Bruno Bonnell est tête de liste aux élections régionales en Auvergne Rhône Alpes. Expert du numérique, chef d’entreprise, et aujourd’hui député, il se confie sur ses ambitions pour la région et les projets qu’il souhaite apporter.
Pourriez-vous vous présenter pour nos lecteurs ?
Je m’appelle Bruno Bonnell, j’ai 62 ans, j’ai six enfants. Je suis entrepreneur d’origine puisque j’ai fait pratiquement 40 ans en entreprise, divers et variées, surtout dans le numérique : jeux vidéo, Internet, numérique, télévision avec Game One. Plus récemment, je me suis lancé dans la robotique. Et puis, je suis député de la sixième circonscription du Rhône, donc de Villeurbanne, où j’ai vécu quasiment toute ma vie, parce que je suis Pied-noir d’origine. Lorsque je suis arrivé à Villeurbanne, j’avais 8 ans.
Quel est votre objectif dans ces élections régionales ?
L’objectif est clair, c’est de gagner cette élection. C’est l’objectif, mais pas gagner pour gagner. Selon moi, le poste le plus intéressant et le plus passionnant de la République, pour quelqu’un comme moi, c’est le poste de président de région parce que je ne peux pas prétendre à plus, c’est à dire président de la République française. Je pense que président d’une région, c’est un très beau poste. Alors pourquoi je dis que c’est un très beau poste : c’est à la fois un poste de vision, dans lequel on doit définir une vision. Il y a 9 millions de personnes. C’est un PIB qui est compris entre celui du Portugal et de l’Autriche. Et une vision, ça ne suffit pas. Il faut faire de l’exécution, des actes, et c’est un peu ce que j’ai fait toute ma vie. Chef d’entreprise, c’est ça. Et en y rajoutant une dimension politique et sociale, qui est ma passion depuis quatre ans dans la fonction que j’occupe.
Si vous êtes élu président de la région Auvergne Rhône Alpes, quelle casquette choisirez-vous entre celle de député et celle de président de région ?
J’ai déjà dit que je ne ferais qu’un mandat de député. Je vous le confirme quatre ans après. C’est à dire que moi, dans un an, je ne suis plus député, quoiqu’il arrive. Et si évidemment, je suis élu président de la région, je quitterai immédiatement mes fonctions de député.
On parle d’identité dans certaines régions de France, par exemple la Corse ou la Bretagne, pour ne citer qu’elles. Est-ce que vous pensez qu’il y a cette unité dans la région Auvergne Rhône Alpes ?
Je pense que c’est la grosse faillite de la gouvernance actuelle, ils ont eu la chance incroyable d’avoir organisé la grande région, avec deux ex-régions qui avaient déjà des identités fortes : l’Auvergne, puis Rhône-Alpes. Et ils n’ont absolument pas réussi à constituer ce que j’appelle une identité « Auralpine », qui est d’ailleurs pas du tout en opposition avec la diversité du territoire. Car même à l’intérieur de l’Auvergne ou à l’intérieur de Rhône-Alpes, vous avez des spécificités. Dites à un Cantalou qu’il est la même chose qu’un Bourbonnais, il ne va pas être d’accord, pourtant ils sont tous les deux d’Auvergne. Par contre, constituer une identité alpine, c’est critique dans la compétition européenne, à la fois d’image, pas simplement économique, comme on parle aujourd’hui de province espagnole ou d’un Land allemand, même si on n’a pas administrativement les mêmes choses, puisque les Länder allemands ont plus de liberté, notamment sur le régalien en termes de taille, en termes de poids, en termes d’attractivité. Ils ont une identité.
Comment construire cette identité ?
