Partie 2 : Olivier Dugrip veut un discours novateur envers les formations professionnelles et les internats

Le recteur de l’académie de Lyon Olivier Dugrip, figure clé du paysage éducatif régional du fait de ses fonctions de recteur de région académique et chancelier des universités, joue un rôle crucial qui s’étend bien au-delà des écoles et des collèges.

LBB : On va revenir un sur du concret et sur notamment les Worldksills qui ont eu lieu au mois de septembre. C’était une super promotion pour les métiers manuels !

OD : Oui, sans modestie, on a permis à 50 000 jeunes d’Auvergne-Rhône-Alpes d’aller découvrir tous ces métiers avec des jeunes gens aux formidables savoir-faire. Cette capacité de concentration chez les jeunes compétiteurs est impressionnante. C’est un défilé permanent et ils sont concentrés sur leur travail et n’entendent rien, ne regardent rien.

Je trouve ça formidable. Et c’est aussi une belle promotion pour les jeunes qui étaient issus des CFA au sein de la région.

Là aussi, je vais être immodeste, puisque l’on a été dans le cadre national, la première région de France par le nombre de compétiteurs et de médaillés. C’est un très beau résultat qui prouve la qualité de l’enseignement professionnel et des métiers dans la région académique.

LBB : Et comment justement faire encore plus de promotion sur ces métiers manuels ? Parce que pendant des décennies ça a été un discours qui disait si tu es nul à l’école tu vas faire apprenti. Comment changer ce discours en disant qu’au contraire, ce sont ceux qui sont doués qui vont dans la filière professionnelle et en apprentissage ?  Comment changer cette image ?

OD : En les amenant, dans le cadre de leur formation, voir des professionnels pour leur montrer la réalité des métiers. En leur permettant de laisser s’exprimer leurs goûts et leurs intérêts. J’ai souhaité développer l’enseignement professionnel dans l’académie de Lyon et la région académique Auvergne-Rhône-Alpes. Depuis que je suis recteur de l’académie de Lyon, nous avons ouvert un peu plus d’un millier de places dans nos lycées professionels, ce qui est beaucoup. Je remercie également tous les professeurs qui ont fait un gros effort pour accueillir davantage d’élèves dans leur classe et leur prodiguer le même niveau d’enseignement de grande qualité.

On continue à ouvrir des sections d’enseignement professionnel. J’avais demandé au président de région Laurent Wauquiez qu’à chaque fois que la région construit un nouveau lycée, celui-ci comporte une section d’enseignement professionnel. Pour certains métiers, la qualité des plateaux techniques qu’il faut implanter dans les lycées est indispensable, et cela n’est possible que grâce à la qualité de notre relation avec le conseil régional.

Par exemple, pour un futur lycée à Caluire, nous nous sommes mis d’accord pour ouvrir des formations dans le champ de la bijouterie. Il y a une forte demande à Lyon sur ce secteur, c’est pour ça que nous l’avons choisi. Il faut ouvrir des formations de qualité dans l’ensemble des champs professionnels. Nous avons l’année dernière cosigné une lettre de cadrage qui prévoit sur les quatre prochaines années la création de 2000 places dans les formations pour l’industrie, afin d’accompagner l’industrialisation de l’offre de notre région. Je pense notamment au secteur nucléaire qui est une des spécificités de la région Auvergne-Rhône-Alpes. Il va y avoir beaucoup de recrutements. Il faut donc que l’on soit en capacité de répondre à cette demande grâce à la formation de nos jeunes

LBB : Justement, comment se passe l’interface avec le monde professionnel ? Est-ce que vous avez des rendez-vous avec les syndicats professionnels, les chambres de commerce. Pendant très longtemps il y a eu un manque de communication très fort entre le monde professionnel et l’Éducation nationale. Comment faire pour que ces deux mondes là se parlent dans l’intérêt de la jeunesse et du pays ?

