Le Lyon Bondy Blog vous propose un dossier politique avec trois personnalités politiques de différentes sensibilités : Jean-Luc Fugit (« Ensemble pour la République »), Cécile Michel (EELV-NFP) et Jean-Paul Bret (PS-DVG).
Cécile Michel a 43 ans, est conseillère régionale AURA (EELV). Elle a été candidate dans la 8e circonscription de l’Isère (Vienne) pour les législatives de 2024. Elle a perdu au 2e tour face à Hanane Mansouri (LR/RN). Elle est également conseillère municipale d’opposition à Condrieu (Rhône).
Elle est issue du milieu associatif, notamment celui de l’Éducation populaire. Elle a mis tout en pause depuis trois ans pour se consacrer pleinement à son mandat d’élue régionale.
Entretien avec Cécile Michel. (L’interview a été enregistrée le jeudi 25 juillet).
LBB : Au lendemain des résultats des européennes, Marine Tondelier (EELV), secrétaire nationale, appelle à l’union de la gauche. Pourquoi trois semaines après on n’entend plus parler du leadership des écolos ?
Cécile Michel : Alors, on n’a pas du tout la même actualité, mais il me semble que le leadership des écolos s’est plutôt confirmé avec toute cette campagne des législatives et même post-élection législative. On voit souvent Marine Tondelier faire la Une des magazines avec sa veste verte. Justement, je pense que la place des Écolos est là ! Elle est dans tout ce qui a permis de consolider le Nouveau Front Populaire qui s’était quand même hissé en tête des résultats des législatives. En fait, on est à la bonne place ! C’est vrai que c’est un peu plus compliqué pour Marine Tondelier de trouver sa place. On entend également beaucoup parler de Cyrielle Chatelain, qui est présidente du groupe des Écologistes à l’Assemblée nationale.
LBB : Ce que vous dites, c’est que le liant du NFP, ce sont les écologistes ?
Cécile Michel : C’est que toutes les composantes du NFP sont importantes et sont essentielles. Les écologistes ont aussi cette position de faciliter les échanges, de toujours vouloir apporter des solutions, et donc de savoir dépasser les crispations, et donc on s’est bien situé là. Ça a été le cas au moment de la constitution du NFP, et aussi à l’issue des résultats. C’est encore tout à fait le cas aujourd’hui, dans un moment où on vient de faire une proposition de candidate première ministre au président de la République. Il y a un enjeu pour que cela se poursuive dans l’attente de ce que dira Macron passée la « trêve olympique et politique ». Notre rôle, il est toujours bien là pour pousser le NFP dans son entièreté.
LBB : Vous étiez candidate dans la 8e circonscription de l’Isère. Au deuxième tour, vous vous êtes retrouvée avec deux candidats (Thierry Kovacs, LR, ayant donné comme consigne de voter blanc au 2e tour) et le RN gagne la circonscription avec 4000 voix d’écarts. Comment avez-vous vécu ce désarroi et justement faut-il faire attention à la puissance de baron local comme Thierry Kovacs ?
Cécile Michel : Je reprécise. Thierry Kovacs n’était pas au 2ème tour. Il était suppléant du candidat Jean-Claude Lassalle qui est arrivé quatrième au premier tour. Loin derrière l’éventualité, enfin loin derrière l’hypothèse de la qualification du deuxième tour, où nous étions qualifiés en triangulaire, mais où Caroline Abadie, députée sortante Ensemble pour la République, s’est désistée à mon profit pour faire barrage au RN.
Jean-Claude Lassalle, candidat LR au premier tour, a rassemblé 7000 électeurs au premier tour. Effectivement, ce n’est pas beaucoup, il est arrivé en quatrième place, mais son suppléant Thierry Kovacs (maire de Vienne), est assez influent sur le territoire en tant que maire de la ville principale Vienne et il est également président de l’agglomération. Il est également vice-président à la région, vice-président de Laurent Wauquiez. On a eu de larges échos, il y a eu des pressions pour ne pas apporter de soutien à ma candidature, qui était la seule candidature qui visait effectivement à incarner ce « front républicain » et ce barrage à l’extrême droite.
