Episode I Kamel et Rafika sont allés à la nécropole de la Doua à Villeurbanne afin de commémorer la victoire. De nombreuses tombes de soldats tombés au front de résistants y sont présentes, autant de Français que de Nord-africains morts pour la France.
« J’ai fouiné, j’ai visité les cimetières de Saint-Fons, Sainte-Foy-les-Lyon, La Mulatière, Saint-Genis-Laval… . Des cimetières il y en a partout. Tout le monde passe devant mais personne ne s’arrête ! ».
Depuis plusieurs années déjà, Kamel Moueleff est à la recherche d’un passé oublié, celui des anciens combattants africains morts pour la France et plus précisément algériens du fait de leur nombre très important. Les histoires individuelles occultées de la mémoire collective sont très nombreuses. « On me traite de sale bougnoule mais j’ai des ancêtres qui ont versé leur sang pour la France ! » (voir Indigènes les exclus de l’histoire).
Le Lyon Bondy Blog a pris la décision de plonger dans ce passé encore brumeux et de recenser les lieux, les histoires, les évènements qui ont fait l’histoire de France, des premiers tirailleurs algériens engagés dans la bataille de San Lorenzo au Mexique en 1863, où le 1er régiment de tirailleurs algériens (RTA) recevait une légion d’honneur pour son courage au combat, mais pas seulement.
Nous nous sommes rendus, Kamel et moi, à la Nécropole de la Doua à Villeurbanne afin de commémorer le 8 mai. C’était une première pour moi. Je n’ai jamais commémoré la mémoire des anciens combattants car je n’avais pas d’ancêtre mort pour la France, enfin c’est ce que je pensais. Quand nous arrivons, il n’y a encore personne. Kamel sait que des amis vont venir, comme chaque année.
Nous en profitons pour faire le tour des tombes, en particulier celles des combattants nord-africains. Il y en a plusieurs centaines. Nous trouvons d’ailleurs quatre stèles qui portent le sigle FFI, ce qui signifie Forces françaises de l’intérieur, en clair les résistants (voir photo). Il n’y avait donc pas uniquement des Jean Moulin et des Lucie Aubrac qui résistaient à l’occupation allemande mais également des Kerouni Mohamed ou encore Amar Ben Messaoud.
Les amis de Kamel arrivent et je suis surprise de voir qu’il y a deux enfants portant un grand bouquet de fleurs. Delphine Baya me dit que les années précédentes, les gens étaient plus nombreux : « On vient ici chaque année depuis 2004. Avant, on louait des cars et on faisait un repas mais cela nous revenait très cher. Faute de subvention nous sommes moins nombreux ».
Cette femme qui travaille également au sein de l’Amaf (Amis de l’Afrique francophone) est une habituée des commémorations : « Le problème, c’est que les gens oublient, c’est pour ça que j’emmène avec moi des jeunes comme Prescilla, son père est Algérien et elle est fière de sa double culture, elle a dix ans et vient avec nous depuis 2007 ».
Chacun dit un mot pour célébrer la mémoire des morts : « Des soldats qui ont fait le voyage jusqu’ici parfois contraints mais aussi volontaires. Certains se donnent aujourd’hui le droit de profaner les tombes de ceux morts pour la France. (En référence aux profanations de tombes muslmanes à Tarascon ces derniers jours). Un peuple qui ne connait pas son passé n’a pas d’avenir. Ce passé est sous nos pieds, en terre de France. L’identité nationale s’est forgée par le brassage de populations qui ont aimé cette terre de France, d’hommes et de femmes venus d’horizons divers » s’exclame Eléazar Bafounta, élu de Vénissieux.
Elhay Alisaïd, 15 ans, récite une prière en arabe pour les combattants musulmans. Ensuite, c’est au tour d’un membre de l’association Pajec (Partenaire des associations jeunesse éducative du Congo) de dire une prière chrétienne.
Je vois des Français et des musulmans, des Africains enterrés dans un même lieu et morts pour une même cause : la liberté. Je n’arrive pas à comprendre cette amnésie de l’histoire. Quand Kamel m’a raconté l’histoire de son arrière-grand-père, j’ai eu envie moi aussi de rechercher mes aïeuls morts pour la France.
Sur un site internet, Mémoires des hommes du ministère de la défense, j’ai trouvé sept ancêtres morts pour la France dont cinq durant la 1ere Guerre mondiale. J’ai aussi découvert que l’un d’entre eux est enterré à Jonchery-sur-Suippe dans la Marne. Je ne crois pas que quelqu’un se soit recueilli sur sa tombe mais je le ferai un jour.
Ce que je crois en tout cas c’est qu’il est primordial d’aller à la recherche de ce passé oublié. Chacun dans son coin ou alors tous ensemble car peut-être que vous aussi, enfants de l’immigration, vous avez des arrières grand-parents enterrés quelque part qui vous attendent. J’ajouterai enfin pour tous les Eric Zemmour de France, nous sommes Français non pas parce que nous sommes nés en France ou que nous avons la carte d’identité française. Nous sommes Français car nous avons des ancêtres morts pour la France et qui ont reconstruit la France.
Auteurs : Rafika Bendermel et Kamel Mouellef
Pour plus d’informations :
Mémoires des hommes
FranceGenWeb