Le président Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée nationale, provoquant une onde de choc politique. Abdel Yousfi, candidat pour le nouveau Front populaire PCF dans la 11ᵉ circonscription du Rhône, revient sur les raisons de cette décision, la nécessité pour les communistes de retrouver leur voix et la façon dont ils envisagent de travailler avec les autres partis et les maires locaux.
Lyon Bondy Blog : À la suite des élections européennes du dimanche 9 juin, le président Emmanuel Macron a décidé de dissoudre l’Assemblée. Est-ce que cela a été un séisme politique ?
Abdel Yousfi : On ne s’y attendait pas. Mais depuis plusieurs mois, on pouvait déjà voir les prémices de cette dissolution. La situation devenait de plus en plus tendue, notamment au moment de la réforme des retraites qui a dû être imposée en force. À ce moment-là, il était évident que cela ne pouvait plus continuer ainsi. Personnellement, je m’y attendais un peu plus tôt. Mais au soir des européennes, pour la continuité de son mandat présidentiel, cela devenait intenable. Je pense qu’il a tenté un coup de poker.
LBB : N’aurait-il pas dû le faire suite au vote de 2022, étant donné qu’il n’y avait pas de majorité relative et que la situation était compliquée dès le début ?
A.Y : Il aurait dû le faire à ce moment-là, mais il ne l’a pas fait, simplement parce qu’il avait déjà annoncé les réformes qu’il voulait mettre en place. Il a tenu à les mettre en œuvre, malgré les difficultés, comme la réforme de l’assurance
chômage qui a plongé de nombreux travailleurs et travailleuses dans le désarroi. Il s’est servi des élections européennes pour évaluer les risques pour ces élections législatives. Les résultats ont été finalement négatifs pour lui, ce qui l’a poussé à
dissoudre l’Assemblée. La gauche, notamment les écologistes, a rapidement organisé une réunion pour définir les tenants et aboutissants d’un programme commun.
LBB : Est-ce que cela a été une bonne chose pour les communistes de rejoindre ce mouvement ?
A.Y : Oui, cela a été une très bonne chose. C’est dans la continuité de la réforme des retraites, où une intersyndicale solide a tenu tout au long de la bataille et au-delà. De nouveaux secrétaires généraux ont poursuivi cette dynamique,
renforçant la légitimité et la nécessité pour la gauche de continuer sur cette voie. Il était crucial que les partis de gauche se rassemblent à nouveau, surtout après que les associations et les syndicats aient réussi à maintenir cette union. Les Insoumis
ont le plus de candidats avec 229, suivis par le Parti socialiste avec 175, les écologistes avec 92 et enfin le parti communiste avec 50 candidatures.
LBB : Est-ce que c’est le moment aussi pour redonner un peu de force aux communistes ?
A.Y : Cette élection est plus que jamais le moment pour les communistes de se faire entendre. Il est essentiel de porter une voix sincère. Il ne s’agit pas seulement de faire le buzz, mais de travailler sérieusement avec nos concitoyens.
Bien que nous ayons été inaudibles pendant longtemps, en partie à cause de positions virulentes du passé, il est maintenant temps de montrer une vision claire et un programme solide pour l’avenir.
LBB : Justement, vous avez quand même quelques figures emblématiques au PCF, comme le député Chassaigne dans le Puy-de-Dôme et Fabien Roussel, mais le nombre de députés à l’Assemblée reste faible. Comment expliquez-vous cela ?
A.Y : Le PCF a connu des moments forts jusqu’aux années 80, mais depuis, il a traversé une période de transition interne. Bien que notre cap soit resté le même, notre approche a évolué, ce qui demande du temps pour être compris et suivi.
LBB : Olivier Faure a décidé, en accord avec tout le monde, que le plus grand groupe politique déterminerait le Premier ministre. Que pensez-vous de ce choix ?
A.Y : C’est une proposition, mais je pense qu’il est trop tôt pour désigner un Premier ministre. Il faut d’abord mener et gagner la bataille électorale. C’est comme dans une Coupe du monde : il faut d’abord gagner les matchs avant de décider qui ramassera la coupe.
LBB : Si demain, un candidat du PCF devenait Premier ministre, quelle serait la loi mise en avant dans les quinze jours ? Quel serait votre travail ?