Photo de Norbert Lacroix
Cécile Michel : Oui, elles avaient déjà été au point mort par le passé, et je crois que ça peut s’entendre à un moment donné de se fixer des échéances pour arriver à avancer. Cela aurait pu aussi bloquer les échanges, et ça ne les a pas bloqués. Je pense que tout le monde a été en responsabilité. C’est évidemment pas toujours simple parce qu’on vient chacun avec des lectures de cette situation politique inédite. C’est à dire , avec des lectures qui peuvent être différentes et aussi des hypothèses de réponse dans cette situation qui peuvent être différentes. Je crois que ce qui est surtout à retenir de tout ça, c’est que l’essentiel a été de toujours poursuivre la dynamique du « nouveau front populaire », et malgré les très nombreuses tentatives, et qui perdurent, vu les réponses d’Emmanuel Macron, vu les nombreuses tentatives de déstabiliser le nouveau front populaire, d’en faire sortir les tranches les plus proches, on va dire, du centre macroniste, etc. Le Nouveau Front Populaire reste solide sur sa composition initiale. Finalement, je trouve que c’est assez sain et que peut-être notre République et notre démocratie aussi ont besoin de percevoir cela.
Tout ne procède pas de décisions. Démontrer que le débat doit exister dans notre société, qu’il doit être sain et qu’on est capable de se dépasser pour aboutir à des décisions communes, c’est peut-être aussi une manière de démontrer qu’on peut faire de la politique différemment. Le débat est important à gauche pour trouver une solution. On n’impose pas d’idées, le débat est essentiel à la construction d’une pensée politique. Il est également essentiel à la construction de décisions communes et, a fortiori, de décisions aussi importantes pour constituer un futur gouvernement.
LBB : Mardi 23 juillet, Emmanuel Macron a pris la parole lors du Journal de 20 heures. Qu’avez-vous pensé de son allocution ? Comment voyez-vous le partage de la charge entre le président et le ou la future Première ministre ?
LBB : Il voudrait que ça parte de la droite jusqu’à la gauche ?
Cécile Michel: Oui, ils voudraient aller des LR jusqu’au Parti socialiste. On ne sait pas trop s’il inclut les communistes, les écologistes. Parce qu’un coup les écologistes ont fait partie des islamo-gauchistes comme les insoumis, et après on n’en fait plus partie. Dans le dernier mandat législatif, on avait plutôt eu l’impression que, sur un certain nombre de débats, on pouvait être reconnu dans nos capacités , justement de dialogue. A d’autres moments, on participe à certaines manifestations des soulèvements de la terre, on ne fait pas partie du Front républicain pour les raisons que le camp macroniste choisit à des moments ou pas. Mais en fait, ce qu’il nous démontre là, avec son allocution, c’est qu’il pose aujourd’hui des règles du jeu qu’il n’a même pas été capable d’assurer pendant les deux dernières années. Il faudrait désormais que nous fassions des compromis, alors que ses précédents gouvernements ont gouverné à coup de 49-3. En fait, les règles de notre République font qu’il y a un parti qui arrive en tête avec une majorité absolue, et qu’il y a une alliance de partis qui, ensemble, représentent une majorité relative.
LBB : Le Président de la République a un peu le comportement d’un enfant gâté qui dit en gros : « Bah non, vous n’avez pas gagné alors que vous avez gagné, mais vous n’avez pas gagné ».
Cécile Michel : Exactement, et puis d’autant plus que c’est même pire qu’un petit enfant : c’est plutôt l’histoire d’un amnésique. Tout ça parce qu’en fait, il n’a pas une majorité absolue au précédent mandat, donc il n’y a aucune raison d’aller inventer de nouvelles règles, aujourd’hui en disant que le Nouveau Front Populaire n’a pas la majorité absolue. On le sait, nous ne sommes pas idiots, et lui-même ne l’était pas au précédent mandat. Lui-même a gouverné avec une majorité relative qui était certes plus importante que celle-ci. Mais il n’empêche qu’il n’y a pas de règle mathématiques, il n’y a pas un détail supplémentaire que d’avoir une majorité relative ou une majorité absolue. . Ce qu’il s’est autorisé il y a deux ans ne serait plus valable aujourd’hui.
