Le dimanche 5 et lundi 6 juin, Clermont-Ferrand était témoin des débuts de la fameuse CAN des quartiers. Cette édition, la troisième, a ramené un nouvel élan culturel et sportif dans la ville. A cette occasion, le LyonBondyBlog a échangé avec Bilal, l’un des 4 fondateurs du projet, à la sortie de ce premier week-end de football.
D’où est né la CAN des quartiers ?
De base, je suis du quartier Croix-Neyrat à Clermont-Ferrand, et on a toujours eu l’habitude de faire des matchs inter-quartiers, sans réelle compétition. En 2019, on a entendu parler de la CAN à Evry, en banlieue Parisienne. Moi et deux amis, Bouba et Boucif, on a décidé d’en créer une à Clermont en étant seulement joueur. L’année suivante, en 2020, on a créé une véritable compétition.
Qu’est-ce qui vous a permis de vous différencier ?
La can d’Evry se faisait en matchs de huit joueurs, on a voulu faire des vrais matchs à onze contre onze, comme des professionnels. Le thème reste le même : le foot lié à un aspect fédérateur.
Comment expliquez-vous ce succès ?
On a la chance d’avoir Boucif qui est connu nationalement sur les réseaux sociaux. On a eu un engouement et un buzz rapide et on s’est rapidement fait connaitre dans la ville de Clermont. A côté de cela, on a créé une bonne organisation, et on s’est professionnalisé, on est sortis du quartier pour aller au stade de ligue 1.
Justement, comment est-ce que vous en êtes arrivés au Stade Gabriel Montpied, stade officiel du Clermont Foot ?
Le club de Clermont nous connaissait déjà. Depuis mi-mars on a eu des discussions avec eux. L’histoire de la coupe du monde était lancée dans les quartiers, on voulait officialiser avec un stade. Mais ils (la mairie, la métropole, la préfecture) voulaient qu’on sorte de Croix-Neyrat, car l’année dernière on a rassemblé 5 000 personnes, dans un stade homologué pour 500. Ils craignaient qu’il y ait des problèmes. Les négociations, c’était simple : sortez-moi un stade à Clermont-Ferrand qui peut accueillir plus de 3 000 personnes et on y joue. On a donc compris qu’il n’y en aurait qu’un seul : le grand stade de Gabriel Montpied. Malgré l’organisation par quatre gamins non-professionnels de l’événementiel, on s’en sort bien. Il y a plus d’ambiance que certains matchs de ligue 1.
Vous avez toujours eu des rapports avec le club ?
Evidemment, c’est le club de la ville. Bouba et moi y avons joué de nos six à nos dix-huit ans. On se connait tous dans ce milieu. Pour la CAN de 2021, parmi les spectateurs, on avait à peu près trois quarts des gens qui étaient du club de Clermont Foot. L’ambiance était exceptionnelle, les gens nous ont pris au sérieux.
Est-ce que ce n’est pas une manière de montrer que « nos quartiers ont du talent », et d’approcher les centres de formation au sein des milieux où le football est le plus pratiqué ?
Dans le foot, tout le monde ne passe pas par un centre de formation, c’est un fait : Kanté par exemple. Via la CAN, on a pas mal de joueurs de national 1 et national 2, qui grâce à l’événement, mais pas que, ont été repérés. Il y a des recruteurs qui veulent voir les jeunes de la Coupe du Monde jouer, car ils ont énormément de talent, mais que personne n’a encore vu. Nos quartiers ont du talent. D’ailleurs, on dit « quartier », mais tous les joueurs ne sont pas que de quartier. C’est pour cela qu’on a voulu démocratiser l’événement et rajouter deux équipes la France et le Portugal qui sont deux autres communautés importantes à Clermont. Il faut arrêter cet aspect communautarisme, on a des origines mais on est tous français, on en est fières.
Comment est-ce qu’on peut faire un événement aussi familial dans ce contexte sportif ?
Ça fait simplement partie de notre ADN. On voulait un événement qui rassemble ici, autant que dans notre quartier. Pour cela, on ne voulait pas véhiculer une image de paris sportif, cigarette, alcool, même dans les sponsors. Par bienveillance, car on sait qu’on a un public jeune qui pourrait-être mal influencé. C’était important d’avoir une bonne image. On a été contactés par ces sponsors mais on a refusé. On veut des sponsors qui sont dans notre logique.
Comment est-il possible de proposer une entrée gratuite ?
On a simplement posé nos conditions. Lors du bras de fer avec la ville, on nous a proposé le Stade Gabriel Montpied mais avec certaines conditions qui ne nous allaient pas. On a refusé car on ne voulait pas travestir notre idée, ni nos valeurs. On est rentrés en négociation par la suite et notre condition était de ne pas faire payer aux gens. Par la suite, on a proposé une kermesse pour l’ouverture avec des ateliers maquillages ou de tresses pour les petites. On a aussi permis à tous les jeunes de notre ville de participer à la sécurité et au staff technique. C’est ça l’esprit de la Coupe du monde de Clermont !
De quelle manière des personnalités ont été rattaché au projet ?
Les personnalités, on n’a pas besoin de les faire venir, ils acceptent directement. On a pu échanger avec eux : Sasso, L’Allemand, Nasdas… Ils sont originaires des mêmes quartiers que nous, mais dans d’autres villes, donc ils se reconnaissent dans notre projet. On essaye de faire bouger les choses.
Est-ce qu’à l’instar du rap, devenu la nouvelle pop, on peut dire que le football populaire est devenu une sorte de course marketing ?
Comme le rap, on sent que c’est un buzz. A nous de traiter avec les gens qui nous ont respecté dès le début et d’avancer avec eux. La Montagne nous a contacté avant que le buzz soit présent. Ils nous ont bien couvert et jusqu’à aujourd’hui on fait du bon travail ensemble, comme une diffusion en direct des matchs.
Est-ce qu’on peut dire que Clermont-Ferrand est une ville de foot ?
Plus qu’une ville de foot, on sent que c’est une ville qui bouge sportivement. Plus qu’un aspect technique, c’est de rassembler qui fait plaisir. On a des gens d’Espagne, de Belgique qui viennent assister aux matchs. L’été dernier, lors d’un voyage en Egypte, je me suis fait arrêter une dizaine de fois pour qu’on me félicite du projet. Les gens en avaient entendu jusque là-bas.
Quel sera le futur format du tournoi ?
Dans un futur proche on est déjà en pour-parler avec de gros sponsors et de gros médias, pour les demis et la finale, notamment. Adidas nous a contacté jeudi pour les maillots. Pour l’aspect musical, on a eu des sollicitations. J’écoute beaucoup de musique, mais je n’y avais jamais pensé.
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Tristan