On la construit déjà, non pas en mettant des panneaux bleus à l’entrée de chaque territoire, en disant, comme les Romains, j’ai conquis votre commune à coup de subventions, mais au contraire, en expliquant aux communes qu’elles ont intérêt à collaborer en soutenant l’activité intrarégionale. Pas par des quotas, pas d’une forme coercitive, mais par une forme incitative, en invitant tout simplement des gens à visiter leur région, et pas simplement se contenter de gérer le local. C’est l’inverse de diviser pour régner, c’est rassembler pour régner. Pour le moment, la région a une image extérieure qui se résume à ça : le ski, Lyon et puis, pour les Parisiens, qui sont très liés pour des raisons de restaurants, de bars, etc…, il vous parle effectivement de l’Auvergne comme étant une espèce de pays dans lequel il y a des gens sympas et qui voient d’ailleurs une grande majorité dans l’agriculture. Ils font l’impasse totale sur des grandes industries comme Michelin, qui ont créé des révolutions, par exemple. La région est tellement morcelée parce que les identités locales ont percé : la pastille Vichy à Vichy, le thermalisme en Savoie, bien évidemment le ski pour beaucoup de gens qui le pratiquent. Elle est tellement morcelée que, finalement, on se perd un peu. Alors que dans la réalité, c’est une région qui pèse énormément. C’est la cinquième région d’Europe quand même. Ça, je ne l’entends jamais. C’est une région qui a une activité économique avec le nord et le sud de l’Europe. D’une façon incroyable puisque c’est la passe, le fameux hub, qui va de Amsterdam jusqu’à Barcelone. Donc, il y a une désynchronisation entre la réalité de cette région et l’image qu’elle a.
Justement, vous avez fait une vidéo où vous valorisez tous les territoires de la région, votre objectif est de les réunir ?
L’objectif, il est clairement, déjà, de les montrer. Ça commence comme ça. Il faut arrêter de faire du chauvinisme intra régional, c’est-à-dire soit je suis Lyonnais et je ne parle que de Lyon, soit je suis Auvergnat et je ne parle que de Clermont. Ça me semble ridicule. En plus, c’est assez insultant pour les gens qui sont aux frontières de la région, que ce soit le Cantal, l’Allier. Mon objectif, c’est d’oublier personne, mais deuxièmement, c’est de montrer que la beauté de cette région, qui est souvent sous-estimée, et sous plein d’aspects différents. Pas simplement pour la montrer d’une façon anecdotique, mais pour montrer sa richesse aussi et sa capacité de développement qui, aujourd’hui, n’est absolument pas révélée. Je pense qu’on est une des rares régions en Europe à avoir une capacité de croissance à deux chiffres. Et le principe, ce n’est pas de faire de la croissance pour la croissance. Le principe, c’est que si on génère de la valeur, on peut être plus équitable, donc mieux répartir cette valeur sur le territoire. Et surtout, on peut être également beaucoup plus fraternel et donc avoir les moyens que les gens qui décrochent puissent rattraper, et qu’on ait un équilibre de vie beaucoup plus satisfaisant. Je ne crois pas, je ne croirai jamais au nivellement par le bas. Je crois surtout qu’il faut qu’on génère une valeur qui permette un meilleur échange.
Vous parliez des territoires du Cantal, de l’Allier… Comment faire pour que Lyon ne monopolise pas toute l’attention de la région ?
