Le 5 juillet 1962, tandis que l’indépendance de l’Algérie est proclamée, des militaires français sont dans le désert pour poursuivre des essais nucléaires et chimiques.
Le 5 juillet 1962 tandis que l’indépendance de l’Algérie est proclamée, les français quittent le sol algérien pour rentrer en métropole mais ils ne sont pas tous au départ. Jusqu’en 1966, des militaires français sont confinés dans le Sahara pour poursuivre des essais nucléaires et chimiques commencés dès 1960. Retour sur un dossier longtemps placé sous silence.
Pour en savoir plus, Azzedine et moi nous rendons à St-Just (Lyon Ve) où Patrice Bouveret, 53 ans, président du centre de documentation et de recherche sur la paix et les conflits connu aussi sous le nom de l’observatoire des armements de Lyon nous reçoit entre les revues et les piles de journaux. Il en sait long sur la question du nucléaire français. D’ailleurs, le 13 et 14 février 2007, il s’est même rendu en Algérie, convié parmi les experts pour un colloque à Alger sur la question des essais nucléaires et pour une visite du site d’In-Eker, près d’Hammoudia. Avant de commencer, j’allume ma caméra pour enregistrer nos propos mais ma carte SD manque à l’appel. Je me saisis alors de mon calepin perdu dans mon sac, Azzedine tend déjà l’oreille. « Les essais nucléaires se sont produits de 1960 jusqu’à 1966 en Algérie et en Polynésie. En Algérie, ils se sont produits sur le site de Reggane pour les essais atmosphériques et à In-Eker où l’armée procédait à des essais sous-souterrain », commence l’homme.
Mais en 1962, l’Algérie a proclamé son indépendance. Comment ces essais ont-ils pu se poursuivre ?
Le gouvernement algérien voulait absolument l’indépendance qui se profilait au niveau politique. Par contre, au niveau militaire, la France était mieux armée, l’Algérie aurait pu perdre la guerre sur ce terrain. Alors dans les accords d’Evian, le FLN (Front de Libération Nationale) et le gouvernement français ont négocié une clause secrète : l’indépendance contre la poursuite des essais nucléaires dans le désert durant une certaine période. Après le gouvernement a continué ses essais en Polynésie, loin de la métropole française.
Que s’est-il passé ensuite ?
Quand la France est partie, les militaires algériens ont démantelé les sites. En février 2007, à la suite d’un colloque sur la question des essais nucléaires en Algérie, on nous a conduit sur le site In-Eker. Il n’était pratiquement pas protégé. Il y avait quelques panneaux qui interdisaient le passage et un barbelé troué mis en place il y a plus de dix ans. Sur ces sites, il reste du matériel et notamment des câbles et du cuivre, très recherchés. Certaines personnes viennent se servir directement sur le site.
Que risque la population ?
Des experts du groupe ont procédé à des tests de radioactivité. 12 heures sur le site d’In-Eker équivaut à un an de radioactivité admissible, acceptable. C’est énorme. Ces essais se sont produits dans le désert et le sable a absorbé des résidus radioactifs qui se déplacent avec le vent. Il faut savoir que la radioactivité comporte plusieurs éléments dangereux et qui n’ont pas la même durée de vie : 8 jours ou 20 000 à 30 000 ans.
Pourquoi les gens ne réclament-ils pas des indemnités, ne serait-ce que pour pouvoir se soigner ?
La population nomade a été touchée, des gens du Niger, du Mali et des pays voisins qui venaient travailler sur ces sites sont concernés aussi. Beaucoup ne savent pas que la radioactivité des sites sont la cause de leurs cancers, leurs maladies ou leurs malformations. Il faut savoir qu’il peut se passer entre 20 et 30 ans avant que les maladies se déclarent. En Algérie, Mohamed Bendjebbar, de l’association algérienne des victimes des essais nucléaires français essaient de recueillir des témoignages et d’informer la population. Quant au gouvernement algérien, il n’a jamais demandé à la France de reconnaître explicitement ces effets. Il doit quand même l’utiliser dans certaines négociations politiques.
Les conséquences des essais nucléaires ont aussi touché des vétérans français. Réclament-ils réparation ?
Il existe l’association AVEN dont le président, Jean-Louis Valatx est un ancien médecin militaire qui s’est rendu sur les sites. L’association AVEN recueille les témoignages des vétérans et tente de pousser le gouvernement français à voter une proposition de loi pour la reconnaissance des conséquences des essais nucléaires et l’indemnisation des victimes. Le dernier travail en cours est de réunir un comité de personnalités qui adhére à notre cause.
Propos receuillis par Azzedine Benelkadi et Naïma Daïra