Danièle Obono, autrefois militante antiraciste et au Nouveau Parti Anticapitaliste, Députée France Insoumise de la 17ème circonscription de Paris, était invitée ce Vendredi 22 juin à Vénissieux, par Idir Boumertit, adjoint de Michèle Picard. Sympathisant·e·s, membres du parti,militant·e·s de la France Insoumise ou curieux.ses, ils étaient environ 80 à échanger sur des thèmes variés, mais dans l’ensemble très critiques et amers à l’égard du gouvernement Macron. Ce fut l’occasion pour le Lyon Bondy Blog de revenir sur la première année de députation de Mme Obono, et des actions menées par le groupe France Insoumise chargé de voter et de proposer des lois à l’Assemblée Nationale.
Dans un groupe aussi restreint de 17 députés sur 577, avez-vous réussi à remporter des victoires et selon vous ? Et si oui, quelles sont-elles?
« Je pense que la principale victoire qu’on a, c’est qu’on existe politiquement. À 17 députés, on représente la principale opposition : c’est une victoire politique dans un rapport de force idéologique. Ce qui est intéressant, c’est qu’Emmanuel Macron n’a même pas besoin de passer en force ses lois parce qu’il a une majorité suffisante, et pourtant il utilise des ordonnances, ce qui est une méthode brutale institutionnellement. »
« La principale victoire qu’on a, c’est qu’on existe politiquement »
Mais le fait d’être dans un système qui ne laisse que peu de place à l’opposition -puisque vous n’arrivez pas à modifier les lois qui sont votées- cela n’est-il pas une façon de légitimer le gouvernement ?
« Non je ne crois pas, d’ailleurs on n’a jamais eu l’idée que le changement venait seulement des institutions : c’est pour ça qu’on est aussi dans les mobilisations sociales, au point d’être accusé d’être la main invisible derrière toutes les revendications sociales… On pense que c’est le lien entre ce qui se passe à l’intérieur mais aussi à l’extérieur qui fait un rapport de force plus global. Ce qu’on essaye de faire en tant que député, c’est avoir un pied dans l’institution. Et je pense que le gouvernement ne s’attendait pas à ce qu’on porte autant le fer, qu’on les mette devant leurs contradictions, qu’on les affiche publiquement etc. D’ailleurs ils n’imaginaient pas qu’il y avait quoi que ce soit en dehors de Jean-Luc Mélenchon. Et dès le début, on a martelé que Macron était le Président des riches et cette étiquette-là, aujourd’hui, il a du mal à s’en débarrasser. Je pense qu’on est premier opposant et premier proposant. »
Vous aviez déclaré lors d’un entretien qui a suivi votre élection, pour la revue Ballast, qu’il fallait toujours être dans le mouvement de masse. Avez-vous toujours cette conviction aujourd’hui?
« Oui , plus que jamais! Entre la bataille qu’on a menée pendant la loi travail, et celle sur les cheminots, ça n’a rien à voir. Le mouvement qu’on a réussi à structurer, et les mobilisations qui ont eu lieu les 5 et 26 mai sont cruciales. »
Que pensez-vous du taux d’abstention dans les quartiers populaires, et du fait que les propositions politiques de la France Insoumise (renouveler la constitution pour une 6ème République) sont finalement assez éloignées des attentes politiques qui sont celles portées par les mouvements de luttes contre les violences policières, comme le collectif Justice pour Adama ? Que pensez-vous du manque de positionnement de la France Insoumise à l’égard de cette problématique, pourtant très importante pour la politisation de la jeunesse des quartiers populaires?
« On a une stratégie qui ne prend pas que le prisme des violences policières, c’est vrai : on vise l’auto-organisation, et on a développé les formes de mobilisations communautaires. On essaye de se mobiliser aux cotés des habitants sur les luttes quotidiennes, comme celles des logements.