La métropole de Lyon est une ville qui est une organisation administrative voulue et poussée par Gérard Collomb, c’était une très belle idée. C’était pour fabriquer une Europol qui puisse concurrencer Barcelone, Hambourg ou Stuttgart, et une Europol qui permet d’avoir un rayonnement en elle-même. Et puis, il faut sortir de la centralisation, de l’hypercentralisation parisienne. C’est une très belle idée, si ce n’est que pour des raisons historico politiques, qui sont du domaine de ce que j’appelle la bidouille politique, cela a fait qu’elle était en opposition avec la région. Je le sais en tant que chef d’entreprise, chaque fois que j’organisais une inauguration de quoi que ce soit, il fallait inviter la région, il fallait inviter la métropole. Il ne fallait pas se tromper dans l’ordre protocolaire qui était déterminé par le niveau de subvention que chacun avait apporté au projet. Bref, un cauchemar. Au lieu d’avoir des gens unis, on avait des gens complètement désunis qui se tiraient la couverture jusqu’à la déchirer. Donc le fait de voir la métropole aujourd’hui qui revient finalement à un groupement d’intérêt général, qui n’a plus cette ambition territoriale qu’elle avait avant, c’est une opportunité intéressante pour développer ce que j’appelle toutes les sous-préfectures, et notamment l’ancienne capitale de la région. Auvergne n’y avait pas une pointure, mais une vraie ville qui est Clermont-Ferrand, mais également toutes les villes qu’il y a autour. Pour véritablement développer et avoir un développement économique. Ce qui s’est passé avec la Covid, les gens se sont habitués au télétravail, se sont habitués à la visio, se sont habitués à travailler à distance, donc ils peuvent tous saisir l’occasion de la qualité de vie. Et je sais qu’aujourd’hui, on peut vivre à Saint-Etienne, on peut vivre à Annecy ou ailleurs et travailler sur des structures qui se retrouveraient à Lyon ou à Clermont.
Lors des dernières élections municipales, Laurent Wauquiez avait fait une alliance avec Gérard Collomb au deuxième tour. Est-ce que votre candidature, l’alliance avec le MoDem, est là pour rassurer les électeurs en vue des prochaines élections ?
On va déjà poser les bases sur les dernières élections municipales. Tout le monde, sans exception, a fait des bêtises. Et quand je dis des bêtises, je me mets dans le lot. Il faut aussi avoir, en politique, un peu l’honnêteté d’arriver à un bilan et dire « mais on a fait juste n’importe quoi ». Même si on avait une chance de gagner là, on s’était organisé pour perdre. On a mis tous en route la machine à perdre. Résultat, on a eu une élection à la fois sur Lyon, la ville, à la fois sur Villeurbanne et à la fois sur la métropole, qui sont un centre important de poids économique dans la région. On a eu des gens qui sont élus, dont je n’ai pas à débattre, mais qui sont élus, malheureusement, sur des critères qui se démontrent tous les jours comme étant une vraie rupture brutale. Brutale dans la politique de continuité qu’il y avait à droite comme à gauche depuis trente ans sur notre territoire et qui lui a assurait une croissance assez sereine, un côté provincial audacieux, que j’aimais bien. Mais qui tient un discours aujourd’hui qui m’inquiète. Il faut en faire le bilan. Il faut arrêter de se reprocher les uns les autres d’avoir fait des bêtises. On en a tous fait. Ce qu’a montré ses élections, c’est qu’il n’y a plus un parti politique qui est propriétaire de ces voix. Les gens sont des individus, ils choisissent. S’ils ont envie de changer d’avis entre une élection à six mois d’intervalle, ils le feront sans hésiter. C’est la structure même de l’information qui veut ça. Je n’ai pas fini de vous surprendre parce que je ne fais pas une alliance avec le MoDem. D’abord, le MoDem, il est de la majorité présidentielle. D’abord, il y a le premier cercle qui est la majorité présidentielle. Je pense qu’à l’heure où on parle, on a rassemblé tous les partis, toutes les tendances politiques, que ce soit En Marche (LREM) que ce soit le MoDem, que ce soit Territoire de progrès, que ce soit le Mouvement radical, que ça soit En commun qui est une branche de LREM. Tous ces gens-là ont été rassemblés sous une étiquette majorité présidentielle. Mais ça ne va pas suffire. Ça veut dire qu’il va falloir aussi intéresser à cette liste, des gens qui, aujourd’hui, se définissent comme à gauche ou aujourd’hui, se définissent comme à droite, ou des gens qui sont de la société civile et qui disent, il y en a marre de la politique, je veux de la vraie vie qui vont se dire mais, finalement, l’option Bruno Bonnel, c’est une option intéressante pour le devenir de cette région parce qu’il n’a que comme objectif d’être président de région. Je n’ai pas d’enjeu politique au-delà. Je n’ai pas envie d’être président de la République déclaré, comme certains de mes concurrents, je ne fais pas semblant de ne pas avoir envie d’être présidente de la République, comme certains de mes concurrents aussi. Je n’ai pas d’idéologie à plaquer sur une région, comme certaines couleurs politiques que j’apprécie peu, qui sont des extrêmes. Finalement, revenir à une politique de la vraie vie, ça a plus de couleur. Et donc, si sur ma liste, des gens peuvent être surpris, bien que la liste à venir n’a pas été annoncée, surpris de certains noms parce qu’ils diraient qu’un tel était avec un autre, etc… Le passé des candidats de ma liste ne m’intéresse pas.
