La Ville des Lumières jouit d’une scène d’improvisation théâtrale qui dépasse les frontières, notamment grâce à la Ligue d’Improvisation Lyonnaise (Lily), organisatrice de matchs internationaux au Transbordeur.
La Lily fait partie des rares compagnies professionnelles de théâtre d’improvisation en France. Elle a été créée par une poignée d’improvisateurs en 1991 au début de la discipline dans l’hexagone, en premier lieu pour organiser des matchs d’improvisation. Elle s’est agrandie et diversifiée tout au long de son existence : elle compte aujourd’hui dix-huit comédiens professionnels, qui viennent d’univers très différents, et deux salariés permanents dans l’administration.
La Lily et ses spectacles d’impro pour tous
Elle propose des spectacles pour les profanes et les entreprises. Leurs créations du moment, dont On purge Feydeau (au théâtre Melchior de Charly, le 5 février) ou Shakespeare or not Shakespeare (au théâtre de l’Iris à Villefranche le 10 février), proposent des pièces improvisées à la manière d’un auteur. Pour ces représentations, les comédiens travaillent au préalable la dramaturgie de l’auteur en question, comme les quiproquos, la différence de classes sociales entre les personnages, l’abondance d’apartés…
Edeline Blangero, membre de l’organisation depuis presque quinze ans, confie que ce qu’elle apprécie avec le théâtre d’improvisation, c’est l’idée d’« incarner tous les corps de métiers en même temps, comme être à la fois auteur et metteur en scène ». Mais, elle rappelle que l’improvisation a eu du mal à gagner ses lettres de noblesse. Pourtant, c’est une forme théâtrale pratiquée depuis l’Antiquité, en passant à la Renaissance par la célèbre Commedia Dell’arte. Elle consiste à mener une représentation sans un texte écrit récité par cœur mais en fixant, par exemple, seulement une trame et des personnages. Le théâtre d’improvisation a longtemps été considéré comme un simple exercice pour les comédiens, ou comme une forme d’écriture au plateau, c’est-à-dire un moment de la création d’une pièce pendant laquelle les comédiens jouent en imaginant des situations en direct afin d’enrichir l’intrigue ou les personnages. Mais cette relégation à une pratique théâtrale mineure était sans compter sur l’invention géniale de quelques improvisateurs québécois…
Le Match d’Impro, un spectacle populaire
Le concept du Match d’improvisation a été inventé en 1977 au Québec par Robert Gravel, qui souhaitait casser l’élitisme du théâtre. Les terrains de hockey sur glace étant inutilisés pendant l’été, il a eu l’idée avec des camarades de parodier le décorum et les règles de ce sport afin d’explorer de nouvelles formes théâtrales et d’approche du public. Ainsi, lors d’un match d’improvisation, une partie du cérémonial du match de hockey est repris. Les six comédiens, trois par équipe, sont vêtus d’un maillot numéroté et prennent place dans une mini-patinoire de hockey. Ils sont surveillés par deux coachs et trois arbitres, dont deux assistants, qui portent chacun un t-shirt rayé noir et blanc.
Le rôle de l’arbitre principal est très important car c’est lui qui donne les thèmes et les catégories des échanges (comme par exemple jouer à la manière de Molière) et qui siffle les fautes. Ces dernières relèvent d’un vocabulaire foisonnant, comme le « cabotinage » qui désigne un moment où un joueur attire toute l’attention sur lui au lieu de construire une histoire avec son adversaire, ou encore la « rudesse excessive », quand un joueur refuse les idées d’un autre ou impose démesurément son histoire à l’adversaire.
On comprend alors qu’un match d’improvisation ne consiste pas seulement à voir deux équipes s’affronter à tour de rôle sur le même thème. En effet, entre des « improvisations comparées » prennent place des « improvisations mixtes » pendant lesquelles un joueur de chaque équipe doit construire une histoire avec son adversaire. Il y a trois rounds de 30 minutes ou deux fois 45 minutes. Les affrontements au sein de chaque round durent entre 30 secondes et une dizaine de minutes, à l’issue desquels le public vote pour la meilleure prestation.
Les Matchs d’improvisation internationaux au Transbordeur
La Ligue d’Improvisation Lyonnaise, forte de ses relations avec des compagnies québécoises, belges et suisses, organise des matchs internationaux d’improvisation à la salle du Transbordeur, qui a une capacité d’environ 900 places. Elle fait le choix des équipes invitées et est responsable de toute la gestion du spectacle, de la location de la salle à la communication. L’évènement a aujourd’hui une grande ampleur puisqu’il fait à chaque fois salle comble. Le dimanche 30 janvier 2022, l’équipe lyonnaise affrontera pour la première fois la Suisse, avant le clou du spectacle contre la redoutable Ligue Nationale d’Improvisation québécoise le dimanche 27 mars 2022.
L’ambiance de ces spectacles est grisante car les temps de jeux alternent avec un cérémonial animé par un maître de cérémonie et un musicien, et le public ainsi que les joueurs n’hésitent pas à invectiver l’arbitre, prolongeant le comique. Edeline Blangero, qui a participé pendant plusieurs années à ces matchs en tant que comédienne, assure que l’atmosphère est « familiale, foisonnante, électrisante » et que « l’esprit de compétition est toujours mis au service du spectacle ».
Néanmoins, vous n’avez pas besoin d’attendre janvier 2022 pour assister à un match d’improvisation ! En effet, le café-théâtre l’Improvidence, dans le troisième arrondissement de Lyon, organise régulièrement des compétitions régionales. Entre l’Improvidence, salle de référence pour les compagnies françaises, suisses et belges qui veulent tester leur spectacle et se faire connaître, et la Ligue d’Improvisation Lyonnaise, qui organise des matchs dépassant les frontières, Lyon peut être fière de sa place internationale dans la promotion du spectacle vivant.