Alors que le Grand Lyon lance son premier festival de cinéma, avec en invité VIP, Clint Eastwood, les CNP (cinéma national populaire) de Lyon vivent une crise sans précédent. Fermeture du CNP Odéon au mois d’aôut par son propriétaire M.Moravioff, licenciement de 9 salariés début octobre, vétusté des salles, baisse de la fréquentation… Steve Gallepie, l’un des salariés des CNP, actuellement en procédure de licenciement, nous livre sa vision de la situation.
Pour tous ceux qui ne connaissent pas les CNP de Lyon, pouvez-vous en deux mots expliquer leur rôle ? Ce sont 3 cinémas (ndlr :Terreaux, Bellecour et Odéon) d’art et d’essai pur et dur. Nous proposons au public des films qui n’ont pas, à la base en tout cas, de vocations commerciales. Depuis 1970, date de la création des CNP à Lyon, nous avons diffusé des films de nouveaux auteurs qui sont devenus par la suite des réalisateurs très réputés et médiatisés comme Lynch, Almodovar, les frères Dardenne ou encore Eastwood.
Qu’est-ce qui provoque aujourd’hui cet état de crise ? Un manque d’aide politique, une mauvaise gestion, une désaffection des salles…. ?
C’est un faisceau de toutes ces raisons. Le Grand Lyon est clairement pro Multiplex *et ces derniers ont tellement de salles dans l’agglomération qu’ils peuvent désormais diffuser des films moins commerciaux qui, auparavant, n’étaient visibles que dans nos petites salles. Qui plus est, notre patron, M. Moravioff, n’est pas en très bon terme avec les distributeurs. Il ne leur reverse pas le pourcentage de vente des billets qu’il devrait et du coup, il y a une certaine méfiance à l’égard des CNP. C’est ainsi que, depuis plusieurs semaines, notre programme comporte de moins en moins de grands films d’auteurs. Les derniers que nous ayons pu obtenir ce sont « Un prophète » et « Inglourious Blaster ». Et c’est justement ce type de films qui incitaient les Lyonnais à venir au CNP pour ensuite découvrir de plus petites productions.
Il y a aussi le problème de l’état des salles ?
C’est évident. Depuis que M.Moravioff a racheté les CNP en 98, il n’a jamais pris soin de les entretenir. Pourtant, il touche une aide du Centre National des Cinémas allouée uniquement à l’entretien. Il nous a récemment annoncé qu’il allait enfin réaliser des travaux, mais bon, on attend de voir. Pour le moment, la situation est intenable. Les cabines de projection sont tellement vétustes que l’on ne sait jamais si les films seront diffusés correctement lors des séances !
Finalement, y a-t-il un avenir pour les CNP à Lyon ?
La situation n’étant plus tenable dans son état, nous pensons que M.Moravioff risque de vendre un autre CNP et de licencier de nouvelles personnes. Ainsi, il n’y aurait moins de frais de fonctionnement. L’autre alternative serait qu’il vende les 2 derniers CNP et que l’on trouve un nouvel investisseur prêt à mettre de l’argent pour rénover les salles. Et je peux affirmer que ce n’est pas une hérésie de vouloir reprendre les CNP à Lyon !
Alors que le Grand Lyon lance son premier festival de cinéma, quel regard portez-vous sur la cinéphilie aujourd’hui en France ?
Déjà, je tiens à dire que ce festival n’est pas une mauvaise idée. Après, est-il judicieux de mettre autant d’argent dans un festival alors que les petits cinémas sont en train de disparaître, j’en doute. Concernant votre question sur la cinéphilie, j’ai le sentiment qu’elle a beaucoup changé. Les gens sont moins curieux, prennent moins de risques, restent sur des films faciles. Sans doute y a-t-il une réflexion à avoir et un travail à faire auprès du public pour leur donner l’envie et la possibilité de voir des choses différentes…
* L’agglomération de Lyon compte 2 UGC et 4 Pathé.
Aller plus loin :
Les salariés sont soutenus par un collectif de spectateurs qui a déjà récolté plus de 6000 signatures pour une pétition de soutien.
http://www.soutenirlescinemascnp.org/
Auteur : Pascale Lagahe