Souhaitez-vous une région Auvergne Rhône Alpes plus autonome, êtes-vous pour plus de décentralisation ?
Il y a une loi très importante qui va être décidée, je pense, j’espère, avant la fin du quinquennat, qui est une continuité de la loi de décentralisation qui va donner plus de pouvoir aux régions. Mais surtout, une chose importante, ça s’appelle l’expérimentation. On va pouvoir expérimenter sur le territoire régional des choses qui, finalement, n’auront pas comme objet principal d’être étendu en national, une espèce de distinction qui va nous donner beaucoup de liberté, tout en évidemment préservant le régalien. Donc, tout ce qui est autorité, sécurité, police, l’Armée. Par contre, à l’intérieur de la région, on va pouvoir vraiment bouger les lignes. Les auxiliaires de vie sociale, par exemple, qui sont traitées par le département et la commune dans certains cas, mais où la région est peu impliquée. Eh bien, ces femmes, pour la grande majorité ce sont des femmes, ces femmes qui travaillent des heures indues à s’occuper des personnes âgées et handicapées, aujourd’hui, elles gagnent 800 euros par mois. Maintenant, la région doit trouver la solution pour qu’elles gagnent dignement au moins le SMIC. Leur donner des formations, leur permette la passerelle du social vers le sanitaire. Donc, ça veut dire qu’on peut aller jusqu’à créer des certificats régionaux pour ces personnes, dans lesquels ils ont une reconnaissance sous forme d’un certificat diplômants, qui ne seront pas des diplômes d’Etat, mais de régions dans lesquels elles pourront avoir une reconnaissance de leur métier et par là même occasion progresser sur le plan salarial ou sur le plan de placement. C’est un exemple. Je vous le donne car il explique qu’aujourd’hui, on me dit « c’est impossible » parce que c’est le grand trip de chaque couche administrative. C’est d’expliquer qu’à cause de la couche du dessus ou du dessous, ça ne va pas marcher. « Ce ne sont pas vos prérogatives, c’est le département, ou c’est l’Etat ». Moi, si je prends un engagement exigeant, je vais mobiliser des forces. Il faudra qu’on trouve le trou de souris, et il va falloir trouver la solution. Parce que je sais que c’est un besoin des gens. La réponse, quand quelqu’un vous dit, je ne vis pas avec 800 euros par mois et donc je vais laisser tomber le métier, et les conséquences que ça sur les familles qui vont dire « mais pourquoi elle est partie alors qu’on a vraiment besoin d’elle ? » Ce n’est pas une bonne réponse politique. Encore une fois, cette flexibilité de l’expérimentation va nous permettre de commencer plein de projets. Et puis après, tant mieux si on arrive à l’étendre au national. Qu’on soit une région modèle, je ne demande que ça.
Que faites-vous des endroits délaissés, comme certaines zones en Ardèche ?
