[Dossier spécial sur la Marche de 1983]. Farid L’Haoua, porte-parole de la Marche pour l’égalité et contre le racisme était présent pour la projection du film documentaire « Douce France » de Mognis H. Abdallah à la MJC Montlaisir. Il était accompagné de Jean Costil, de la députée européenne Malika Benarab-Attou et de l’écrivain Michael Augustin. Confessions et prise de recul…
Trente ans après, quel constat peut-on tirer de cette aventure ?
C’est quelque chose d’inachevé qui ramène à la politique de la ville. En 1991, lorsqu’elle a été restaurée, on a pensé habitat et droits sociaux mais pas à l’aspect humain et donc aux gens. Trente ans après, les choses se sont complexifiées. On n’est pas arrivé à une vraie reconnaissance. On ne cesse de nous dénigrer sous nos origines, nos valeurs culturelles, notre préférentiel religieux – tel que l’islam – et dans lesquelles on nous remet en cause.
Dans les photos que vous exposez à la MJC de Montplaisir, une certaine magie émane du regard de tous ces jeunes marcheurs…
C’est vrai qu’il y a de la beauté mais aussi de la tristesse ou de la joie. Et c’est ce que j’ai voulu montrer avec les clichés en les rééditant et en essayant d’en faire un album souvenir légendé pour honorer la mémoire des familles des marcheurs qui ont participé à cette histoire. On ressent ainsi cette espérance, ce cri à la vie. Cela me fait penser à la chanson d’Edith Piaf « Hymne à la vie ».
Selon vous, qu’est ce qu’a apporté la Marche?
Quand je vois les jeunes qui se sont exprimés dans le film ou au débat de ce soir, je suis toujours dans l’espérance. Celle de l’humain. Même s’il faut parler des choses qui ne sont pas visibles telles que la discrimination, l’indifférence. Nous sommes tous différents avec nos appartenances, nos ruptures, nos douleurs ou nos joies mais nous sommes français de plein pieds. C’est ce qui fait que nous sommes ensemble !
Avant, c’était si difficile à dire pour la seconde génération de fils d’immigrés, travailleurs colonisés de surcroît qui ont traversé une mer pour subir tant de choses horribles telles que le racisme. Et donc le déni de la différence culturelle religieuse ou physique…
Le Front national est un parti raciste qui profite du droit commun, de nos impôts et de la Représentation nationale. Cela s’étend jusqu’à l’Europe avec l’exemple de la Grèce ou de l’Autriche où l’on voit des mouvements nationalistes et des messages très dangereux. Il y a de grosses similitudes entre ce que nous avons vécu en 1983 et aujourd’hui mais se sont tous les français qui sont en difficulté !
« Une reconnaissance non acquise »
Concrètement, en tant qu’ancien acteur et aujourd’hui témoin, quel est votre rôle ?
On se doit de rouvrir nos albums pour réanimer la flamme et ainsi revisiter notre mémoire pour en faire une histoire de famille. Il faut en reparler avec nos enfants et nos amis. Le lendemain de la Marche a été occulté. Certes, il y a eu les assises de l’immigration mais François Mitterrand et les socialistes se sont réappropriés le mouvement pour entrer dans une période de dispersion.
Il n’y a pas besoin d’attendre le centenaire, il faut le faire maintenant car se sont nos jeunes qui en auront besoin pour aller plus loin que ce que nous avons réussi à faire à l’époque avec le peu de moyens à notre portée.
Avez-vous refait le fameux parcours ?
J’ai 55 ans et je ne suis pas un grand nostalgique. J’ai surtout travaillé à mes ruptures et mes résiliences car ce sont celles qui font grandir. J’ai entretenu ma mémoire, rangé mes photos dans un classeur tout en préservant des traces, même des cartons entiers (rires). Certains sont malheureusement partis à la poubelle à cause des déménagements…
Votre histoire de militant a-t-elle été une marche continuelle?
