Dans son dernier rapport publié le 22 février 2012, le contrôleur général des lieux de privation de liberté (CGLPL) dresse un état des lieux très critique des prisons en France. Parallèlement, l’incontournable Observatoire International des Prisons (OIP) publie un rapport annuel qui met en valeur la dégradation des conditions de détention en France.
L’arrivée en prison
La détention concerne aussi bien les personnes condamnées que celles présumées innocentes. Hormis cette distinction sur le plan légal, il n’y a pas de différences pendant la détention. Dans le premier cas, le détenu arrive directement du tribunal qui l’a condamné ; dans le second, le mis en examen sort du bureau du juge des libertés et de la détention.
Tout commence par le fourgon cellulaire, sorte de prison roulante, avec des compartiments individuels où prévenus est enfermé, menottes dans le dos. Il est à noter que se sont les seuls véhicules transportant du « public », n’ayant pas de ceinture de sécurité…
La plupart des arrivées en prison se font en fin de journée, et chacun est pressé d’en voir la fin. Le bleu typique de leur peinture annonce certainement la couleur des ecchymoses en cas de conduite intempestive du chauffeur….
Le véhicule entre dans la première enceinte de la prison. Les occupants du fourgon sortent un à un. L’équipe de gendarmerie ou de police remet les arrivants au personnel pénitentiaire. C’est le moment de la fouille à corps dans une petite cellule, une de plus après celle de la garde à vue. La mise à nu est impérative. Le dénudé reçoit l’ordre de lever les bras et s’accroupir. Dans cette position, il doit alors tousser pour que le surveillant qui l’ « ausculte » puisse vérifier que le rectum ne laisse rien déborder ou tomber. Quand on sait les moyens modernes de détection d’objet dans un corps humain, cette méthode paraît d’un autre âge. L’administration pénitentiaire cherche certainement à éviter que le justiciable puisse porter plainte contre X, pour avoir été ultraviolet…
Le détenu est ensuite emmené auprès du greffe de la détention. Il lui est remis une copie de son mandat de dépôt*, les objets enlevés lors de la garde à vue, ainsi que le paquetage arrivant. Le contenu du paquet est souvent constitué d’un sous-vêtement, un t-shirt, un stylo, un bloc de papier, un savon, un rasoir, un gant de toilette et une serviette. L’arrivant se voit parfois remettre un fascicule sur ses droits et devoirs en détention. Tout objet ayant une valeur vénale importante reste auprès du greffe, pour restitution à la libération. C’est le cas pour les montres de marque ou bijoux avec pierres précieuses, par exemple.
Après 17h30, pas de visite médicale
Direction la douche. L’eau coule sous le contrôle des surveillants. Ils vérifient la température, d’où peut-être l’expression : « être accueilli froidement ». La visite médicale suit dans la foulée. Elle se limite à constater si l’individu est entier – comprendre qu’il n’a pas été maltraité pendant l’incarcération – et s’il doit suivre un traitement en particulier. Il faut préciser qu’il n’y a pas de médecin faisant partie du personnel pénitentiaire à proprement parler. Et qu’il n’y a pas d’astreinte médicale en détention. Pour peu qu’il soit passé 17h30, il faut attendre le lendemain, dans le meilleur des cas, pour être examiné plus sérieusement.
Immédiatement après, le détenu se voit confiné dans la cellule des arrivants, où il passe sa première nuit. Pour la petite histoire, celle de la prison de Fresnes dans la banlieue sud de Paris possède encore, scellé au sol, l’anneau en acier auquel le prisonnier était attaché… Les quatre murs de cette cellule présentent généralement la première lecture du détenu. Les amateurs de fresques imagées, ainsi que de langues étrangères sont alors comblés et ravis. Ce n’est certes pas la grotte de Lascaux, mais l’art rupestre démontre qu’il a encore de beaux jours devant lui. On peut y lire les commentaires édifiants des divers contingents passés par-là. Les noms d’oiseaux sont transcrits dans une multitude de langues, et l’on apprend que tel juge est un e….., ou que tel procureur peut aller n….. sa m…, sans parler des avocats. A ce titre, cela permet de ne pas en choisir un dont le nom serait inscrit plusieurs fois.
La routine matinale
7h00, un surveillant ouvre la porte et attend une réponse à son bonjour. Plus que l’amour des civilités, c’est une façon de vérifier que le détenu est toujours vivant.
7h15, un second surveillant passe avec un auxiliaire qui pousse deux bassines. L’une des deux contient du café, l’autre du lait. Cette amélioration est due à un détenu célèbre de la prison de la Santé à Paris, Ahmed Ben Bella, qui deviendra le premier président algérien. Il devra attendre 1962 pour y tremper un croissant dedans.
8h00, vient le moment de l’enregistrement anthropométrique. Enième étape de la procédure, l’on reprend alors des photos, les empreintes papillaires, et l’on procède à un prélèvement d’ADN pour les personnes impliquées dans des procédures relatives aux mœurs. Loin des célèbres photos du studio Harcourt, ces clichés ne mettent pas en valeur les sujets ; c’est le moins que l’on puisse dire.
9h00, sonne l’occasion d’un entretien avec le directeur l’établissement pénitentiaire. Celui-ci indique que son autorité ne doit souffrir d’aucune contestation. Il rappel que le droit aux actions collectives est rigoureusement proscrit, car il n’y a pas de syndicats de détenus. L’entretien consiste à se jauger mutuellement, mais aborde aussi des points concernant la confession du détenu, ces obligations alimentaires, son état de santé, son éventuelle scolarisation, ou encore son souhait de travailler et ses compétences professionnelles. Mieux vaut ne pas dire que l’on est serrurier ou pyrotechnicien, si tel est le cas…
A l’inverse, des compétences en cuisine, plomberie, peinture, électricité, ménage, de pressing ou de comptabilité sont très appréciées. Elles permettent de mettre les détenus à contribution dans le fonctionnement de la détention.
Suite à cet entretien, le prisonnier se voit dirigé vers l’un des bâtiments de la prison. Se tient une nouvelle entrevue avec le directeur du bâtiment, qui lui affecte une cellule « résidentielle », ainsi qu’une carte de détenu. Même en détention, il peut y avoir des contrôles d’identités, au cas où des resquilleurs voudraient profiter de la gratuité du logement…
Enfin, c’est l’arrivée dans la cellule. Si la chance est au rendez-vous, il s’agit d’une réclusion individuelle. Cela arrive lorsque le détenu est classé DPS, Détenu Particulièrement Surveillé. Il peut s’agir alors soit d’un « VIP », soit d’un membre d’une mouvance terroriste, soit d’un détenu notoirement dangereux. Mais dans la grande majorité des cas, le nouvel invité se voit arriver dans une cellule de 9 m², où résident parfois trois à quatre détenus. La première question qu’il entend est : « Pourquoi es-tu là ? Fais voir ton mandat de dépôt ». Mieux vaut être là pour terrorisme ou braquage ; plutôt que pour viol ou meurtre d’enfants…
Le dossier sur les prisons est ouvert, rendez-vous dans les prochaines semaines sur notre site.
Pour aller plus loin :
Le témoignage d’un assesseur extérieur en commission de discipline, sur www.laurent-mucchielli.org :
*Le mandat de dépôt est le document enjoignant au directeur la mise en détention du concerné. Ce document reprend la liste des articles de lois ayant donnés lieux à la condamnation, ou ceux retenus à l’encontre du prévenu. Il est édité en 3 exemplaires, l’un reste au dossier, le second est remis au directeur de la prison pour mise sous écrous, et le troisième appartient au détenu.