L’un des objectifs, c’est qu’il n’y ait pas d’oubliés. Mais il faut se poser les bonnes questions, encore une fois. Effectivement, si on a un raisonnement purement de rentabilité capitaliste, on se dit, ce n’est pas la peine de s’embêter, on va les garder comme des jolies régions pour les mettre sur les cartes postales. Maintenant, si on se demande à l’inverse pourquoi des gens iraient repeupler ces villages ? Eh bien il leur faut de la 5G ou de la 4G. Il leur faut du réseau parce que s’ils doivent télétravailler, il leur en faut. Il faut qu’ils aient des masses critiques pour qu’ils soient incités à y aller à plusieurs. Ils pourront rouvrir une école, par exemple. Quitte à ce que la région abonde, dans un premier temps, pour des locaux, pour aider la commune à bouger. Il faut réimplanter un café, donc il faut utiliser toutes les astuces pour remotiver les gens. Recréer la vie dans ces villages, c’est des programmes où on doit être déterminés et ne pas se heurter à chaque fois en se disant « on ne va pas interférer avec les communes ». Encore une fois, il faut prendre la carte des oubliés et se dire « bon, allons-y avec un plan ». C’est pour ça que mon programme s’appelle 30 jours, 30 mois, 30 ans. 30 jours : c’est l’urgence, on va sortir progressivement du confinement, l’économie est dans un sale état. Psychologiquement, ça ne va pas du tout. Donc là, c’est l’urgence : que fait-on ? Donc on mobilise des moyens, que ça soit de la communication, que ça soit les chèques vacances, que ce soit des soutiens à la reconstruction psychologique des gens, etc. 30 mois : c’est toutes les mesures qu’on aura annoncées sur le mandat, dont celles que je viens de donner. Par exemple, on peut revitaliser un centre de village en montagne. Puis, on fait le bilan : où en est-on ? Ça n’a pas marché. Ce n’est pas une bonne idée. On n’y arrive pas. Pourquoi ? Comment ? On fait un vrai bilan et on fait en fonction, on accélère, on arrête, on change de cap parce que on a dépensé trop d’argent dans un endroit ou au contraire, pas assez. Puis il y a 30 ans : c’est la vision du territoire à long terme. Ma vision du territoire à long terme, c’est que ces villages, ils vivent. C’est que, justement, il fait bon vivre dans les sous-préfectures. Qu’on ait réussi à redonner une dynamique locale qui ne soit pas concentrée sur des grandes villes, tout en gardant quand même une technologie et un progrès, une qualité de vie et de santé de bon niveau. Et ça, c’est au long terme. On voit bien que le système de santé et les problèmes de la police, la sécurité, les problèmes des quartiers, ça fait des décennies. On nous raconte que ça va être réglé par un budget ceci, un budget cela. Il faut repartir sur une optique de faire un plan de vision et, par contre, le valider par des étapes. C’est le fameux 30 mois. Et puis évidemment, je ne serai pas président de région pour 30 ans. Il faut aussi savoir passer la balle. C’est un des gros reproches que je fais à la gouvernance actuelle de la métropole de Lyon. Il y a des engagements qui ont été pris par leurs prédécesseurs. J’appelle ça l’héritage républicain. Eh bien, on ne casse pas l’héritage républicain par caprice. Parce qu’à ce moment-là, il n’y a plus rien qui tient. Donc on ne fait plus rien, on ne fait que du court terme et on paye le prix paradoxal de gens qui n’ont plus aucune confiance dans la politique parce qu’ils disent « aux prochaines élections, dans tous les cas, ça va changer ». Pensez aux gens très concrètement, les jeunes couples qui ont acheté dans l’espoir de voir le métro passer pas loin de chez eux parce qu’ils n’ont pas beaucoup de moyens. Ils ont fait le choix de dire « je n’achète pas de voiture parce que le métro devait se faire », et au final, on ne fait plus de métro. Là, c’est pareil. Le gouvernement actuel a pris des engagements de subvention, de soutien à des agriculteurs, à des sociétés, à ce qu’on veut, à des villes. Certainement pas question de toucher une seule de ces subventions. On continue. Par contre, il est question de faire le bilan de à quoi elles auront servi, c’est un notre sujet. Parce que si effectivement, elles ont servi à autre chose que la dynamique des territoires, on en discutera. Mais la première réaction, ce n’est pas faire comme cela a été fait en 2015 : je commence par sucrer les formations, je commence à sucrer la culture, etc… En gros, tout ce qui n’est pas mes valeurs. Et puis, au nom du « je fais des économies de fonctionnement ». Non, moi, je ne suis pas capable de juger ce qui est juste et pas juste en culture. Moi, j’aime autant l’opéra Carmen que j’aime le rap. Quand je serai président de cette région, je serai le président de toute la région. Il n’y a pas de couleur politique.