Aujourd’hui, effectivement, lui et d’autres cherchent à faire des petits calculs en disant « oui, mais quand même, le nombre de sièges additionnés de Ensemble, Horizons, LR, etc est supérieur à ceux du NFP. Sauf qu’il n’y a pas aujourd’hui d’entente, en tout cas pas d’entente officielle entre ces différents partis. Alors qu’il n’y a une alliance forte assumée au moment de la campagne des législatives pour les partis de gauche écologiste autour du nouveau Front populaire. On peut s’amuser à réécrire l’histoire, à faire de la politique fiction. Demain, on arrivera à faire cette alliance. Elle n’existe pas aujourd’hui. Il y a bien eu en premier lieu, le Nouveau Front populaire qui a fait la proposition de la candidature de Lucie Casteets unanimement. Je crois qu’elle incarne tout à fait ce que représente le Nouveau Front Populaire aujourd’hui, avec une candidature qui est celle d’une haute-fonctionnaire, qui est celle d’une voix forte de la société civile, d’une défenseure des services publics en particulier. Il s’agit aussi de savoir comment on peut définir une fiscalité pour réinjecter des services publics dans notre pays, en connexion avec le monde politique.
Cécile Michel : Je ne crois pas que quiconque fasse comme si le Rassemblement national n’existait pas. Un cercle a été posé par les parlementaires sur la nécessité de ne pas leur accorder de place au bureau de l’Assemblée nationale. Elle a visiblement été accordée en 2022. Il y a un enjeu à ne pas refaire les choses de la même manière. Après moi, ce que j’en conclus de la manière dont les élections pour ce bureau se sont passées, c’est que ce n’est pas tellement le Nouveau Front Populaire ou d’autres qui ont exclu le Rassemblement national à des postes au bureau de cette assemblée . C’est le RN qui s’en exclut lui-même. C’est ce même parti , qui a voulu un peu jouer à une tactique qui l’a conduit à être écarté de tous les postes du bureau de l’Assemblée nationale. Et puis, sur la question aussi de ne pas serrer la main du Rassemblement national, je crois qu’on a tous vu que les réseaux sociaux ont cet avantage de parfois nous rappeler un peu l’histoire. C’est la « droite républicaine », il y a déjà une vingtaine d’années, qui ne serrait pas la main du Rassemblement National. Alors aujourd’hui, les choses sont certes un peu différentes, et moi, je crois qu’effectivement, nous ne devons en aucun cas finalement renvoyer des signaux négatifs aux électeurs du RN.
Mon expérience au sein du Conseil Régional me le démontre, sous couvert d’élus un peu propre sur eux, propre sur elles, qui ont fait cet effort de notabilisation, et bien derrière, il y a des idées particulièrement rances, particulièrement racistes, antisémites et antiféministes. Je crois qu’il serait important quand même que le Rassemblement National assume l’entièreté de ses positions. Je suis toujours assez effarée d’entendre la droite et même le centre, faire des procès en anti-républicanisme, en anti-sémitisme à la gauche, quand ces idées-là sont fondamentalement portées par un Rassemblement National. Je crois que ça, ce n’est pas digne de notre démocratie, justement, de cacher les choses à ses électeurs et à ses électrices. Le seul enjeu finalement, c’est que nos parlementaires doivent faire front républicain et de rappeler à l’ensemble des électeurs et électrices, mais sans les dénigrer, mais de rappeler qui sont et ce que véhiculent les élus de l’extrême droite. En tout cas, moi, pour ma part, il n’y a aucun dénigrement vis-à-vis des électeurs.
LBB : Comment remettre la préoccupation écologique au cœur du discours politique ?
Cécile Michel : Ce qui est d’autant plus préoccupant, c’est qu’on bat des records de chaleur au niveau mondial. Mais qu’on n’a pas vraiment l’impression de vivre en France, puisqu’il y a cette espèce de séparation avec l’Europe où nous avons quand même des chaleurs relativement tempérées, et donc on pourrait d’autant plus oublier. C’est vrai que la campagne qu’on vient de vivre a un peu mis ces sujets peut-être à distance. Mais je crois que pour l’enjeu démocratique, et je l’ai dit à plusieurs reprises dans la campagne que j’ai pu mener : « Sans la démocratie, on ne peut pas s’atteler aux enjeux écologiques et aux enjeux climatiques. »
C’était hautement nécessaire de le rappeler, parce qu’effectivement, aujourd’hui, l’extrême droite tente de porter aussi une certaine forme de discours écologique, mais qui ne tient pas la route tellement ils sont éloignés de ce socle démocratique qui est indispensable. Je crois qu’il faut pouvoir ramener ces enjeux, mais tout en les laissant absolument connectés aux enjeux démocratiques, aux enjeux de justice sociale aussi, pour que cela fonctionne ensemble.Justement, je pense que la place des écolos est là! Elle est dans tout ce qui a permis de consolider le Nouveau Front Populaire qui s’était quand même hissé en tête des résultats des législatives. En fait, on est là à la bonne place.