Mi-novembre, une cinquantaine d’élèves, du lycée Robert Doisneau à Vaulx-en-Velin, ont rencontré l’autrice Cécile Oumhani. Un temps d’échange autour des thématiques de l’identité et de l’altérité et l’occasion pour les étudiants de confronter leurs interprétations à celle de l’auteure.
Lorsqu’un livre est terminé, le lecteur est souvent abandonné entre interprétation et questionnement. Qui n’a jamais souhaité rencontrer un auteur pour trouver des réponses à ses interrogations. Au lycée Robert Doisneau, à Vaulx-en-Velin, des élèves d’UPE2A (unité pédagogique pour élèves allophones arrivants) et de terminale HLP (spécialité humanité, littérature et philosophie) en ont eu l’occasion. Mi-novembre, ils ont rencontré Cécile Oumhani avec qui ils ont échangé durant près de deux heures autour des thématiques de l’identité et de l’altérité.
Une rencontre qui a permis aux étudiants d’UPE2A de poursuivre leur apprentissage. « On essaye d’apprendre la langue et la culture avec des projets comme celui-ci. », précise Nicole Desnoyers, enseignante de français référente de l’UPE2A. Quant aux élèves de terminale, ce moment s’inscrivait dans la continuité de leur travail : « Les écrits de madame Oumhani correspondent tout à fait au programme de la spécialité littérature, humanité et philosophie. On travaille sur la recherche de soi, sur les postures d’auteur et la réception d’un livre. C’était très important de rencontrer un auteur, justement pour poser des questions, notamment concernant l’interprétation des passages étudiés en classe. », explique Touria El Hammiri, professeur de lettres en charge de la terminale HLP.
« Dans une classe de 30 élèves, on peut trouver 30 interprétations différentes »
Comprendre un texte, un récit, passe souvent par l’interprétation. Au cours de l’année les élèves présents ont étudié certains passages d’« Une odeur de henné » de Cécile Oumhani. Lors de cette rencontre, ils ont pu confronter leur interprétation à celle de l’autrice. Un exercice compliqué mais très instructif selon Touria El Hammiri : « L’interprétation littéraire est un exercice qui permet de dévoiler des personnalités. Les élèves ont une façon de voir les textes. Cependant, ils n’osent pas aller au fond des choses. Ils n’osent pas vraiment lire entre les lignes. {…} Dans une classe de 30 élèves, on peut trouver 30 interprétations différentes. Ce n’est pas un problème, le plus important c’est de savoir justifier et argumenter. On sera entendu si on sait s’imposer, convaincre plus que persuader, bien évidemment. S’ils arrivent à convaincre dans leur vie future à travers des arguments bien installés, bien posés, on aura tout gagné ! ». Dévoiler des personnalités cela passe aussi par le questionnement de l’identité et comment apprendre à la connaître.
Développer son identité personnelle pour mieux vivre ensemble
Comprendre son identité pour mieux appréhender celle des autres. Pour Cécile Oumhani, il est important d’apprendre à se connaître pour créer un monde plus harmonieux : « Je pense que ça doit commencer très tôt cet apprentissage à se connaître, le plus tôt possible. En prêtant attention à l’autre, à comprendre l’autre, à se sentir bien avec l’autre, on voit notre propre identité évoluer. Elle est fluide et en perpétuel mouvement. C’est quelque chose de passionnant ! On doit montrer que c’est une richesse, une force face aux enjeux de notre époque, qui ne nous concerne non plus en tant que simple citoyen d’une nation, mais en tant que citoyen du monde. ».
Pour les élèves d’UPE2A la question de l’identité est centrale. Si c’est une force, elle n’est pas toujours facile à montrer. « C’est parfois difficile pour eux. Par exemple, certains élèves me disent « on m’a encore dit que j’avais un accent », alors qu’ils essayent de l’effacer. Ce sont des adolescents qui ont envie d’être dans un groupe, ils n’ont pas toujours envie de se différencier. Ce type de projet les aide à valoriser leur culture et leur langue d’origine. {…} C’est une culture parfois multiple, ce sont des élèves qui ne viennent pas, forcément, d’une seule culture, mais de plusieurs qu’ils ont traversées. Ce genre de projet leur permet de renouer avec leur identité », détailleNicole Desnoyers.
De manière générale, l’identité est toujours une richesse. « Ce sont des élèves qui sont très ouverts, qui ont envie de rencontrer d’autres cultures. On a des élèves qui sont issus de familles en difficultés où l’accès à la culture n’est pas toujours évident. Ils essaient de dépasser ces contraintes. {…} Ils vivent dans des cultures différentes de celles enseignées à l’école. Par exemple, on travaille beaucoup sur la culture antique et les fondements de la culture française, mais on n’oublie pas qu’ils ont une autre culture à la maison. Faire la synthèse des deux ou bien voir les différences qui existent entre les deux, ça peut amener à des débats quelquefois passionnés, quelquefois houleux, mais on a des élèves qui sont riches ! Riches de leur expérience de vie, pas toujours facile, et de leur culture. », témoigne Touria El Hammiri.
La poésie et les jeunes : Un désamour insensé
Quel rapport ont les jeunes à la poésie ? À première vue, la plupart des lycéens ne sont pas friands de ce genre littéraire. Pourtant, selon Cécile Oumhani la poésie est un véritable outil d’expression : « J’ai eu l’occasion de faire des cycles d’écriture poétique avec des lycéens en région parisienne. Je suis toujours très émue. À chaque fois, j’ai eu affaire à des élèves qui n’étaient pas ouverts à la poésie. Pourtant, ils ont écrit des choses formidables. {…} Je pense que c’est une manière de porter un autre regard sur le monde et de s’apercevoir qu’on peut utiliser les mots autrement. On peut utiliser seulement quelques mots pour dire énormément de choses. On peut s’adresser aux autres par des mots qui ont leur propre chemin. ». Lors de cette rencontre, les élèves d’UPE2A et de terminale HLP ont démontré un véritable intérêt pour la poésie. Un intérêt qu’ils ont communiqué à Cécile Oumhani par de multiples questions sur son rapport à l’écriture, la langue et l’identité.
Léo Ballery
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