Tribunal de grande instance de Lyon, comparution immédiate, mardi 29 mai 2018.
Stupéfiant, c’est le cas de le dire, de voir un prévenu s’octroyer lui-même une peine sans même discuter des faits qui lui sont reprochés. C’est pourtant le scénario qui s’est déroulé ce mardi 29 mai au Tribunal de grande instance de Lyon, devant un auditoire calme et clairsemé.
Dès le début de l’audience, le cas s’avère particulier. Si le prévenu a par principe le choix entre être jugé sur-le-champ et bénéficier d’un délai pour préparer sa défense, la question ne se pose même pas pour Jonathan*. Aux vues des faits qui lui sont reprochés et de sa personnalité, la présidente, la procureure et son avocate semblent unanimes : l’expertise psychologique s’impose. Reste à savoir s’il doit être placé sous contrôle judiciaire ou mis détention provisoire en attendant son jugement.
Il y a quelques jours, alors que les militaires de la gendarmerie de Sathonay exerçaient un contrôle routier, le conducteur d’un fourgon qui allait à toute allure s’arrêta net en faisant un bras d’honneur aux gendarmes. À bord du véhicule, Jonathan était ivre, ce qui rendit l’interpellation compliquée. La suite fut d’ailleurs tout aussi complexe pour les gendarmes. Jonathan se frappe la tête contre le véhicule, menace de s’égorger avec un bris de vitre, refuse de se soumettre aux vérifications, tente de se mutiler en garde à vue et va jusqu’à se mettre nu. En bref, une véritable « tendance à l’autodestruction », selon les dires de l’avocate. À cela, le prévenu, d’une voix toute tremblante rendant son discours presque inaudible, lance sans hésiter : « Ma solution, c’est peut-être la prison ». Celui qui semblait de prime abord très décontracté en comparaissant vêtu d’un t-shirt de l’équipe de France, apparaît finalement extrêmement anxieux.
La présidente poursuit sur la personnalité du prévenu. Jonathan consomme régulièrement de l’alcool et de la cocaïne, et tous les jours depuis que sa compagne, mère de ses trois enfants, l’a quitté il y maintenant trois mois. « Une bouteille de whisky par jour et 1,5 gramme de cocaïne », ajoute-t-il. Pour cela, il avait auparavant été suivi et avait effectué des séjours en clinique pour des cures de désintoxication. Par ailleurs, Jonathan ne travaille pas ou plus, ayant mis fin à 15 ans de CDI pour la même boite, agacé d’être sans cesse en déplacement. Depuis, il vit « à droite à gauche », vagabondant entre le domicile de ceux qui acceptent de le dépanner et les parcs publics.
Du côté de son casier judiciaire, celui-ci est plutôt bien fourni. La présidente énonce quelque sept condamnations : « violences avec arme, mise en danger d’autrui, violence sur conjoint, dégradation du bien d’autrui, circulation sans assurance, conduite sans permis et sous l’empire d’un état alcoolique ».
Pour la procureure de la République, la détention provisoire est nécessaire afin d’éviter que les faits soient réitérés. Pourtant, l’avocate pour qui « il y a des éléments à prendre en compte concernant les mesures de sûreté », n’est pas du même avis. « Sa personnalité est bien plus complexe qu’on pourrait le croire, il reconnaît ses addictions et pourtant continue de détruire tout ce qu’il y a de favorable et de satisfaisant dans sa vie », poursuit-elle. Selon cette dernière, la mesure provisoire la plus adaptée en attendant son jugement serait donc un contrôle judiciaire strict.
Après une petite demi-heure de délibéré, la présidente annonce que le prévenu sera mis en détention provisoire jusqu’au 29 juin, date à laquelle il sera jugé. Quant à son avenir : « Je vais essayer de me soigner », répond Jonathan tout simplement.
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*Le prénom a été modifié afin de préserver l’anonymat.