Par ailleurs , on fait une proposition de loi pour la mise en place du récépissé lors du contrôle des pièces d’identité. On bosse avec Ugo Bernalicis et Éric Coquerel. On a 5 députés du 93 qui ont commencé ce travail de terrain, donc ce n’est pas l’axe le plus médiatisé , mais sur les problèmes d’abstention, on revient de loin … On traîne un passif de la gauche, donc on commence humblement sans prétendre arriver avec les solutions. Mais on avance, on a fait deux livrets thématiques sur la lutte contre le racisme, et on aborde les violences policières. Par ailleurs, on n‘arrête pas de se faire traiter « d’anti-flics » à l’Assemblée Nationale parce qu’on rappelle ce que font subir des policiers aux migrants, aux habitants des quartiers… »
« On n‘arrête pas de se faire traiter « d’anti-flics » à l’Assemblée Nationale parce qu’on rappelle ce que font subir des policiers aux migrants, aux habitants des quartiers… »
N’est-ce pas à cause de cette peur d’être qualifié d’anti-flics que lors de la manifestation du 5 mai, alors que des luttes sectorielles comme celles de la SNCF pouvaient être représentées, le collectif Justice pour Adama n’a pas pu intervenir?
« À mon avis c’est plus une question de cadre et d’organisation. Mais après, ce n’est pas nous qui allons effacer tout le passé qui existe, on est aussi issu·e·s de ces gauches-là qui ont râté quelque chose et ne comprennent pas toujours toutes les problématiques. Parce que pour une bonne partie, elles ne sont pas issues des classes populaires, ni des quartiers populaires…. Je ne vais pas nous exonérer, mais on n’est pas les seuls à être confrontés à cette question qui traverse différents syndicats et associations. Et on sera présent le 21 juillet [à l’invitation du collectif Justice pour Adama, pour commémorer la mort d’Adama Traoré], et on était déjà présents l’année dernière.
Mais oui, on a du boulot à faire pour regagner la confiance de militants, de collectifs et d’habitants qui ont été trahis, instrumentalisés… »
Melina Boughedir, qui était partie en Syrie et en Irak rejoindre l’état islamique avec son mari et ses enfants a été condamnée à 7 mois de prison en première instance en Irak. Selon vous, comment la France va-t-elle faire pour accueillir le retour des djihadistes ?
« On prépare une tribune sur la question dite de la radicalisation, parce qu’on doit prendre nos responsabilités là-dessus. Déjà, il y a la question des enfants, des adolescents, des jeunes mineurs et des adultes: c’est une question de société, reliée aux multiples facteurs qui font qu’à un moment donné, des citoyens se retrouvent à mener une guerre, et on a commencé à faire un travail pour dire que voilà, il faut faire de la recherche, comprendre ces mécanismes et faire un travail de réinsertion. C’est compliqué, mais le problème sur la question de la lutte contre les actes de terrorisme, c’est qu’il est très difficile d’avoir une discussion raisonnée. Et au bout d’un moment, en tant que société, il faut se poser la question de savoir pourquoi ces phénomènes existent dans notre société. C’est pas simple mais il y a des gens qui travaillent là-dessus et en ce moment il y a une orientation très répressive, avec toute une doctrine qui s’est construite autour de la lutte contre le terrorisme. Et on sait que c’est multi-factoriel, donc si on s’attaque à l’ensemble des facteurs, il faut le faire de façon globale : il faut plus de société, plus de République, plus de services publics et de collectifs pour éviter que des gens à un moment donné ne soient complètement désocialisés, ou au contraire socialisés dans des dynamiques mortifères qui les amènent à commettre cela.
Et puis on pense aussi qu’on ne peut pas mettre des gens en prison toute leur vie : il faut respecter des droits humains, et c’est tout un débat sur la prison, sur la réinsertion. »
Vous pouvez suivre l’activité parlementaire de Danièle Obono sur le site indépendant et participatif nosdéputés.fr