Je n’ai fait que rejoindre la Marche fin octobre 1983 à Valence sans jamais la quitter. Il faut savoir que je n’ai jamais habité aux Minguettes, je suis Viennois d’origine. C’est après la marche que je me suis installé à Lyon où j’ai passé mon diplôme d’animateur professionnel et où j’ai travaillé à Rilleux-la-Pape. J’ai siégé dans d’autres fondations comme la CIMADE. Après une rupture en 1989, je suis revenu comme permanent au sein du parti des verts qui était l’un des rares qui faisait une place aux jeunes de la diversité.
Est-on marcheur pour toujours ?
Non, ça ne nous colle pas vraiment à la peau. Il y a pourtant eu des piqûres de rappel comme pour les dix ans où le terrorisme arrivait en France avec la guerre civile en Algérie et Khaled Kelkal ( un terroriste algérien impliqué dans la vague d’attentats en France à l’été 1995,ndrl) à Vaulx-en-Velin. J’étais allé sur le plateau des Minguettes pour lancer des messages et prévenir les politiques et les intellectuels. J’ai gardé des contacts avec Djamel Attalah ou Toumi Djaïdja. Je suis revenu à Vénissieux dans le cadre de mes activités,
Qui sont les marcheurs? |
Au départ de la Marche à Marseille, on trouvait Farid Arar, Djamel Atallah, Toumi Djaïdja, Patrick Henry,Farid Lahzar, Brahim Rezagza, Farouk Sekkai, Toufik Kabouya, Kheira Rahmani, Abdessatar, dit « Amstar » – originaires des Minguettes – et notamment le pasteur Jean Costil, les prêtres catholiques Christian Delorme et René Pelletier, Fatima Mehallel, Marie-Laure Mahe, Didier Platon,… cfListe des « Marcheuses et Marcheurs permanents » |
dans une démarche de réseautage ou de conseil, notamment car il y a de plus en plus de sociologues et d’étudiants qui se penchent sur l’histoire. intellectuels en disant : « Attention, la société française est en train de glisser vers un modèle anglo-saxon. ». L’important est d’éviter cet aspect communautariste et le principe des réserves indiennes.
« Il ne faut pas attendre le centenaire pour en parler »
Que pensez vous du film « La Marche » de Nabil Ben Yadir ?
Le film est une pure fiction adapté d’un scénario écrit à travers des entretiens avec Christian Delorme ou Toumi Djaïdja et revisité par l’équipe de la production du film. L’oeuvre a un style scénographique qui retrace bien le contexte et l’ambiance de la Marche car ce n’a pas été une aventure humaine initiée par hasard. Elle était très structurée et suivie. Il y a un contexte qui est celui du mouvement anti-raciste et des associations de soutiens très actives. Il y a tous les ingrédients pour que la mayonnaise prenne sauf le sel et le poivre ce qui permettrait à la Marche de sortir de son cheminement militant. C’est à dire le romanesque, l’humour ou l’aspect politique. Tout est merveilleux au fil des villes traversées puis vient le prix du sang, l’assassinat Habib Grimzi défenestré du train Bordeaux-Vintimille. (Un touriste algérien assassiné par des candidats à l’engagement à la Légion étrangère, pour motif raciste, ndrl.) Sa mort jette un tel pavé dans la mare que les politiques ne peuvent plus être à l’écart : ils veulent leur part ! Elle ouvre des portes mais suscite une tension de plus en plus importante avec les menaces de mort et les agressions…
Le film a–t-il un potentiel selon vous ?
Oui, le film a un potentiel pour susciter le débat dans les familles. S’il va au moins dans ce sens, ça peut le faire. Le film pourrait être une réussite. Il y a du débat mais c’est un film de transgression qui casse les codes et les questions de l’époque : l’homosexualité, les harkis…
la similitude, c’est les socialistes qui vous instrumentalisent !! ouvrez les yeux ! ce type est encore un mec qui va toucher de la tune a rien branler et voter ps en 2017.apres, il crevera de faim.