Comment redorer le blason des métiers manuels, de plus en plus délaissés par les jeunes ?
D’abord, je crois qu’il y a deux catégories de jeunes de banlieue. Ce n’est pas la peine de le nier non plus. Vous avez 99 pour cent des jeunes de banlieue qui sont des jeunes comme tout le monde, qui pourraient habiter n’importe où. Simplement, il se trouve qu’ils habitent là et ils ont autant de capacité à faire des métiers manuels que des métiers intellectuels. Ils ont des familles qui sont aimantes. Ils ont des frères, des sœurs, des cousins, des références qui sont là.
Et puis, il y a un pourcentage de la population dont les médias raffolent, qui sont le miroir déformant de tout ça qui eux, par contre, rentrent dans une autre catégorie de délinquance, de violence, de trafics de drogue. Hier, j’étais encore sur un plateau de télévision où j’entendais « les émeutes urbaines de Tourcoing ». C’est un combat de bandes rivales de drogue qui se battent contre la police. Ça n’a rien à voir avec les gens de ce quartier qui en subissent les nuisances, mais qui ne sont pas comme ça. Ce ne sont pas des émeutes urbaines. Donc, arrêtez de me dire que tel quartier, c’est une catastrophe, et qu’ils sont tous des violents et des méchants. Ce n’est pas vrai. Moi, je crois que l’un des objectifs de notre programme, c’est de faire de cette région la région la plus apprenante d’Europe. Pour inciter les gens à la formation, il faut montrer que d’abord, c’est fun d’apprendre. Le plaisir d’apprendre, c’est quelque chose de très important dans toutes les catégories. Donc la notion de mentorat, la notion de faire parler des gens sur tous les canaux de communication qu’on peut avoir à la région, et on est puissant là-dessus, sur le fait que c’est important et que c’est fun d’apprendre, de partager l’expertise, d’arrêter de considérer que le travail, c’est une espèce de truc qui serait dû à l’argent. Et aussi ce plaisir de faire, ce plaisir d’agir. Finalement, on a réduit dans un schéma un peu marxiste la valeur humaine a une valeur d’argent. Ça ne veut pas dire qu’il ne faut pas payer les gens, évidemment. Évidemment que le salaire est important et que chacun soit payé pour son travail. La deuxième chose, c’est qu’il faut multiplier les lieux de formation. Il faut arrêter de centraliser dans certaines écoles. Moi, j’ai été sept ans président de l’EM Lyon. Première décision que j’ai prise, j’ai décentralisé l’EM Lyon à Saint-Étienne. Tout le monde m’a dit « tu es taré, mais qui va aller étudier à Saint-Étienne ? ». En fait, contrairement à ce que tout le monde a pensé, ça a été un énorme succès et il y a aujourd’hui énormément de jeunes qui se rendent là-bas. Il ne faut pas hésiter à implanter des structures de formation au cœur des endroits où, justement, on les attend. Je crois que c’est très important. On va monter une école de codage numérique au milieu d’une banlieue où on ne voyait pas ce qu’on pouvait leur apprendre, pour rependre l’avis de certains. Et là, on s’aperçoit qu’il y a des grosses surprises parce que c’est cette notion de planter des arbres de la connaissance, plutôt que de faire de la reconquête républicaine, qui marche. Dans ces terreaux-là, ils fleurissent à la vitesse de la lumière. Donc là, il faut être très, très proactif, quitte à donner de la subvention, à trouver des locaux, et mettre à disposition ces locaux. Il faut absolument être proactif dans toutes les volontés de planter des arbres de la connaissance dans les banlieues.