A.Y : La loi serait élaborée de manière concertée avec les autres partis. Personnellement, je m’engagerais à abroger la réforme des retraites et à revenir à ce qui existait auparavant. Ensuite, nous consulterions les citoyens pour définir la
réforme des retraites qu’ils souhaitent. Il y a plusieurs moyens économiques de parvenir à cela, notamment en réactivant les axes détruits par Macron, comme la redistribution de la valeur ajoutée et des dividendes.
LBB : Il y a des divergences, notamment avec les écologistes, sur le nucléaire. Comment allez-vous travailler avec les écologistes sur cette thématique ?
A.Y : Il est nécessaire de travailler ensemble. Le tout nucléaire n’est pas envisageable, mais il ne serait pas non plus judicieux de sortir complètement du nucléaire. Nous devons développer des alternatives, comme l’éolien et l’hydraulique,
pour réduire notre dépendance au nucléaire.
LBB : Que pensez-vous de cette hausse de 200€ du SMIC ?
A.Y : Alors ça, c’est un point de vue économique où l’on regarde uniquement la dépense. Quelqu’un qui a une hausse de son salaire, donc une amélioration de son pouvoir d’achat, ne va pas épargner cet argent, mais l’utiliser, le consommer. Cela relance donc la machine de la consommation, de la production, et donc du capital. On dit souvent que les partis de gauche vont dépenser sans rien récolter. Dépenser signifie sortir de l’argent, c’est un peu comme faire un crédit. Cela
dépend de l’utilité de la dépense. Si c’est pour aller en voyage, cela n’a pas une utilité immédiate. Mais si on dépense dans le service public, cela façonne la vie de nos concitoyens. Sans service public, il n’est pas possible de vivre en communauté.
Dans un village ou une petite ville sans poste, hôpital ou école, la vie devient impossible. On est obligé de faire 50 kilomètres pour se soigner, de prendre les transports ou son véhicule pour emmener ses enfants à l’école. Ce n’est plus
tenable. Et même pour l’environnement, c’est très mauvais. Il faut donc réinjecter de l’argent dans des projets utiles et nécessaires à la vie en communauté. Aujourd’hui, on voit que cela a subi beaucoup d’aléas, de tracas et de destructions.
On a parlé des circonscriptions, notamment la grande ville de Givors qui souffre vraiment. Ce n’est pas facile d’être Givordin. Assumer ces devoirs, ce n’est pas facile. Cette ville a une mauvaise image, même la circonscription. Comment lui
redonner un peu de son blason ? Givors a perdu les moyens de soigner ses citoyens. L’hôpital de Montgelas voit sa capacité diminuer de jour en jour. Nous avons un problème de médecins généralistes et de chirurgiens-dentistes. Tous ces problèmes
peuvent être résolus en investissant dans des services publics qui servent l’utilité générale, ramenant ainsi une dynamique dans la ville et favorisant l’installation de commerces de proximité. Sans ces services publics, il n’y a pas de consommation
locale. Les gens qui vont toucher 200€ de plus sur leur salaire iront consommer auprès de ces commerces de proximité. Cela relance toute une machine économique qui était à l’arrêt.
LBB : Et comment allez-vous travailler avec le maire de Givors ou les autres maires, et la communauté de communes ?
A.Y : Mais si on écoute, et non pas simplement entend, comme les prédécesseurs ou l’actuel qui a été mis en suspens, ce n’est pas juste un timbre qu’il faut, il faut écouter. Les maires réclament justement ces modifications et cette nécessité. Il suffit juste de les écouter, de travailler ensemble avec eux et d’apporter satisfaction. Ça va rouler tout seul. Alors, si vous avez une dernière phrase à ajouter pour cette interview, il faut écouter la population, ramener de la justice sociale parce qu’on subit une grosse injustice, une discrimination. Il faut surtout redonner espoir à la population. Tous ces gens qui s’abstiennent parce qu’ils ne se sentent pas entendus, pas écoutés, laissés pour compte, laissés sur le bord de la route, et qui aujourd’hui, pour
certains d’entre eux, votent dans les extrêmes pour essayer de donner un coup de pied à la fourmilière. Ce n’est pas un vote d’adhésion, j’en suis persuadé. Il faut redonner l’espoir. Comment ? Avec une faisabilité, une réalité, un programme qui tient la route et le programme qui a été édité et qui tient la route.