Selon le rapport du Conseil lyonnais pour le respect des droits, la procédure de comparution immédiate a abouti au prononcé de peines plus lourdes. Alors, justice rapide ou bâclée ?
Dans son rapport rendu en mars 2008, le Conseil lyonnais, l’instance d’observation et de vigilance au respect des droits, relève que sur les 500 affaires traitées en comparution immédiate par le tribunal de Lyon en 2007, 331 (66 %) ont donné lieu à une peine de prison ferme dont 209 affaires assorties d’un mandat de dépôt ou d’un maintien en détention. Ces chiffres prennent tout leur sens à la lumière d’autres chiffres : « Le pourcentage d’inculpés que la comparution immédiate envoie en détention, assortie d’un mandat de dépôt (entre 40 et 50 %) est presque deux fois plus élevé que le pourcentage de dossiers que l’ensemble de la justice correctionnelle française envoie en détention (entre 20 et 25 %) avec ou sans mandat de dépôt. »
Le mandat de dépôt est l’ordre donné par le juge à un établissement pénitentiaire de recevoir immédiatement le prévenu. Or, d’après la coordinatrice du rapport « le mandat de dépôt est la règle pour la comparution immédiate alors qu’il est rarissime en correctionnelle ».
Rappelons que l’objectif de la comparution immédiate est de rendre une justice au plus près des faits : « La comparution immédiate répond à la volonté d’une réponse effective, visible et rapide pour des affaires simples mais déjà graves. » Elle permet au procureur de faire comparaître le prévenu, souvent à la suite d’une garde à vue, sinon dans un délai de quelques jours et n’est possible que pour les affaires dont les preuves sont jugées suffisantes par ce même procureur. Il en résulte alors que « l’orientation d’un dossier préalablement choisie par le parquet – le procureur – est déterminante dans la spirale arrestation-garde à vue- comparution immédiate-mandat de dépôt ». Du coup, « le moment du procès, où en théorie tout doit se jouer, révèle en pratique peu de surprise », analyse le rapport.
29 minutes est la durée moyenne d’un procès en application d’une telle procédure : « certaines plaidoiries n’ont duré qu’une minute » et « 5 dossiers ont été traités en 5 minutes ». Justice rapide et/ou justice bâclée ? Une chose est sûre, les droits de la défense sont mis à mal, et la rapidité est telle que l’on peut se demander si la personne a pu pleinement réaliser ce qui lui arrivait et les risques encourus. « 86 % des prévenus comparaissent alors qu’ils sont détenus dans les locaux du Palais de justice à l’issue d’une garde à vue, dans un état physique de fatigue, de manque de sommeil et d’hygiène », rapporte le Conseil. Les faits reprochés résultent en majorité d’atteintes à la personne (agressions, violences conjugales, etc.), puis pour 37 %, des atteintes aux biens (vols, dégradations, etc.), arrivent ensuite les délits de la route, les stupéfiants et le séjour irrégulier.
À défaut de proposer une refonte de cette procédure (en raison de ce qu’elle engendre, c’est-à-dire une sous-justice), le Conseil lyonnais pour le respect des droits préconisent de mieux assurer les droits de la défense en renforçant la fonction de conseil des avocats commis d’office dont « bénéficie » la grande majorité des prévenus : permettre un aménagement de la peine ou informer de la possibilité de faire appel si l’avocat le juge opportun. Quand des peines de prison ne sont pas prononcées, il faut accompagner et informer davantage les personnes condamnées du sens et des conséquences de la décision de justice, le sursis, la mise à l’épreuve, l’obligation d’indemniser la victime, de travailler. Et surtout, développer les peines alternatives à l’emprisonnement telles que les « mesures de travail d’intérêt général » (17 seulement ont été prononcées) mais pour cela, conclut le rapport, il faut « des moyens, de l’énergie » et « une volonté politique ».
On se souvient, que quand la banlieue se révolte, cette volonté politique refait surface : il s’agit alors d’ordonner à la Justice d’utiliser la comparution immédiate et de rendre des sentences sévères… pour l’exemple. Comparution immédiate, injustices immédiates.
Fouzia Othman