OD :  Ce sont des contacts au quotidien, avec le président de la Chambre de commerce, avec le président de la Chambre régionale des métiers pour ce qui concerne l’artisanat. Avec les grandes organisations professionnelles aussi. Nous travaillons fréquemment avec le MEDEF et la CGPME. Tous ces contacts-là sont très précieux pour construire l’offre de formation des jeunes, mais également pour leur permettre une insertion facilitée après leur parcours scolaire.

LBB : On a besoin d’un tel secteur, on a besoin de main d’œuvre et de gens compétents. Il faut développer la compétence. Ce sont des sujets que vous évoquez ?

OD : Oui, et cette relation est poursuivie sur l’ensemble de notre territoire, dans le cadre de ce que l’on appelle les CLEE, les comités locaux école-entreprise. Ces comités réunissent les chefs d’établissement, les représentants des équipes pédagogiques, les représentants des entreprises et des milieux professionnels locaux. Dans l’est lyonnais, cela fonctionne très bien par exemple. Dans ce cadre-là, nous pouvons organiser des stages pour nos élèves dans les entreprises, ou au contraire organiser la venue des professionnels dans nos établissements. C’est quelque chose qui est institutionnalisé et qui fonctionne très bien, dans une relation de proximité, entre personnes qui se connaissent, qui vivent au même endroit, qui connaissent le territoire et sont donc parfaitement à même de travailler ensemble.

Au niveau régional, la réflexion se mène avec le président du conseil régional. Nous décidons ensemble, le président et le recteur. La région fournit le plateau technique et l’Éducation nationale nomme les professeurs. Il est donc impératif que nous soyons en phase. Si je nomme des professeurs, mais que nous n’avons pas de plateau technique, on ne pourra pas faire grand-chose, et inversement. Il y a donc un besoin d’accord entre toutes les parties.

LBB : Au niveau du service civique, comment se fait-il que l’académie de Lyon ait récupéré ce dont s’occupait avant les services Jeunesse et Sport de la préfecture ?

OD :  C’est une décision de transfert prise par le gouvernement de l’époque. L’objectif était de transférer les missions de la direction régionale Jeunesse et Sports à l’Éducation nationale afin d’assurer une continuité entre le temps scolaire et le temps péri ou para-scolaire.

LBB : Mais il n’y a pas un risque de surcharge ? […]

OD :  Non je ne crois pas. J’ai la chance d’avoir à mes côtés des collaborateurs de très bon niveau, qui gèrent chacun leur domaine de compétence.

LBB : Je continue par rapport à l’actualité. À l’heure actuelle, l’actualité c’est l’éducation à la sexualité dans les établissements. Est-ce que pour vous c’est le rôle des établissements ?

OD :  Je vais attendre que les programmes soient publiés. Le rôle de recteur c’est de parler aux spécialistes, aux professeurs et non de faire de la politique. Je ne vais pas me prononcer sur le contenu des programmes, mais sur l’intérêt de cette éducation, oui je pense que c’est nécessaire.  Cela rentre bien évidemment dans le cadre de l’éducation au bien-être de l’enfant ou de l’élève. Et le bien-être ce n’est pas simplement la prévention des infections ou des maladies. Il faut que nos élèves soient épanouis. Et cela englobe tout ce qui touche à la vie sentimentale et aux relations entre filles et garçons.

Il faut néanmoins faire la part des choses. Le rôle de l’Éducation nationale n’est pas de se substituer aux parents. Nous devons rester dans un cadre d’apprentissage scientifique et de protection de la santé. Oui, bien sûr, on peut aborder d’un point de vue scientifique le mécanisme de la reproduction. Il est important d’expliquer aux garçons et filles le manière dont on conçoit un enfant, qui ne naît pas dans les choux, mais il y a une manière de le dire. Cette approche doit naturellement être adaptée et différente selon l’âge de l’élève auquel on s’adresse. On ne va pas raconter la même chose à un élève de CP et à un élève de terminale.

LBB : Donc selon vous cela devrait être en complémentarité avec l’éducation donnée par les parents ?

OD :  Oui bien entendu. Il doit y avoir une réflexion et des échanges avec les associations de parents d’élèves sur ce type de sujet.

