Devenue malentendante avec les années, Nathalie Birault a fondé sa marque Odiora en 2016. L’entrepreneure fabrique des bijoux pour habiller/accessoiriser les appareils auditifs. Elle a également lancé les masques sourire, pour les personnes malentendantes.
Nathalie Birault a accueilli le Lyon Bondy Blog dans son atelier au sein de la plateforme collaborative LYVE, installée par la Métropole de Lyon dans Lyon 9ème. On y retrouve des machines à coudre, des photographies et bien sûr des bijoux. Apprêtée de son masque sourire, la créatrice d’Odiora s’assoit et nous fait part de son parcours. C’est à l’âge de 12 ans, que ses parents découvrent sa surdité, avec une perte d’audition à 70 %. « C’est quelque chose qui est venu progressivement », explique l’entrepreneure. Elle commence à utiliser des appareils auditifs, qu’elle supporte difficilement, « c’était difficile d’accepter à 12 ans, l’image de soi et l’image renvoyée par les autres ».
Enfant, Nathalie Birault voulait devenir audioprothésiste, météorologue ou encore travailler dans la police scientifique. « Mais avec les visites médicales, c’était impossible ». Elle se dirige vers les Beaux-Arts de St-Etienne. « J’avais besoin de comprendre et d’explorer ce handicap. C’était une manière pour moi de rendre sensible le handicap, c’était magique », ajoute-t-elle. Malheureusement, Nathalie Birault rencontre également des blocages durant ses études, « Je n’avais pas d’interprètes. Je n’ai pas pu apprendre la langue des signes et personne ne m’aidait à prendre des notes ». Elle ressort tout de même diplômée des Beaux-Arts et décide d’entreprendre. En créant Nathalie Créations en 2009, elle reçoit le premier prix de la détermination. Elle intègre aussi Linklusion en 2016, la première plateforme de la sous-traitance handicap qui aide les travailleurs indépendants handicapés dans le milieu du travail. Mais sa surdité est toujours présente.
« Ce jour a été magique pour moi »
La surdité progresse jusqu’en 2015. Nathalie birault n’arrive plus à comprendre son entourage et fait un burn-out. Elle décide, alors, cette même année, de se faire opérer. L’implantation cochléaire, qui consiste à remplacer votre oreille interne déficiente par une oreille interne artificielle, l’effraye. « A l’époque, les appareils étaient plus gros et les cicatrices très visibles ». Pour accepter ses nouveaux appareils, Nathalie Birault commence à créer ses premiers bijoux. « Je me suis inspirée d’un voyage que j’ai pu faire à Tahiti. Chez eux, la fleur est un symbole de communication. Je me suis dit que j’aimerais bien parler de ma surdité avec autant de simplicité et de légèreté qu’une petite fleur représente », livre-t-elle. Au début, elle créait ses bijoux seulement pour un usage personnel. Puis un jour, en offrant un des accessoires à une jeune fille malentendante, tout a pris un sens. « Ce jour a été magique pour moi. Elle a changé de posture à partir du moment où j’ai mis le bijou sur son appareil auditif. Elle m’a regardé avec beaucoup de fierté », se rappelle la créatrice. Ce n’était plus juste un bijou banal : cet accessoire pouvait redonner confiance et permettre d’accepter son handicap. « Comme j’aime le dire : le handicap peut être une source d’innovation. Alors, je me suis dit qu’il fallait que j’entreprenne et j’ai fondé Odiora en 2016 ».
« Ce n’était pas juste faire quelque chose de joli, mais quelque chose qui a du sens »
Nathalie Birault lance Odiora en 2016, de manière très artisanale. En s’entourant d’incubateur, qui accompagnent les entrepreneures sur la création de leur entreprise, le projet prend forme. Spécialisée dans la création de bijoux pour les appareils auditifs, la marque a pour objectif d’aider les malentendants à mieux vivre au quotidien. « Ce n’était pas juste faire quelque chose de joli, mais quelque chose qui a du sens », poursuit Nathalie Birault. En 2019, la fondatrice s’associe avec Bruno Savage, expérimenté dans le domaine du textile. Ils repensent, ensemble, le modèle économique d’Odiora pour inclure des audioprothésistes dans la démarche du bien-être du malentendant, « jusqu’au mois de mars 2020, où le Covid nous a bloqué ».
Le masque Sourire
Les masques sont une réelle épreuve pour les malentendants. Ils sont habitués à lire sur les lèvres, mais avec le masque, impossible de comprendre les autres. « Il n’existait rien pour nous, c’était une grosse frustration », s’insurge Nathalie Birault. Elle décide alors de prendre la machine à coudre de sa grand-mère et de lire les normes de sécurité pour essayer de combiner sécurité et visibilité. En proposant ces masques sur leur site, les demandes ont afflué. Leur projet a pris de l’ampleur. « On a commencé à parler avec le cabinet du ministre. La fondation pour l’audition nous a fait confiance et a commandé 5 000 masques », ce qui a lancé l’industrialisation du processus. Les masques sourire sont nés dans une démarche sociale et solidaire. « Cette industrialisation a permis d’embaucher des personnes en situation de handicap pour travailler », explique la fondatrice d’Odiora. « Ça a aidé les personnes malentendantes, mais aussi les métiers de l’hôtellerie, de la restauration. C’est pour ça qu’on l’a appelé le masque sourire, puisqu’un sourire c’est universel », indique Nathalie Birault.
Odiora va se développer, prochainement, dans les systèmes d’accroches des appareils auditifs pour éviter leurs chutes. La fondatrice commence, également, à commercialiser des colliers en langage des signes. Nathalie Birault souhaite tout particulièrement, que ses bijoux soient disponibles chez tous les audioprothésistes de France, « ça me semble essentiel », conclut l’entrepreneure.
Carmen Buecher