Chantal Gomez sera la tête de liste du parti Lutte Ouvrière pour les élections régionales de 2021. Cette ancienne dessinatrice technique, aujourd’hui à la retraite, était déjà candidate en 2015. Habitante de Grenoble, elle est aussi militante syndicale CGT et souhaite représenter les travailleurs.
La crise sanitaire a entraîné beaucoup de fermetures de lycées. On a même constaté des décrochages scolaires, notamment dans les quartiers défavorisés. Que faire pour récupérer ces élèves et éviter les injustices sociales ?
Ce qu’il se passe est écœurant ! On entend à la télé que les enfants sont en enseignement à distance. Dans la cité où j’habite, les familles n’ont pas le matériel adéquat pour que les enfants puissent travailler. Ils n’ont pas les moyens. Ça se résume à quelques feuilles données aux enfants. En plus c’est très difficile de travailler à la maison quand on n’a pas un loft ou une grande maison au bord de la mer pour aller se confiner. Je trouve que c’est une génération sacrifiée, c’est un mépris de classe. Là, on voit vraiment ce que sont les classes sociales. On voit dans les banlieues et les cités ouvrières la souffrance des familles, qui doivent s’occuper des enfants et en même temps travailler. Le gouvernement aurait pu faire beaucoup de choses : renforcer le nombre d’enseignants et du personnel dans les écoles, pour qu’on puisse maintenir la scolarité en présentiel et pouvoir désinfecter les établissements. On aurait pu également dédoubler les classes et trouver des locaux. On a ouvert les églises mais dans la plupart des communes populaires, on n’a accès à aucune salle pour se réunir ou pour y placer des enfants. Les gymnases sont fermés. Il n’y a aucune organisation et il n’y pas non plus de volonté d’organiser. Les banlieues, c’est le dernier de leurs soucis, ils ne feront rien. En revanche, on a engagé tout de suite des sous-préfets dans toutes les préfectures des départements d’Auvergne Rhône-Alpes, avec le plan de relance de Macron de 100 milliards d’euros. Là, on met les moyens et on va vite pour arroser le patronat. Il y a beaucoup d’exaspération et de colère. Ce que je souhaite, c’est que les travailleurs s’organisent pour réclamer leur dû. À l’échelle régionale, je serai porte-parole de cette colère. Je ferai mes rapports dans les entreprises, dans les quartiers. Mais ce n’est pas au niveau de la région qu’on va changer la société. La région essaie juste de mettre des emplâtres sur une jambe de bois, là où la gangrène s’accélère.
J’appelle également les jeunes à se battre pour changer les choses. Je suis communiste et je voudrais une véritable société communiste où on travaillerait pour les besoins de tous et où l’on aurait un contrôle sur notre économie.
En ce qui concerne l’orientation des jeunes, comment pouvez-vous aider les jeunes à se tourner vers l’apprentissage et vers du travail plus manuel ? Comment redorer le blason des métiers manuels ?
Pour les classes sociales d’en bas, on leur propose du travail manuel et de l’apprentissage. Il faut que les jeunes aient le choix, le droit et les moyens dans leur orientation. La société doit offrir des moyens à travers l’éducation, de sorte à ce que les jeunes puissent continuer l’école le plus longtemps possible. Ils ont beau avoir des promesses pour les jeunes, il n’y a pas d’avenir. Bien sûr que les petits boulots sont un souffle d’air pour certaines familles, mais pour la plupart des jeunes, l’avenir est bouché. Quand vous n’avez pas de diplôme et que vous êtes stigmatisé, vous allez où ? Qu’est-ce que vous pouvez faire ? J’invite les jeunes à nous rejoindre et à préparer les révoltes nécessaires pour mettre à bas cette société.
Je ne vais rien mettre en place personnellement. Ce seront les travailleurs eux-mêmes. Je suis pour qu’on répartisse le travail entre tous. Ceux qui se crèvent au boulot doivent pouvoir imposer la répartition du travail en engageant des chômeurs, des jeunes en les formant. De sorte que l’emploi soit réservé à la satisfaction des besoins de tous.
La crise sanitaire dure depuis maintenant plus d’un an. Qu’est-ce que vous comptez faire en ce qui concerne les structures sanitaires ?
