Hier, le Premier ministre François Bayrou a prononcé son discours de politique générale. Face à un hémicycle divisé, le Premier ministre a tenté de rallier une majorité autour de son programme, mettant l’accent sur des réformes économiques et sociales.
Après des négociations intenses avec les forces politiques (soutien et opposition) et les organisations syndicales et économiques, François Bayrou a détaillé sa feuille de route aux parlementaires. Parmi les interlocuteurs reçus à Matignon, le Parti Socialiste (PS) s’est montré disposé à soutenir les initiatives de Bayrou. La potentielle adhésion du PS à la volonté gouvernementale, en opposition avec l’attitude réservée de la France Insoumise (LFI), laisse planer des questions sur l’avenir du Nouveau Front Populaire (NFP), coalition qui avait émergé dans le sillage des précédents scrutins.
Les annonces importantes
L’allolucation de François Bayrou a révélé plusieurs mesures importantes. Le Premier ministre n’a pas prononcé la suspension de la réforme des retraites mais il s’est engagé à une « remise en chantier » sur la base d’une mission flash de la Cour des comptes pour évaluer la situation financière du système. Sur la question de la santé, Bayrou a annoncé une hausse de l’Objectif national des dépenses d’assurance maladie (Ondam) de 3,5% pour 2025, soit 8 milliards d’euros supplémentaires pour la santé. Il a aussi indiqué : « A cette fin, la mesure de déremboursement des certains médicaments et de consultations ne sera pas reprise ». Il a également promis un effort budgétaire réduit pour les collectivités territoriales, limitant la baisse de leurs dotations à 2,2 milliard d’euros au lieu des 5 milliards initialement prévus. François Bayrou souhaite orienter le budget « vers un retour à l’équilibre, nécessairement pluriannuel et respectueux ». Sans plus de précision, le gouvernement revoit simplement ses prévisions de croissances : Au lieu de 1,1 % de croissance, « fixons (la prévision) à 0,9 %, conformément aux prévisions de la Banque de France », annonce François Bayrou. Plus globalement, le Premier ministre entend réconcilier les Français entre eux mais aussi avec l’Etat. Un premier pas vers l’idée d’un consensus dans l’intérêt général
La motion de censure déjà déposée
Malgré tout, une motion de censure a été déposée par les députés LFI, les communistes et les Ecologistes après le discours. « Le refus du Premier ministre de solliciter un vote de confiance de l’Assemblée nationale à l’issue de sa déclaration de politique générale est un aveu », estiment les signataires de la motion de censure. « Alors que le président de la République assume de nommer un gouvernement contre le vote des citoyens, le Premier ministre compte gouverner sans le vote de confiance des députés. Nous refusons de banaliser ce coup de force, inédit parmi les démocraties parlementaires. »
L’ultimatum est posé
Du côté des socialistes, Olivier Faure, numéro un du parti, estime que « le compte n’y est pas ». Le PS, qui semblait plutôt ouvert aux débats et à l’idée de trouver un consensus, sort insatisfait de la déclaration de politique générale. Olivier Faure admet en revanche que « sur la question essentielle des retraites, le Premier ministre a entrouvert la porte ». Le PS pose tout de même un ultimatum à François Bayrou. Les socialistes voteront la motion de censure ce jeudi tant qu’il n’y aura pas de « réponse claire » sur la question des retraites. En d’autres termes, Olivier Faure exige que le Parlement soit « saisi de la question des retraites » quoiqu’il arrive. Si cette condition était remplie, les socialistes sortiraient de l’opposition pour travailler avec le gouvernement.
L’avenir de la gauche
Toujours est-il que LFI observe d’un très mauvais œil les socialistes qui tentent de faire consensus avec le gouvernement. Pour Jean-Luc Mélenchon, leader des Insoumis, le PS a mis le Nouveau Front populaire « à terre » en négociant avec le gouvernement sur la réforme des retraites. L’issue de ces négociations et le vote sur la motion de censure déposée par LFI dans les prochains jours seront cruciaux. Ils détermineront non seulement l’avenir du gouvernement Bayrou, mais aussi celui de la gauche française. La fin du NFP, si elle se confirme, pourrait redessiner le paysage politique français pour les années à venir. Cette situation peut signifier un retour à une configuration plus traditionnelle de la gauche française, avec un PS centriste et une gauche radicale incarnée par LFI. Ou bien le risque d’un affaiblissement durable de la gauche, incapable de présenter un front uni face au gouvernement.
Quoi qu’il en soit, les prochains jours s’annoncent décisifs pour l’avenir politique de la France. Le pays, qui a connu une instabilité chronique depuis la dissolution de l’Assemblée nationale en juin 2024, pourrait enfin trouver un équilibre politique. Mais à quel prix pour la gauche ? Alors que les élections municipales de 2026 se dessinent, Mélenchon affirme qu’« Il y aura partout des listes insoumises. Prêtes aux municipales, pour l’union ou pour être proposées au vote. » Comprenez qu’en cas de désaccords au sein du NFP, les Insoumis présenteront une liste autonome. Cela signifierait une nouvelle fracture de la gauche mais aussi une porte ouverte à l’extrême-droite, que le front de gauche avait repoussé de peu aux dernières législatives.
Article signé par Charlotte Faubert