Concernant l’inclusion numérique, les Espaces Publics Numériques (EPN) ont été les pionniers dans le domaine. À Lyon, nous en avons rencontré deux : l’EPN des Rancy et « Cyberbase » de Bron. À l’heure de la digitalisation massive de nos activités, offrir à tous, la capacité d’être autonomes avec les outils numériques est essentiel pour ces associations.
Le but des EPN est simple : assurer à tout le monde un accès à la culture numérique pour développer des compétences et un esprit critique sur le sujet. C’est ce qu’on appelle la littératie numérique, comme vu dans notre précédent article sur la thématique. Les EPN sont des lieux où l’on peut avoir accès à du matériel et participer à des ateliers. Le plus souvent, ils relèvent d’initiatives liées à des collectivités territoriales. Jusqu’en 2018, avant le plan national pour l’inclusion numérique, les politiques nationales sur le sujet n’existaient pas. Encore aujourd’hui, beaucoup des initiatives que peuvent prendre les EPN sont liées à l’importance que leur donnent les collectivités. Sur la métropole de Lyon, il en existe près d’une vingtaine.
Nous avons rencontré Sandrine, coordinatrice de projet à l’EPN de Rancy ainsi que Caroline, médiatrice numérique à Cyberbase. Elles racontent leurs actions, et la philosophie de leurs projets à l’heure où la place du numérique et les inégalités grandissent dans la société.
Une philosophie de la collaboration et de l’émancipation
La littératie numérique, concrètement, comment se met-elle en place ? La littératie est basée sur trois compétences : utilitariste, compréhensive et créative. Il faut acquérir un savoir-faire, une culture numérique et un recul critique, afin de les utiliser pour créer du contenu et devenir acteur de la société. En pratique, cela est mis en place à travers des ateliers d’accompagnement ou encore d’événements comme les Journées du logiciel libre qui se déroulent à la MJC Maison pour tous/Salle des Rancy.
Dans leur pédagogie, une des pierres angulaires des ateliers est la pratique collaborative. Par exemple, à l’EPN de Rancy, les ateliers « Cyber seniors » sont des moments d’entraide et de partage de connaissance. Chacun des participants vient avec son appareil et discute ensemble des problèmes rencontrés, explique Sandrine. À Cyberbase, l’atelier « Réalise ton film » a permis à des enfants et adolescents de s’initier aux trucages vidéo. Ensemble, ils ont créé leur propre vidéo au format de la plateforme YouTube sur le thème du « paranormal ». Pour Caroline, par la création, cela donne un « moyen de montrer que ce qui est produit sur internet, peut-être construit, théâtralisé. En donnant à voir les mécaniques, petit à petit, les enfants prennent de la distance et voient les choses différemment ». Pour elle, la pratique en collaboration « n’est pas innée », elle se transmet en tant que médiateur numérique dans l’intention pédagogique.
D’autre part, pour ces deux associations, la relation entre compréhension et émancipation est une seconde philosophie centrale. « Par exemple, quand on fait un atelier d’appropriation numérique, on va apprendre à maîtriser des compétences de bases sur tous les supports. Ce n’est pas comme un tutoriel qui est un ensemble de procédures, ce qui est différent de la compréhension. En plus de cela, si je fais un atelier numérique, je vais parler des différents systèmes d’exploitation qui existent, du concept de “libre”, je vais éclairer les personnes sur les alternatives qui existent. Je leur donne simplement l’information. Sauf que si tu n’es pas informé, tu ne peux pas choisir. Et notre rôle d’émancipation du citoyen, c’est d’avoir la capacité de recul et de choix. », indique Caroline.
« On voulait rouvrir vite, sinon notre travail perdait son sens »
La crise sanitaire a accentué les inégalités dues à la digitalisation du quotidien, ce qui n’a pas facilité le travail pour les associations. Les activités en présentiel ont été suspendues compte tenu des décrets de l’État pour endiguer la pandémie. Face à cela, organiser des ateliers pour les débutants et les aider dans le quotidien s’est avérés très difficiles, voire impossibles. « Les cours du débutant n’ont pas été maintenus », confie Sandrine. Même son de cloche pour Caroline où des accompagnements par téléphone ont essayé d’être mis en place, ce qui est « juste impossible » selon elle. Depuis le mois de mai, les pratiques en présentiel ont pu redémarrer, ce qui est « essentiel » dans leur démarche.
Auteur : Lucas Sadowski