Il y a deux grandes catégories d’étudiants au sein de l’université Lyon II : les étudiants dont les cours ont lieu sur le site des quais du Rhône et les autres. Les autres, pour la plupart, doivent se déplacer jusqu’au campus Porte des Alpes. C’est dans les années 1970 qu’a été prise la décision de délocaliser une partie de l’université à Bron, ville à la périphérie de Lyon, sur le site Porte des Alpes non loin de l’autoroute A43.
L’originalité de ce campus réside en deux points : son architecture improbable et son isolement géographique par rapport au centre-ville de Lyon. Comptez trente à quarante cinq minutes pour vous rendre à l’université en transports en commun si vous habitez dans le centre. Jusque là vous me direz, rien de particulièrement cauchemardesque dans mon récit…
Mais voilà, dans la pratique -il faut se rendre à l’évidence- les choses se compliquent. En effet, mis à part les étudiants qui représentent une portion écrasante des utilisateurs de la ligne T2 aux heures de pointe, il faut compter les actifs qui travaillent dans la zone commerciale Porte des Alpes à deux pas du campus et tous les autres utilisateurs occasionnels ou non qui se demandent très certainement et à juste titre pourquoi cette ligne est toujours aussi bondée.
Petite mise en situation :
Après avoir vu les portes du tramway se refermer sous votre nez rougi par le froid alors que vous vous étiez bien faufilé parmi les sacs à dos, poussettes et diverses formes humaines, vous n’avez plus qu’à attendre le suivant. Certains ont dégainé leurs baladeurs pour tuer le temps, d’autres les journaux gratuits fraichement distribués. Vous, vous n’avez rien prévu. Il y a bien un livre qui traîne au fond de votre sac mais vous n’avez jamais vraiment compris ceux qui lisent des monuments de la littérature dans les transports en commun. Vous avez pourtant essayé mais la concentration vous fait défaut dans ces moments là. Finalement vous regardez vos semblables plongés dans la même galère que vous de si bon matin.
Un nouveau tram se fait entendre et arrive bientôt sous vos yeux. Cette fois vous ne vous êtes pas fait avoir : vous vous êtes placé sur l’un des spots lumineux qui indique l’endroit où s’ouvrent les portes. A peine ouvertes, une cohorte s’échappe pour en laisser entrer une autre. Vous en serez cette fois, c’est sur ! Vous faites un pas et déjà on vous pousse, vous demande pardon, soupire d’exaspération dans le creux de votre oreille…
Quelle chaleur là dedans ! Ceux qui vous entourent sont sur les nerfs. Cette tension est contagieuse et devient vite générale à mesure que le tram avance et s’emplit. Alors que vous êtes littéralement pris en sandwich entre la machine à composter et les fesses de votre voisine, une jolie sonnerie retentit.
Vous êtes en retard et craignez l’annonce qui ruinerait définitivement votre journée. « Mesdames, Messieurs, suite à un incident survenu à St Priest, ce tram effectuera son terminus à Porte des Alpes. Merci de bien vouloir nous en excuser.» Ouf, vous échappez pour cette fois à l’injustice des perturbations du trafic. Vous vous arrêtez à Europe Université, Porte des Alpes est l’arrêt qui vient juste après le votre.
Néanmoins, cette annonce vous rappelle votre condition précaire. Vous êtes entièrement dépendant du bon vouloir des transports en commun. Même si vous y mettez la meilleure volonté du monde vous ne serez jamais à l’abri d’un retard, parce que pour vous la ligne T2 est celle de toutes les galères !
Un jour, vous en avez même ri : la ligne de tram était perturbée en raison des feuilles d’arbres qui étaient trop abondamment tombées pendant la journée. C’était le bouquet ! Vous n’auriez jamais cru à un tel concours de circonstances si vous ne l’aviez pas vécu en direct… pourtant vous en avez connu des problèmes avec cette ligne de tramway. Il y a eu ces conflits sociaux au sein de l’entreprise TCL, les fâcheuses conditions climatiques ou encore ces révoltes étudiantes et lycéennes qui engendraient systématiquement des retards ou des interruptions de service.
Pour trouver un autre moyen d’atteindre la fac, vous avez consulté le site des transports en commun lyonnais dans un élan désespéré. Tout ce que vous y avez trouvé sont quelques lignes de bus qui ne feraient que rallonger le temps de parcours entre votre domicile et l’université ou compliqueraient considérablement votre organisation.
Vous avez également songé à l’achat d’un vélo mais (décidément ! ) les vols ou dépeçages de ceux-ci sont très répandus. De plus, vous vous voyez mal frimer le matin en arrivant en vélo pour repartir le soir en tram parce que votre deux roues aura été transformé en monocycle.
Pour la voiture, c’est mort : vous n’en avez pas et n’avez pas les moyens de vous payer le luxe d’en acheter une !
Perdu dans vos pensées vous avez réussi à oublier pendant un temps l’inconfort dans lequel les fesses de votre voisine vous ont plongé ces vingt dernières minutes. Vous sortez du tram éprouvé mais soulagé. Il vous arrive parfois de penser que dans d’autres villes comme Paris c’est une norme que de voir les bus, métros et trams bondés et que vous devriez vous y faire. Mais il y a toujours en vous cette petite voix qui résonne et vous pousse à exprimer votre ras-le-bol quand vous en avez l’occasion.
Pour le moment, le destin de nombreux usagers réguliers de la ligne T2 est la « sardinisation » forcée et répétée matin et soir.
Quelle solution envisager pour rendre le sourire aux utilisateurs ? On pense souvent à l’augmentation de la fréquence de passage des tramways aux heures les plus critiques. Pourquoi ne pas allez plus loin ?
Actuellement, dans le Grand Lyon, un plan pour relier les campus isolés est à l’étude. Mais encore une fois les premiers à en bénéficier ne seront pas les étudiants de Bron. En effet, le rallongement de la ligne T4 qui passera désormais près de la Manufacture des Tabacs et la Doua (qui offrira donc un mode de transport supplémentaire pour les étudiants des universités Lyon I et Lyon III) est le projet dont les applications concrètes devraient être visibles le plus rapidement.
Amandine Fournier