. « La presse n’est pas un marché car cela reviendrait à remettre dans les mains de 3-4 opérateurs. Ils ne diffuseront pas les informations qui iraient dans le sens des travailleurs. » Pour terminer l’entretien il pose une question vitale : « Le jour où nous aurons la même information partout quelqu’un pourra-t-il chiffrer le coût du non-accès à la culture ? ».