Il y a des sujets qui relèvent des parents, de ce qu’ils doivent transmettre à leurs enfants. Et il y a l’approche scientifique, éducative, liée au bien-être et à la protection de la santé, qui justifie l’intervention de l’Éducation nationale.

Nous avons la chance d’avoir dans nos collèges et lycées, des infirmières et médecins scolaires. Nous sommes donc tout à fait capables de faire de la prévention et de l’orientation, et d’aborder ce type de sujets. On a parfois l’impression que beaucoup de gens parlent de ces sujets sans avoir pris la précaution de s’informer.

LBB : C’est pour cela que je voulais votre avis personnel.

OD :  Si l’on prenait le temps etc ….

LBB : J’ai une autre question, liée à notre époque. On observe de plus en plus de demandes pour des établissements proposant des internats? Il y en avait de moins en moins mais désormais la tendance semble s’inverser.

OD :  Oui tout à fait. On constate un regain d’intérêt pour les internats. C’est un phénomène relativement nouveau.

LBB : Depuis combien de temps à peu près ?

OD :  Depuis sept ou huit ans. Donc c’est assez récent. Sans doute à la suite de l’expérimentation des internats d’excellence. Cela a permis à certaines familles de prendre conscience que l’internat pouvait favoriser la réussite des élèves, même en dehors du cadre scolaire. Pour les élèves vivant loin de leur lieu d’étude, l’internat est une nécessité, presque « hôtelière » entre guillemets. Mais l’internat, ce n’est pas seulement un service de restauration et d’hébergement, c’est aussi un lieu de vie scolaire. On y retrouve des possibilités d’études surveillées, d’encadrement renforcé pour les enfants qui ont besoin d’un cadre structurant, qui peut aussi être enrichi d’un parcours avec des activités parascolaires, sportives, artistiques et culturelles.

Dans l’académie, nous répondons à cette demande croissante. D’ailleurs, nous avons un projet en cours dans le département du Rhône. Nous allons ouvrir un internat collège dans une zone rurale isolée, au nord du département dans le Beaujolais, près de la Saône-et-Loire. Ce projet permettra d’accueillir des élèves locaux ou venant d’autres territoires. Nous réfléchissons au projet éducatif qui accompagnera cet internat. C’est un investissement important de la part de l’État et du Conseil départemental qui se chiffre à plusieurs millions d’euros.

LBB : Parlons des questions plus sensibles ? Au sujet de la carte scolaire, comment assure-t-on l’égalité des chances? Vous êtes responsable de garantir l’égalité des chances entre l’élève qui va au lycée du Par cet celui qui va au lycée de Vaulx-en-Velin.

OD :  Oui c’est la même qualité d’enseignement. C’est ce que l’on vise. Les élèves bénéficient de la même qualité d’éducation avec des professeurs formés dans les mêmes écoles et universités. L’encadrement pédagogique est identique. La différence, au lycée du Parc, c’est la présence de professeurs de classes préparatoires aux grandes écoles (CPGE). Mais cela n’est pas lié au statut social de l’établissement. Les professeurs sont les mêmes. D’ailleurs dans le cadre des mutations, un professeur de Vaulx-en-Velin peut tout à fait venir enseigner au lycée du Parc et inversement.

LBB : Mais il y a quand même plus de chances d’atteindre les grandes écoles en sortant du lycée du Parc, non ?

OD :  Oui mais cela tient à l’offre de formation du lycée du Parc, notamment avec ses CPGE qui recrutent à l’échelle nationale. Ce recrutement se fait dans le cadre de Parcoursup. D’ailleurs, il y a bien plus d’élèves venant d’autres académies que venant de la région. La sélection repose sur les mérites et les résultats scolaires.

Le lycée du Parc, reflète aussi la volonté forte du proviseur d’accueillir des élèves boursiers. Il y a 20% d’élèves boursiers en classe prépa, ce qui est l’un des pourcentages les plus élevés de la région académique. C’est assez rare ailleurs. Dans la région, le lycée du Parc est exemplaire de ce point de vue. Nous sommes très attentifs à ce que l’égalité des chances soit une réalité dans tous nos établissements.

La rédaction

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