Le Lyon Bondy blog s’est entretenu avec Raphaël Debû, chef de file du PCF dans le département du Rhône. Alors même qu’au sein de la NUPES, des positions divergentes émergent face au gouvernement, il évoque ses grands défis et les perspectives communistes au sein de la coalition.
Mardi dernier, le Président de la République recevait solennellement les chefs de partis à l’Élysée. Fabien Roussel, secrétaire général du Parti Communiste Français (PCF), faisait alors partie des grands invités, à la grande joie de son camarade Raphaël Debû, chef de file PCF du Rhône : « un point positif de la campagne présidentielle, c’est qu’avant, personne n’avait identifié que Fabien Roussel parlait au nom des communistes. On ne les entendait pas nationalement. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas ». Le PCF a même eu le privilège d’être qualifié de « parti de gouvernement » par la majorité présidentielle, contrairement à La France Insoumise (LFI), pourtant leader à gauche. Comment appréhender le futur travail parlementaire des communistes au sein de la NUPES, alors même que des rancœurs demeurent et que Fabien Roussel est accusé de faire cavalier seul ? Raphaël Debû nous a éclairé.
Accords compliqués mais bon score à la clef
L’accord électoral pour les législatives passé entre le PCF et les autres forces de gauche avait été signé in extremis. S’ils ont finalement intégré la NUPES, les communistes gardent en tête un partage des circonscriptions pas forcément juste : « On a été beaucoup moins bien traités. Les négociations ont été beaucoup plus dures avec nous car comme on a des électorats proches, les conflits de pouvoir et de territoires étaient plus importants. », témoigne Raphael Debû. D’après lui, LFI couvrait l’essentiel des besoins avec le PS et EELV. L’accord avec le PCF servait alors à « ne pas oublier un morceau de la gauche » pour compléter l’union.
Dans le Rhône, les communistes avaient hérité de la 8ème et de la 11ème circonscription, difficilement gagnables. Résultat, ni Cécile Bulin ni Abdel Yousfi n’ont été élus. Cependant, le conseiller métropolitain l’affirme, la dynamique de rassemblement a permis de mobiliser plus de monde : « Nous avons présenté des candidats dans seulement deux circonscriptions, et on a fait plus de voix que dans 13 circonscriptions il y a cinq ans ». A l’échelle du Rhône, la NUPES a volé quatre sièges à la majorité présidentielle alors que la gauche n’en détenait aucun en 2017.
Trouver une méthode pour trancher les conflits
Alors que 12 députés communistes ont été élus au niveau national (soit un de plus qu’en 2017), reste à envisager le travail sur le long terme au sein de la NUPES, et en particulier avec LFI, qui compte des forces sept fois plus nombreuses. Si la campagne des législatives a permis d’apporter de la « cohérence » au corps militant de gauche au niveau local, au niveau national, les questions de pouvoir et des rapports de forces sont loin d’être évacués. C’est justement pour éviter des jeux de dominations démocratiquement mortifères que le PCF a refusé de former un seul groupe NUPES à l’Assemblée. Raphaël Debû l’affirme, « il est plus saint d’avoir 4 groupes dans un intergroupe NUPES », car, si un système de domination se met en place, « les positions minoritaires deviendront invisibles et inaudibles et n’auront d’autres choix pour se faire entendre que d’exploser ».
Le but de l’intergroupe NUPES sera de favoriser les discussions, mais pas de lisser à tout prix les oppositions. Le secrétaire général PCF du Rhône le rappelle, il ne faut pas confondre « union » et « uniformité », d’autant plus que les quatre partis de la coalition ont des conceptions extrêmement différentes de l’économie. « Le PCF est marxiste, les Insoumis sont Keynésiens, les socialistes sont des économistes classiques et les écologistes sont au choix des classiques ou des libéraux », énumère-t-il. Cela rend épineuse beaucoup de questions, comme celle du financement de l’hôpital public. Dans ces conditions, pour Raphaël Debû, le principal défi de la NUPES sera de « trouver la méthode par laquelle on tranche les questions conflictuelles ».
Compléter le travail de l’assemblée par l’éducation populaire
Le conseiller métropolitain évoque la possibilité de « s’en remettre au corps citoyen » pour trancher les grands conflits d’orientation à l’Assemblée nationale, comme sur la question du nucléaire, à propos de laquelle la gauche est divisée. Concrètement, cela signifie recourir à des référendums dont le vote serait préparé à l’avance par des « ateliers d’éducation populaire » et des débats à l’échelle locale. Raphael Debû précise : « Je suis partisan du débat exigeant, pas seulement de trancher en répondant oui ou non. Pour produire un choix éclairé, le vote doit être seulement la question finale qui vient clore le processus. Sur le mix énergétique, je fais plus confiance à l’intelligence collective des 67 millions de français que des 577 députés ». L’idée est de parvenir à susciter un nouvel intérêt pour la chose publique.
Avant de faire descendre les débats de l’Assemblée nationale à l’échelle locale, encore faut-il que le parlement parvienne à trouver un fonctionnement équilibré au vu de la nouvelle configuration. Le chef de file communiste souhaite que les différents partis adoptent la culture du compromis à l’allemande : « Il va falloir essayer de trouver des points de consensus sur des projets. Ça ne veut pas dire renoncer à ses principes mais faire le choix d’être utile tous de suite aux français plutôt qu’être vierge de toute coopération ». Une position que ne semble pas partager LFI. Adrien Quatennens, coordinateur de LFI et député, a indiqué sur France Inter, France Info et Le Monde : « Il n’y a pas d’arrangement possible (…) nous avons un mandat, celui d’être dans l’opposition ». Des déclarations qui laissent planer le doute sur l’adoption d’une ligne claire de la NUPES vis-à-vis du gouvernement.
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Aurore Ployer et Léo Ballery