Le 6 novembre, l’association féministe Alyon-nous a obtenu une victoire importante devant le tribunal administratif de Lyon. Après avoir lancé trois procédures pour dénoncer la censure de l’Université Lyon 3, le juge a suspendu la décision de la présidence : la conférence initialement annulée a finalement pu se tenir.
« C’est une victoire pour toutes celles et ceux qui refusent la censure politique des voix féministes, anticoloniales et pro-palestiniennes », salue le collectif étudiant, créé en 2017 au sein de l’université. Depuis un an, Alyon-nous tente d’organiser des événements autour de la guerre en Palestine, mais plusieurs conférences ont été refusées au nom du « risque de trouble public ». Avec l’avocate Célia Bert Lazli et le collectif Legal Team Antiracistes, l’association dénonce des interdictions « systémiques » de la part de l’Université Lyon 3 et porte l’affaire devant le tribunal administratif.
Un schéma de refus répété
Plusieurs sujets de rencontre ont été refusés : la participation des femmes à la lutte palestinienne avec Rima Hassan le 28 mars 2024, puis celle sur l’intersectionnalité et la convergence des luttes antiracistes et féministes qui devait avoir lieu le 31 mars. Le point de non retour ce passe en septembre/octobre 2025 lorsque le collectif s’est vu refuser une nouvelle fois une conférence nommée : « Femmes et génocide, réalités palestiniennes ». L’université leur reproche un manque de moyens financiers et de ressources humaines pour assurer la sécurité de l’événement.
Pourtant, l’association assure mettre en place tous les moyens possibles pour garantir la sécurité de tous : billetterie, contrôle des entrées, devis de sécurité transmis à la présidence. « En tant qu’association étudiante, on sent qu’on ne peut pas aborder des sujets liés à la Palestine et c’est problématique», déplore le collectif.
L’association pointe aussi un traitement inégal. « L’argument du risque de trouble public est utilisé à géométrie variable. On sait qu’ils ont les moyens d’assurer la sécurité des conférences, car ils l’ont fait pour d’autres événements. » L’association s’explique en référence à une rencontre organisée par le collectif l’UNI avec comme invitée la députée LR Hanane Mansouri, accompagnée d’un dispositif policier important. « Quand on nous met “trouble à l’ordre public” sur le dos, on a l’impression que c’est toujours les mêmes qui doivent se taire par peur de l’extrême droite, et ce n’est pas normal. »
« Il faut stopper cette censure politique »
Le tribunal administratif a finalement donné raison à Alyon-nous. Selon le compte rendu : la conférence organisée sous le nom « Femmes et génocide, réalités palestiniennes » ne présente pas de caractère particulièrement militant ou polémique susceptible d’entraîner des réactions liées à un trouble public. « Pour nous, cette décision veut dire que parler de la Palestine aujourd’hui, c’est d’intérêt public. »
Durant l’audience, le juge a rappelé l’importance des libertés d’expression et de réunion, deux piliers fondamentaux du débat universitaire. Le lendemain, le délibéré est tombé : le refus de Lyon 3 constitue une atteinte grave et manifestement illégale à ces libertés. L’université a alors donné son accord, et la conférence a été organisée dès le 12 novembre. « Le but de notre conférence était de montrer les violences que peuvent subir les femmes », rappelle le collectif.
« Ce n’est pas normal de ne pas pouvoir parler d’un sujet, surtout dans un lieu comme la fac, car c’est un milieu où l’on forme des étudiants, des politiques, des juristes et des citoyens. » Ce n’est pas la première fois qu’une université est rappelée à l’ordre pour avoir annulé un événement universitaire au sujet du conflit israélo-palestinien. En 2024, le tribunal administratif de Strasbourg a estimé que le refus d’autoriser une conférence avec Rima Hassan portait atteinte à la liberté d’expression. Pour Alyon-nous, le message est clair : « Ne pas céder à la peur et à l’intimidation des censures : on doit pouvoir parler librement des sujets qu’on veut, c’est la base d’une démocratie. »




