Chronique Judiciaire : « Tout ce que je souhaite, c’est recevoir des soins psychiatriques »

Tribunal de grande instance de Lyon, comparution immédiate du mardi 28 août 2018.

C’est dans une salle encore froide et peu remplie que le premier prévenu de l’après-midi s’avance, escorté par deux policiers. Teint blafard, yeux rouges, joues creusées… Alors même qu’il n’a pas encore été condamné, Joseph*, 19 ans, paraît déjà à bout de force.

Avant de rappeler les faits qui lui sont reprochés, la Présidente s’adresse au jeune homme en lui demandant s’il a trouvé un nouveau domicile où loger lorsqu’il sortirait de détention. Elle lui précise d’ailleurs « vous ne pourrez plus habiter chez votre grand-mère, où vous étiez domicilié précédemment ». Et pour cause, puisque Joseph l’a violemment tabassée il y a deux jours de cela.

Le 26 août 2018, Joseph, hébergé par sa grand-mère depuis deux mois, souhaite ouvrir un compte bancaire. Seulement pour cela, il a besoin d’elle, puisqu’il loge à son domicile. C’est donc ensemble qu’ils se rendent à la banque, sans se douter que leur journée va virer au drame. En effet sur place, le temps d’attente s’avère être bien plus long que prévu, et la vieille dame, atteinte d’un cancer, commence vite à se sentir très mal. Elle demande donc à son petit-fils l’autorisation de rentrer chez elle, mais celui-ci, déjà très agacé, refuse. Malheureusement, la grand-mère, mal en point, ne tient plus et se fait dessus. Et cela ne fera qu’augmenter la colère du jeune homme, qui, sans montrer la moindre pitié, lui assène : « j’ai honte de toi ».

Alors que la septuagénaire rentre chez elle pour se changer, Joseph, frustré d’avoir attendu si longtemps pour rien, décide de la rejoindre. Sur place, cette dernière réalise vite l’état d’énervement dans lequel se trouve son petit-fils et tente de se protéger en s’enfermant dans la salle de bain. En vain, puisque celui-ci parviendra à arracher la poignée de la porte, et s’en servira pour la frapper, l’étrangler, avant de lui asséner de nouveaux coups à l’aide d’un balai, puis de lui lancer un verre à l’œil. Par chance, avant que le pire ne se produise, la grand-mère réussit à lui échapper, se réfugie chez une amie et prévient la police en affirmant « j’ai vraiment cru que j’allais mourir ».

Deux jours plus tard, dans le box des accusés, Joseph, dépité, reconnaît entièrement les faits et ne cesse de répéter « je regrette tellement, j’ai besoin de soins ». La présidente le confirme, le jeune homme est parfaitement conscient de ses actes, et de la notion du bien et du mal. « Les expertises psychiatriques ont d’ailleurs montré que son plus gros problème est sa personnalité immature et impulsive, rappelle-t-elle, même si les faits commis sont impardonnables. » En effet, plusieurs photos montrant des ecchymoses présentes sur tout le corps de la grand-mère attestent bien de la violence des coups. Soudain, la Procureure prend la parole, afin de préciser que le prévenu a déjà été condamné il y a deux ans de cela, pour viol sur personne vulnérable, et était donc encore en sursis. Ainsi, elle réclame une peine de 3 ans de prison ferme. L’avocate de la grand-mère, de son côté, réclame l’interdiction que Joseph se présente à son domicile, ainsi que 2500 € d’indemnisation.

Cependant, l’avocate de Joseph ne l’entend pas de cette oreille. Abasourdie, elle déclare « je crois que je n’ai pas les mots face à ce que je viens d’entendre. Entendre une Procureure de la République assimiler une condamnation pour viol à cette affaire me choque véritablement ». Elle décide ensuite de mettre en avant l’enfance difficile qu’a subie Joseph, la séparation de ses parents, les foyers où il a été placé à plusieurs reprises, etc. « C’est un jeune homme qui a du mal à comprendre sa place dans la famille, et ces derniers temps il ressentait un certain rejet de la part de sa grand-mère, qui n’avait de cesse de le comparer à son père. De plus, mon client a besoin de soins ; or à Corbas il n’y a pas de soins psychiatriques. […] La prison ferme le privera de toute réinsertion dans la société. » Par ailleurs, le prévenu n’a quant à lui formulé qu’un seul souhait : pouvoir recevoir l’accompagnement psychiatrique dont il a besoin.

Après délibération, Joseph écopera malgré tout de deux ans de prison dont 10 mois avec sursis et mise à l’épreuve, d’une obligation d’indemnisation de 1200 € envers son aïeule avec 500 € supplémentaires selon l’article 475. En outre, il lui est désormais interdit d’approcher sa grand-mère ainsi que son domicile.

*Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat.

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