En suivant la préparation d’un défi d’endurance hors norme, Le Courage d’Oser trouve un équilibre singulier entre cinéma de paysage et étude de caractère, livrant un portrait pudique d’un homme en quête de sens autant que de sensations fortes, sans jamais céder au spectaculaire facile. Une mise en scène au service du corps.
La première qualité du film tient à son attention constante au corps en effort. La caméra reste proche du protagoniste, guettant la respiration courte, le geste qui tremble, la foulée qui se délite au fil des kilomètres. Plutôt que de multiplier les effets, la réalisation assume une certaine sobriété, presque documentaire dans son approche, qui laisse au spectateur le soin de ressentir physiquement la fatigue et la progression.
Cette modestie de la mise en scène a un revers : par moments, le dispositif semble hésiter entre simple captation d’entraînement et véritable écriture de cinéma. On aurait aimé que certains plans, notamment dans les paysages de haute montagne, assument plus franchement leur dimension contemplative, tant le décor se prête à un dialogue visuel plus ambitieux entre l’homme et l’immensité qui l’entoure.

Un récit de doute plus que de gloire
Là où Le Courage d’Oser se démarque d’une énième ode au dépassement de soi, c’est dans la place qu’il accorde au doute. Le protagoniste ne se présente jamais comme un héros invincible : les moments de fragilité, de lassitude, voire de découragement, affleurent régulièrement dans le montage, dessinant peu à peu le portrait d’un homme qui se confronte autant à ses limites psychologiques qu’à ses limites physiques.
Cette approche, assez rare dans le cinéma sportif, donne au film une tonalité plus intime qu’attendu. Le spectateur n’est pas pris à témoin pour admirer la réussite finale, mais pour partager un cheminement, avec ses bifurcations, ses zones grises, ses prises de conscience successives. Sans en révéler les aboutissements, on peut dire que le film s’intéresse davantage à la manière dont ce défi transforme le personnage qu’au résultat brut de la course.
Une dramaturgie parfois trop balisée
Si le film évite le spoiler facile de ses propres enjeux, sa structure dramatique reste assez classique : montée en préparation, crise, puis résolution. Cette construction efficace garantit la lisibilité du récit, mais s’appuie sur des ressorts attendus du genre, au risque de lisser ce qui aurait pu faire sa singularité. Certaines séquences semblent cocher les cases obligées du documentaire inspirant plutôt que de pousser plus loin la réflexion esquissée sur la notion de courage.
On sent pourtant par instants poindre un questionnement plus riche : qu’est‑ce qui distingue le véritable courage d’un simple goût du défi ? Où s’arrête l’épanouissement et où commence l’obsession ? Le film ouvre ces pistes sans toujours les explorer pleinement, préférant revenir vers une narration plus consensuelle, sans doute pour préserver son accessibilité au plus large public.

Un film sincère, porté par son personnage
Le Courage d’Oser repose beaucoup sur la personnalité de son protagoniste, dont la sincérité apparente et la relative normalité constituent un atout. Loin des stars de haut niveau, le film propose le portrait d’un homme que l’on pourrait croiser dans n’importe quel club d’endurance, ce qui renforce l’identification et donne à la conclusion une résonance discrètement émouvante, sans grands effets.
On peut regretter que la mise en scène n’aille pas toujours au bout de ses ambitions et que certaines pistes restent à l’état d’esquisse, mais le documentaire a le mérite de ne jamais trahir son sujet ni de se réfugier dans le spectaculaire creux. Pour qui s’intéresse aux récits sportifs où l’essentiel se joue autant dans la tête que sur la route, Le Courage d’Oser offre une proposition honnête et humaine, qui donne envie moins de se dépasser que de s’interroger sur ce que signifie, pour chacun, « oser ».
Après la projection du film, nous avons pu rencontrer Matthieu Andreux et Olivier Balaguier-Mussat. Interview.