Le bon sens voudrait que l’argent aille aux hôpitaux, aux Ehpad et au personnel médical. Malheureusement, au niveau de la région ils ne pourront pas. Même la santé est soumise au profit. On a mis les hôpitaux sous le joug de la finance. Les hôpitaux sont obligés d’emprunter de l’argent et de rendre les intérêts. Ce n’est pas la sécurité sociale qui paye tout. C’est pour cela que depuis plusieurs années les hôpitaux sont dans cet état. Ils doivent payer leur dette. Je ne vois pas comment on peut s’en sortir si on ne s’oppose pas à cette logique. Nos besoins élémentaires sont sacrifiés encore une fois pour qu’une minorité de grands bourgeois s’en mettent pleins les poches. Aujourd’hui, beaucoup d’Ehpad sont privés. Ce n’est pas normal qu’on donne des soins à nos anciens pour qu’ils rapportent du profit. Il y a aussi des cliniques privées et c’est de plus en plus cher pour se soigner alors qu’on continue à cotiser à des mutuelles, à la sécurité sociale. C’est toute une logique que je condamne.
La crise sanitaire a aussi laissé en suspens la culture. Que préconisez-vous pour aider le monde de la culture et notamment les structures de proximité ?
Les acteurs de la culture, les travailleurs, ont trouvé la bonne voie : celle de la lutte. Il y a beaucoup de catégories sociales qui se sont fait entendre pendant cette pandémie notamment les restaurateurs et les artisans… Il est important que les travailleurs en général, y compris ceux de la culture, se mobilisent pour qu’on les écoute. Face à ce gouvernement qui ne connaît que le rapport de force, il faudra bien qu’on s’y mette tous ensemble. Alors là aussi, on ouvre des églises mais on ne peut pas ouvrir les lieux de culture. De plus, le chômage de masse touche aussi les artistes et les intermittents du spectacle. Il s’agit de donner accès à la culture pour tous. Mais il y a de moins en moins de moyens.
On a le sentiment que les régionales sont « les prémices des présidentielles ». Comment vous positionnez-vous par rapport à cela ?
Comme vous me donnez la parole, j’en profite pour vous annoncer que Nathalie Arthaud vient à Lyon le 8 juin. Elle sera notre candidate pour les prochaines élections présidentielles. Elle reprendra un peu les mêmes axes que je viens de vous dire, puisqu’on se servira des élections pour s’exprimer. Non pas pour dire « Nous, on va arriver au pouvoir et on va faire les choses », parce que ce n’est pas vrai. Aucun gouvernement ne peut contraindre ces grandes multinationales. Nous on fait confiance à la classe ouvrière, aux travailleurs, pour gérer la société. C’est notre originalité, parce que personne ne le dit. On pense qu’ils le feraient bien mieux que tous ces politiciens, qui sont tous à plat ventre devant les grands bourgeois et les grands capitalistes. C’est une question de confiance. Nathalie Arthaud en parlera. Tous les partis politiques, de droite comme de gauche, disent de voter pour eux pour changer les choses. Dans leur programme, ils ont tout un catalogue de promesses, et en fin de compte ils ne pourront pas les tenir. On voit bien que la situation se dégrade au fil du temps, que la crise s’aggrave. À tel point que le Rassemblement National frappe à notre porte. On a le développement de milices dangereuses d’extrême droite. C’est ça, la crise : on fait payer la population pour maintenir le taux de profit et continuer à arroser les actionnaires. Ce n’est pas du ressort d’un gouvernement. Il faudra que ce soit nous, les travailleurs. On aura besoin pour ça d’un véritable parti communiste révolutionnaire, pour décider ensemble de ce qui est bien pour la société. Par exemple au niveau de l’écologie, certains ont plein de solutions… Mais tout ça c’est du vent. Qui décide ce que l’on produit, avec quels moyens, qui est aux manettes ?
Comment allez-vous recruter des nouveaux militants ou militantes pour 2022 ?
On milite tous les jours dans les entreprises avec des bulletins, sur les marchés. On s’est présenté à chaque fois que c’était possible, par exemple aux dernières municipales dans de nombreuses villes pour amener de nouvelles propositions. On est également présent dans les quartiers. Ce n’est pas qu’au moment des élections qu’on est là. D’ailleurs, il n’y a plus personne sur les marchés ; on est les seuls à distribuer des tracts et à discuter avec la population. Pour ma part, dimanche, je serai sur le marché d’Échirolles (ITW réalisé le 8 avril).
Inès Pallot